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05/06/2012 | FRANCE | N°11NC01656

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 05 juin 2012, 11NC01656


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre 2011 et 13 mars 2012 sous le n° 11NC01656, présentés pour M. Kakha A demeurant ..., par Me Grosset, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100978 du 20 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 avril 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant

le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces déci...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre 2011 et 13 mars 2012 sous le n° 11NC01656, présentés pour M. Kakha A demeurant ..., par Me Grosset, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100978 du 20 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 avril 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le juge a omis de répondre au moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- le juge a omis de répondre au moyen tiré du caractère automatique de la décision de départ volontaire ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du CESEDA car il souffre d'une pathologie hépatique depuis 2004 ; il ne pourra avoir un accès effectif aux soins en cas de retour en Géorgie ;

- le préfet s'est cru lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- la décision méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision a été signée par une autorité incompétente ;

- les dispositions du I de l'article L. 511-1 du CESEDA sont incompatibles avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 car le délai de départ est différent ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, et n'a pas apprécié les risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du président du bureau de l'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), en date du 19 janvier 2012, accordant à M. A l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire enregistré le 6 février 2012, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle ; le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le signataire de la décision attaquée bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ; l'article L. 511-1 du CESEDA transpose les dispositions de la directive du 16 décembre 2008 et aucune circonstance du dossier ne justifiait que le délai de départ soit prolongé ; il ne s'est pas estimé lié ni par l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé qui a considéré que l'intéressé pourrait bénéficier de soins dans son pays d'origine ni par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ; le requérant qui n'a pas fait état de sa relation avec une ressortissante française dans le passé, notamment en 2009 où il indiquait être célibataire, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2012 :

- le rapport de Mme Rousselle, président ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant d'une part que si M A soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait effectivement soulevé ce moyen en première instance ; que, d'autre part, les premiers juges ont expressément répondu au moyen tiré du caractère automatique de la décision portant obligation de quitter le territoire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'omissions à statuer manque en fait ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté contesté :

Considérant que l'arrêté litigieux a été signé " pour le préfet et par délégation, "Pour la Directrice empêchée, le chef de bureau des étrangers, Sylvia Polin "; qu'il ressort des pièces du dossier que délégation de signature a été donnée par le préfet de Meurthe-et-Moselle par arrêté n° 11.BI.09 du 17 janvier 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 18 janvier 2011 à Mme Audia, directrice des libertés publiques, aux fins notamment de signer les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que l'article 3 dudit arrêté donne délégation, dans la limite de ses attributions, à Mme Polin, chef du bureau des étrangers; qu'il s'ensuit que la signataire de la décision litigieuse disposait d'une délégation de signature régulière, qui était suffisamment précise ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l' étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'Agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) " ; qu'il résulte de l'article R. 312-22 du même code que, pour l'application des dispositions de l'article L. 313-11 précité, la carte de séjour est délivrée par le préfet après avis du médecin de l'Agence régionale de santé ; qu'en vertu de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui sollicite une carte de séjour à raison de son état de santé est tenu de faire établir, par un médecin agréé ou un praticien hospitalier, un rapport médical précisant le diagnostic de ses pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine, au vu duquel le médecin de santé publique compétent rend son avis ;

Considérant, en premier lieu, que conformément aux dispositions de l'article R. 313 22 du CESEDA , le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est prononcé au vu de l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé ; qu'il a, par ailleurs, procédé à l'examen particulier de la situation de M. A , notamment au regard de sa situation familiale et de son droit au respect de sa vie privée; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait cru lié par l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé et aurait commis une erreur de droit manque en fait, et doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin de l'Agence régionale de santé du 12 janvier 2011 que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risques ; que M. A ne produit aucun certificat médical de nature à contredire cette position ; que par suite le moyen tiré de ce que la décision contestée serait contraire aux dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que M. A affirme résider en France depuis 2002 et soutient qu'il y serait parfaitement intégré tant sur le plan professionnel que personnel en se prévalant d'une vie maritale avec une ressortissante française depuis 7 ans ; que, toutefois, il ne justifie ni de sa date d'entrée sur le territoire ni, par les pièces qu'il produit de l'intensité et de la stabilité des liens personnels ou professionnels qu'il aurait noués en France ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que le requérant, célibataire et sans charge de famille en France, serait dépourvu de toute attache familiale et privée dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 29 ans et où réside sa fille; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie tant privée que familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il n'est, pas plus, fondé à soutenir qu'elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, que les allégations selon lesquelles le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait estimé lié par les décisions précitées de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile sont inopérantes à l'encontre du refus contesté qui répond à une demande de titre pour motif sanitaire ;

En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter le territoire :

Considérant, qu'aux termes de l'article 7, relatif au " départ volontaire ", de la directive 2008/115/CE susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. [...] " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d'un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 du même article, ni être supérieur à trente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l'étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit le paragraphe 2 du même article ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français contestée, notifiée à l'intéressé le 26 avril 2011, prévoit un délai de départ volontaire d'un mois et que, dès lors que le mois dont s'agit courait du 27 avril au 27 mai et ne comptait pas moins de trente jours, un tel délai est conforme aux dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'à celles de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant que M. A reprend, avec la même argumentation, le moyen soutenu en première instance, tiré de la méconnaissance des articles L. 513-2 du CESEDA et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants, et L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Kahka A et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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11NC01656


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 05/06/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11NC01656
Numéro NOR : CETATEXT000026141146 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-05;11nc01656 ?
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