La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2012 | FRANCE | N°11NC01697

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 05 juin 2012, 11NC01697


Vu le recours, enregistré le 28 octobre 2011, du MINISTRE DES SPORTS ; le MINISTRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000895 du 30 août 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 31 décembre 2009 par lequel le préfet de la Moselle a interdit à M. Gautier A d'exercer pendant une durée de cinq ans les fonctions d'enseignement, d'encadrement et d'animation d'une activité physique et sportive ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Le MINISTRE DES SP

ORTS soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en exami...

Vu le recours, enregistré le 28 octobre 2011, du MINISTRE DES SPORTS ; le MINISTRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000895 du 30 août 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 31 décembre 2009 par lequel le préfet de la Moselle a interdit à M. Gautier A d'exercer pendant une durée de cinq ans les fonctions d'enseignement, d'encadrement et d'animation d'une activité physique et sportive ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Le MINISTRE DES SPORTS soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit en examinant la légalité de l'arrêté préfectoral du 31 décembre 2009 au regard de dispositions qui ne lui étaient pas applicables ;

- compte tenu des fautes commises par M. A le 1er août 2009 lors de l'accident ayant entraîné le décès d'une enfant de onze ans, son maintien en activité comme éducateur sportif constitue un danger pour la santé et la sécurité physique, circonstance autorisant le préfet à l'interdire d'exercer la profession d'éducateur sportif pendant une durée de cinq ans ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 17 janvier 2012 fixant la clôture de l'instruction le 13 mars 2012 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2012, présenté pour M. Gautier A, demeurant ... par Me Walter, qui conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- si les premiers juges ont pris en considération des éléments de fait du dossier d'enquête pénal pour fonder leur conviction, leur décision est motivée au regard des seules dispositions du code du sport ; les premiers juges n'ont pas méconnu le principe d'indépendance des fautes pénales et administratives ;

- M. A n'a commis aucune faute dans l'encadrement du groupe qui lui avait été confié ;

- le magistrat instructeur a laissé l'autorité administrative accéder à des pièces du dossier pénal dont il n'a jamais eu connaissance ; la procédure à l'issue de laquelle le préfet lui a signifié une interdiction d'exercer méconnaissant ainsi les articles 6-1 et 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est irrégulière ;

- la présidence du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative ayant été assurée par le directeur départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative et non par le préfet, la consultation de ce conseil est irrégulière ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code du sport ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2012 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Walter, avocat de M. A, et de M. Ould-Yahia représentant le ministre des sports ;

Considérant qu'embauché le 2 janvier 2009 en qualité d'apprenti par l'entreprise River Club en vue de préparer le brevet d'Etat d'éducateur sportif du premier degré option canoë kayak et disciplines associées, M. Gautier A encadrait, le 1er août 2009, un groupe dans la descente de la Durance en hydrospeed au cours de laquelle une adolescente de onze ans s'est noyée ; que par un arrêté du 31 décembre 2009, le préfet de la Moselle a interdit à M. A d'exercer, pour une durée de cinq ans, les fonctions d'enseignement, d'animation, d'encadrement d'une activité physique ou sportive ; que le MINISTRE DES SPORTS demande l'annulation du jugement du 30 août 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté au motif que le maintien en activité de l'intéressé ne constituait pas un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ;

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 212-13 du code du sport : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1.[...] " ;

Considérant que si les premiers juges ont pris en considération des éléments de fait tirés du dossier d'enquête pénal, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient apprécié la légalité de l'arrêté préfectoral du 31 décembre 2009 au regard d'autres textes que le code du sport applicable aux faits de l'espèce, dont ils ont d'ailleurs expressément rappelé les dispositions pertinentes ; que le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut être accueilli ;

Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I.-Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification [...] / Peuvent également exercer contre rémunération les fonctions mentionnées au premier alinéa ci-dessus les personnes en cours de formation pour la préparation à un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification conforme aux prescriptions des 1° et 2° ci-dessus, dans les conditions prévues par le règlement de ce diplôme, titre ou certificat.[...] " ; que, d'autre part ,aux termes de l'article L. 212-2 du code du sport : " Lorsque l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 212-1 s'exerce dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, seule la détention d'un diplôme permet son exercice. Ce diplôme (...) est délivré par l'autorité administrative dans le cadre d'une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées (...) " ; que l'article R. 212-7 du même code dispose que : " " les activités s'exerçant dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières mentionnées à l'article L. 212-2 sont celles relatives à la pratique : [...] 2° Du canoë-kayak et des disciplines associées en rivière de classe supérieure à trois conformément aux normes de classement technique édictées par la fédération délégataire en application de l'article L. 311-2 ; [...] ; " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 212-4 du code du sport " Pour exercer contre rémunération les fonctions prévues à l'article L. 212-1, les personnes en cours de formation préparant à un diplôme, un titre à finalité professionnelle ou un certificat de qualification mentionnés à l'article R. 212-1 doivent, dans les conditions prévues par le règlement de ces diplômes, titres ou certificats de qualification, être placées sous l'autorité d'un tuteur et avoir satisfait aux exigences préalables à leur mise en situation pédagogique. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'outre les personnes titulaires du brevet d'Etat d'éducateur sportif du premier degré option canoë kayak et disciplines associées, seules celles en cours de formation pour l'obtention de ce diplôme et satisfaisant, par ailleurs, aux conditions de mise en situation pédagogique et de tutorat peuvent enseigner, encadrer et animer la pratique du canoë-kayak et des disciplines associées dans les rivières de classe inférieure ou égale à trois ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au 1er août 2009, date de l'accident, M. A n'était pas titulaire du brevet d'Etat susmentionné qu'il préparait; que M. B, désigné comme tuteur sur le contrat d'apprentissage signé entre l'entreprise River Club et M. A, n'avait jamais exercé vis-à-vis de son stagiaire les missions attachées à cette fonction ; qu'ainsi, faute de tout encadrement tutorial, M. A, apprenti en cours de formation, ne pouvait enseigner, encadrer ou animer la pratique d'activités d'eaux vives quel que soit le nombre de participants et quelle que soit la classe de rivière ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de tout éducateur satisfaisant aux conditions de l'article L. 212-1 du code du sport, le groupe de onze personnes dont neuf mineurs qui s'est lancé dans la descente en hydrospeed de la Durance le ler août 2009 était, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, manifestement sous encadré alors qu'il incombait à l'entreprise River Club, en sa qualité d'établissement d'activités physiques et sportives, de déterminer dans le cadre de son devoir d'organisation, le nombre et la qualité des encadrants à mettre à la disposition des groupes sollicitant ses services pour les initier à la pratique d'activités d'eaux vives ; que, toutefois, le ministre des sports est fondé à soutenir qu'en acceptant de prendre sous sa responsabilité le groupe qui lui a été confié dans ces conditions manifestes de sous-encadrement, M. A avait mal apprécié le champ de ses responsabilités, que son maintien en activité constituait effectivement un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants, et qu'en jugeant le contraire, le tribunal avait commis une erreur dans la qualification juridique des faits ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant qu'eu égard au manquement ci-dessus relevée, le préfet fait encore grief à M. A de s'être positionné en tête de groupe à bord d'un canot raft et d'avoir ainsi mal géré le déroulement technique et pédagogique de la descente ; que, toutefois, en se positionnant en tête de groupe, M. A se donnait la possibilité de reconnaître l'itinéraire à emprunter, de repêcher un participant emporté par le courant , de voir le groupe et d'en être vu ; qu'ainsi, nonobstant la présence dans le canot d'un jeune handicapé ne répondant à aucune des conditions techniques menant à la pratique de ce sport, les modalités techniques d'encadrement de la descente décidées par M. A ne constituaient pas, notamment au regard des divergences entre experts sur l'encadrement de l'activité de nage en eaux-vives, une erreur ; que, positionné sur la rive opposée à celle à proximité de laquelle avait coulé la victime, M. A a attiré l'attention des passagers d'un raft arrivant sur zone ; que, s'il n'a pas porté par lui-même secours à la victime, en faisant appel à des personnes mieux placées que lui , il a permis son extraction plus rapide de la rivière ; que constatant que les passagers du raft pratiquaient à la victime massage cardiaque et bouche à bouche, il est remonté sur la route surplombant la berge pour intercepter un véhicule et alerter les secours ; qu'ainsi, M. A a pris des initiatives pour porter secours et assistance à la victime et n'a, par suite, dans les circonstances de l'espèce pas commis de faute dans l'organisation des secours ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que si le maintien en activité de M. A constituait effectivement un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants, ce danger doit être relativisé au regard de son statut d'apprenti et des graves carences de son employeur dans les fonctions de directeur de la structure et de maître de stage; que par suite, l'interdiction pour une durée de cinq ans des fonctions d'enseignement, d'animation, d'encadrement d'une activité physique ou sportive infligée à M. A par l'arrêté préfectoral du 31 décembre 2009 est manifestement disproportionnée ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par l'intéressé, que le MINISTRE DES SPORTS n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 31 décembre 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DES SPORTS est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DES SPORTS et à M. Gauthier A.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle et au préfet des Hautes Alpes.

''

''

''

''

5

N° 11NC01697


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-05-04 Spectacles, sports et jeux. Sports. Accidents subis au cours de séances d'entraînement ou de compétitions.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : CABINET WALTER ET GURY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 05/06/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11NC01697
Numéro NOR : CETATEXT000026141152 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-05;11nc01697 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award