Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2011, complétée par un mémoire de production enregistré le 1er août 2011, présentée pour la COMMUNE DE THIONVILLE, par Me Moitry, avocat ; la COMMUNE DE THIONVILLE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700173 en date du 17 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération, en date du 13 novembre 2006, par laquelle son conseil municipal a approuvé la neuvième modification du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'elle a classé en zone ND la parcelle cadastrée section 35 n° 323/1 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la Fondation Lenternier ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter les effets de l'annulation de la délibération, en date du 13 novembre 2006, au classement en zone ND de la partie basse, d'une superficie de 1 hectare 50 ares, de la parcelle cadastrée section 35 n° 323/1 ;
4°) de mettre à la charge de la Fondation Lenternier le paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que le jugement attaqué a estimé que le classement de la parcelle cadastrée section 35 n° 323/1 en zone ND était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; la circonstance que ladite parcelle serait mitoyenne dans sa partie basse de parcelles construites n'entache pas d'erreur manifeste d'appréciation le classement litigieux ; il n'y a de surcroît aucune urbanisation à proximité immédiate de la parcelle concernée ; une zone n'est pas de facto urbanisable au motif qu'elle se situe à proximité relative de la voie publique ; contrairement à l'appréciation faite par le Tribunal administratif, la parcelle dans son entier à le caractère d'un coteau, et non sa seule partie haute ; c'est à tort que les premiers juges ont dénié à ce coteau la qualité de paysage naturel à préserver, la ville de Thionville fondant son identité sur son emplacement entre la Moselle et les coteaux avoisinants ; la volonté de protéger les richesses naturelles d'une commune peut légalement fonder le classement en zone non constructible d'une parcelle ; l'urbanisation progressive de la parcelle défigure le site ;
- la substitution de motifs qu'elle a demandée était fondée par les risques d'inondation qui sont établis ; cette circonstance pouvait, à elle-seule, justifier le nouveau classement de la zone ; à titre subsidiaire, la Cour fera droit à la demande de substitution de motifs ;
- les moyens de première instance devront être écartés : le rapport de présentation répond aux exigences de l'article R. 123-17 ancien du code de l'urbanisme, comme au nouvel article R. 123-2 du même code ; il justifie explicitement le classement envisagé par le souci urgent de préserver le paysage des coteaux thionvillois qui font partie de l'identité de la commune et les axes de vue menacés par l'extension de l'urbanisation ;
- la modification du zonage effectuée par la délibération litigieuse ne porte pas atteinte à l'économie générale du plan et ne méconnaît pas ainsi les articles L. 123-4 ancien et L. 123-13 du code de l'urbanisme ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2011, présenté pour la Fondation Lenternier, par Me Mathieu, avocat, qui conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE THIONVILLE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à bon droit que le Tribunal administratif a estimé que le classement de la parcelle concernée en zone ND était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, la partie inférieure de la zone, d'environ 1,5 hectare, se trouve entre deux zones déjà bâties et ne peut être regardée comme une zone de coteau emblématique à protéger, comme l'a retenu le commissaire enquêteur dans son rapport ; que le Tribunal administratif a rejeté, à juste titre, la substitution de motifs demandée par la COMMUNE DE THIONVILLE ; que ladite demande de substitution de motifs ne répondait pas aux critères définis par la jurisprudence dès lors qu'elle privait le requérant d'une garantie procédurale, en l'occurrence la soumission du dossier de modification du plan d'occupation des sols à enquête publique et à avis du commissaire enquêteur ; que les autres moyens développés en première instance doivent être repris dans l'hypothèse de l'effet dévolutif de l'appel ; que le rapport de présentation de la modification du plan d'occupation des sols était insuffisant car trop général et méconnaissait ainsi les dispositions de l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme ; qu'en application de l'article L. 123-4 ancien du code de l'urbanisme, désormais L. 123-13, la modification litigieuse du plan d'occupation des sols imposait qu'il soit recouru à la procédure de révision, et non simplement de modification ; qu'en l'espèce, il est porté atteinte à l'économie générale du plan ; qu'elle consent, comme en première instance, à ce que les effets de l'annulation de la délibération litigieuse soient limités à la seule disposition concernant le classement en zone ND de la parcelle cadastrée section 35 n° 323/1 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 février 2012, présenté pour la COMMUNE DE THIONVILLE, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 avril 2012, présenté pour la Fondation Lenternier, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2012 :
- le rapport de M. Luben, président,
- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,
- et les observations de Me Jung, avocat de la COMMUNE DE THIONVILLE, ainsi que celles de Me Sonnenmoser, substituant Me Mathieu, avocat de la Fondation Lenternier ;
Sur la légalité de la délibération litigieuse :
Considérant, en premier lieu, qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la modification litigieuse du zonage du plan d'occupation des sols chemin du Coteau était justifiée, aux termes du rapport de présentation par la circonstance que " la ville de Thionville fonde son identité sur son implantation entre Moselle et coteaux. Le paysage des coteaux est emblématique et de statut d'intérêt collectif. Cette valeur aboutit à une altération par grignotage successif. Ce statut emblématique de niveau patrimonial impose l'urgence d'une protection forte à vocation d'espace public préservant des axes de vue. C'est la raison pour laquelle il est proposé de réduire la zone 1 NAc au profit de l'extension de la zone naturelle ND. " ; que la partie haute, au nord, de la parcelle cadastrée section 35 n° 323/1, au dessus de la côte de niveau 190, dans sa majeure partie boisée, appartient à la zone des coteaux boisés et non bâtis qui surplombent la ville de Thionville ; que si la partie basse de ladite parcelle, comprise entre les cotes de niveau 175 et 190, est située entre, à l'ouest, des bâtiments (l'institut médico-pédagogique) construits sur une parcelle classée en zone UCb, et, à l'est, une parcelle classée en zone INAc et que la zone à l'ouest de l'institut médico-pédagogique est dominée par un habitat collectif massif, comprenant trois tours et plusieurs barres, qui participe à une forte anthropisation du paysage, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'en classant en zone naturelle ND cette partie de parcelle, qui se situe dans le prolongement de la partie haute de la parcelle, le conseil municipal de la COMMUNE DE THIONVILLE ait entaché la délibération attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler la délibération, en date du 13 novembre 2006, par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE THIONVILLE a approuvé la neuvième modification du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'elle a classé en zone ND la parcelle cadastrée section 35 n° 323/1, le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur la circonstance que ce classement procédait d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Fondation Lenternier devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Le plan local d'urbanisme comprend un rapport de présentation, le projet d'aménagement et de développement durable de la commune et un règlement ainsi que des documents graphiques. Il peut comporter en outre des orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou à des secteurs, assorties le cas échéant de documents graphiques. (...) Il est accompagné d'annexes." ; qu'aux termes de l'article R. 123-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au premier alinéa de l'article L. 123-1 ; / 2° Analyse l'état initial de l'environnement ; / 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d'aménagement. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 ; / 4° Evalue les incidences des orientations du plan sur l'environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur. / En cas de modification ou de révision, le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés. " ;
Considérant que le rapport de présentation de la 9ème modification du plan d'occupation des sols de la commune indique : " 12. Modification du zonage Chemin du Coteau. La ville de Thionville fonde son identité sur son implantation entre Moselle et coteaux. Le paysage des coteaux est emblématique et de statut d'intérêt collectif. Cette valeur aboutit à une altération par grignotage successif. Ce statut emblématique de niveau patrimonial impose l'urgence d'une protection forte à vocation d'espace public préservant des axes de vue. C'est la raison pour laquelle il est proposé de réduire la zone 1 NAc au profit de l'extension de la zone naturelle ND. " ; qu'eu égard notamment à la taille réduite de la parcelle concernée par la modification dont s'agit, la Fondation Lenternier n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme auraient été méconnues par la délibération attaquée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la Fondation Lenternier ne peut utilement se fonder, pour contester la légalité de la délibération litigieuse, sur les dispositions de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, qui ne concernent que les zones urbaines ou à urbaniser ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération attaquée : " Le plan local d'urbanisme est modifié ou révisé par délibération du conseil municipal après enquête publique. / La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée : / a) Ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 123-1 ; / b) Ne réduise pas un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels ; / c) Ne comporte pas de graves risques de nuisance. / Le projet de modification est notifié, avant l'ouverture de l'enquête publique, au préfet, au président du conseil régional, au président du conseil général et, le cas échéant, au président de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, ainsi qu'aux organismes mentionnés à l'article L. 121-4. / Dans les autres cas que ceux visés aux a, b et c, le plan local d'urbanisme peut faire l'objet d'une révision selon les modalités définies aux articles L. 123-6 à L. 123-12. / Lorsque la révision a pour seul objet la réalisation d'une construction ou d'une opération, à caractère public ou privé, présentant un intérêt général notamment pour la commune ou toute autre collectivité ou lorsque la révision a pour objet la rectification d'une erreur matérielle, elle peut, à l'initiative du maire, être effectuée selon une procédure simplifiée. La révision simplifiée donne lieu à un examen conjoint des personnes publiques associées mentionnées à l'article L. 123-9. Le dossier de l'enquête publique est complété par une notice présentant la construction ou l'opération d'intérêt général. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables à un projet d'extension des zones constructibles qui ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable et ne comporte pas de graves risques de nuisance. / Entre la mise en révision d'un plan local d'urbanisme et l'approbation de cette révision, il peut être décidé une ou plusieurs révisions simplifiées et une ou plusieurs modifications. / Les procédures nécessaires à une ou plusieurs révisions simplifiées et à une ou plusieurs modifications peuvent être menées conjointement. " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le classement de la zone dont s'agit, d'une superficie modeste, antérieurement en zone 1 NAc et désormais classée ND par la délibération litigieuse, ne porte pas atteinte à l'économie générale du projet d'aménagement et de développement durable mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 123-1, ne réduit pas un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière, ou une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels et ne comporte pas de graves risques de nuisance ; que, par suite, la Fondation Lenternier n'est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme auraient été méconnues en ce que la procédure de révision du plan d'occupation des sols aurait dû être mise en oeuvre, à l'exclusion de la procédure de modification ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la COMMUNE DE THIONVILLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 17 mai 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération, en date du 13 novembre 2006, par laquelle le conseil municipal de ladite commune a approuvé la neuvième modification du plan d'occupation des sols de la commune en tant qu'elle a classé en zone ND la parcelle cadastrée section 35 n° 323/1 ; qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la Fondation Lenternier le paiement à la COMMUNE DE THIONVILLE de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la Fondation Lenternier tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 17 mai 2011 est annulé.
Article 2 : La demande de la Fondation Lenternier devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée ainsi que ses conclusions devant la Cour.
Article 3 : La Fondation Lenternier versera à la COMMUNE DE THIONVILLE une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE THIONVILLE et à la Fondation Lenternier.
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