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05/06/2012 | FRANCE | N°11NC01305

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 05 juin 2012, 11NC01305


Vu la requête, enregistrée le 8 août 2011, présentée pour M. Patrick A, demeurant ... par Me de Caumont, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0902161 en date du 14 juin 2011 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur par lesquelles il lui a été infligé des retraits de points ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités locales e

t de l'immigration de lui restituer les points illégalement retirés dans un délai de 15 jours...

Vu la requête, enregistrée le 8 août 2011, présentée pour M. Patrick A, demeurant ... par Me de Caumont, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0902161 en date du 14 juin 2011 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur par lesquelles il lui a été infligé des retraits de points ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités locales et de l'immigration de lui restituer les points illégalement retirés dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande pour irrecevabilité alors qu'il a fait parvenir la demande de communication des décisions contestées le 31 mai 2011, qu'il se trouvait dans l'impossibilité de joindre la décision 48 SI, que sa requête a reproduit les termes essentiels des décisions et qu'y étaient joints le relevé d'information intégral et le recours gracieux contre les décisions de retrait de points ;

- à l'occasion de la constatation des infractions commises les 8 janvier 2005, 1er décembre 2005, 28 octobre 2006 et 14 octobre 2008, les informations préalables ne lui ont pas été délivrées ;

Vu l'ordonnance et les décisions attaquées ;

Vu, enregistré le 7 octobre 2011, le mémoire en défense par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la demande de première instance était bien irrecevable eu égard à la seule production du relevé d'information intégral du permis de conduire ;

- l'information préalable a été délivrée dès lors les infractions commises les 28 octobre 2006 et 14 octobre 2008 ont donné lieu aux procès-verbaux de contravention signés par le contrevenant, l'infraction commise le 8 janvier 2005 a donné lieu à une décision de la juridiction de proximité de Provins du 28 juin 2005 et celle du 1er décembre 2005 a fait l'objet du paiement de l'amende forfaitaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer ses conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2012 :

- le rapport de M. Wallerich, premier conseiller ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 222-1 du même code : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ;

Considérant que s'il est procédé à l'enregistrement, dans le traitement automatisé dénommé système national des permis de conduire, de toutes décisions portant modification du nombre de points dont est affecté le permis ou invalidation de ce titre pour solde de points nul, cet enregistrement ne saurait être regardé comme constituant, en lui-même, la décision prise par l'autorité administrative ; qu'en revanche, aux termes des quatrième et cinquième alinéas de l'article R. 223-3 du code de la route : " Si le retrait de points (...) n'aboutit pas à un nombre nul de points affectés au permis de conduire de l'auteur de l'infraction, celui-ci est informé par le ministre de l'intérieur par lettre simple du nombre de points retirés. ( ...) / Si le retrait de points aboutit à un nombre nul de points affectés au permis de conduire, l'auteur de l'infraction est informé par le ministre de l'intérieur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du nombre de points retirés. Cette lettre récapitule les précédents retraits ayant concouru au solde nul, prononce l'invalidation du permis de conduire et enjoint à l'intéressé de restituer celui-ci (...) " ;

Considérant que le titulaire du permis qui demande l'annulation d'une décision portant retrait de points ou invalidation de son permis ne peut ainsi se borner à produire le relevé d'information intégral issu du système national des permis de conduire où elle est enregistrée, mais doit produire la décision elle-même, telle qu'il en a reçu notification dans les conditions prévues à l'article R. 223-3 du code de la route ou, en cas d'impossibilité, apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A avait produit à l'appui de sa demande enregistrée le 16 novembre 2009 au greffe du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décision en date du 27 octobre 2009 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales rejetant le recours gracieux exercé par l'intéressé à l'encontre des décisions de retrait de points suite aux infractions commises les 8 janvier 2005, 1er décembre 2005, 28 octobre 2006 et 14 octobre 2008 ; que, par suite, le vice-président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne pouvait se fonder sur les dispositions du 4 ° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de M. A au motif que le requête n'était pas accompagnée des décisions attaquées ; qu'ainsi M. A est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par voie d'évocation, sur les conclusions présentées par le requérant devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions portant retrait de points :

En ce qui concerne l'infraction du 8 janvier 2005 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. (...) La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire (...) ou par une condamnation définitive. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 223-3 du code : " Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès (...) / Lorsqu'il est fait application de la procédure d'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende forfaitaire ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée (...) " ;

Considérant que, d'une part, il résulte de la combinaison des articles L. 223-1, L. 223-2 et du premier alinéa de l'article L. 223-3 précités du code de la route que l'absence de délivrance de l'information générale sur le retrait de points consécutif à la répression d'une infraction et sur les modalités d'exercice du droit d'accès au fichier automatisé n'est susceptible de vicier substantiellement la procédure préalable à la décision prononçant ce retrait que si le contrevenant avait la faculté de renoncer à présenter une contestation et d'acquiescer aux faits consignés au procès-verbal en acquittant directement l'amende ; que, d'autre part, le second alinéa de l'article L. 223-3 précité du code de la route ne prévoit l'obligation de délivrer une information préalable sur le nombre de points dont la perte est encourue par la reconnaissance matérielle de l'infraction que lorsqu'il est fait application de la procédure d'amende forfaitaire ou de celle de la composition pénale ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a retiré 4 points du capital affecté au permis de conduire de M. A à la suite de l'infraction au code de la route commise le 8 janvier 2005 portant sur un non respect de l'arrêt absolu au stop à une intersection ; que la réalité de l'infraction a été établie par une condamnation prononcée par la juridiction de proximité de Provins en date du 28 juin 2005 devenu définitive ; que lors de cette instance pénale, le requérant n'a eu à exercer aucun choix qui aurait pu le conduire à ne pas reconnaître la matérialité des faits qui lui étaient imputés, celle-ci ayant été acquise après que la condamnation fut devenue définitive, indépendamment de sa volonté ; que, dans ces conditions, l'absence de délivrance de l'information générale prévue par le premier alinéa de l'article L. 223-3 précité du code n'a pas eu pour effet de vicier substantiellement la procédure préalable au retrait de points ;

En ce qui concerne les infractions des 28 octobre 2006 et 14 octobre 2008 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en ce qui concerne les infractions susvisées l'administration a produit les procès-verbaux établi par les agents de la police ayant qualité d'agent de police judiciaire mentionnant que, pour chacune de ces deux infractions, le document du centre d'enregistrement et de révision des formulaire administratifs (CERFA) n° 90-0204 a été remis à M. A et que ce dernier a été informé que les faits relevés à son encontre étaient susceptibles d'entraîner un retrait de points de son permis de conduire ; que M. A a signé les procès-verbaux en cause ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qu'elle a satisfait à l'obligation d'information prescrite à l'article L. 223-3 du code de la route précité à l'occasion de ces deux infractions ;

En ce qui concerne l'infraction du 1er décembre 2005 :

Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions des articles L. 223-1 et L. 225-1 du code de la route, combinées avec celles des articles 529 et suivants du code de procédure pénale et du premier alinéa de l'article 530 du même code, que le mode d'enregistrement et de contrôle des informations relatives aux infractions au code de la route conduit à estimer que la réalité de l'infraction est établie dans les conditions prévues à l'article L. 223-1 de ce code dès lors qu'est inscrite, dans le système national des permis de conduire, la mention du paiement de l'amende forfaitaire ou de l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, sauf si l'intéressé justifie avoir présenté une requête en exonération dans les quarante-cinq jours de la constatation de l'infraction ou de l'envoi de l'avis de contravention ou avoir formé, dans le délai prévu à l'article 530 du code de procédure pénale, une réclamation ayant entraîné l'annulation du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions portant application des articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, notamment celles de ses articles A. 37 à A. 37-4, que lorsqu'une contravention soumise à la procédure de l'amende forfaitaire est relevée avec interception du véhicule mais sans que l'amende soit payée immédiatement entre les mains de l'agent verbalisateur, ce dernier utilise un formulaire réunissant, en une même liasse autocopiante, le procès-verbal conservé par le service verbalisateur, une carte de paiement matériellement indispensable pour procéder au règlement de l' amende et l'avis de contravention, également remis au contrevenant pour servir de justificatif du paiement ultérieur, qui comporte une information suffisante au regard des exigences résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ;

Considérant que l'intervention de l'arrêté du 5 octobre 1999 relatif aux formulaires utilisés pour la constatation et le paiement des contraventions soumises à la procédure de l'amende forfaitaire ne garantit toutefois pas que des formulaires établis selon un modèle antérieur, où le document comportant les informations requises et celui nécessaire au paiement étaient entièrement distincts, n'aient pas continué à être utilisés pour la constatation des infractions ; que la mention, au système national des permis de conduire, du paiement ultérieur de l'amende forfaitaire au titre d'une infraction relevée avec interception du véhicule ne permet donc au juge de considérer que le titulaire du permis a nécessairement reçu un avis de contravention que si elle est accompagnée de la production du procès-verbal de l'infraction, établissant que le formulaire employé est conforme aux dispositions des articles A. 37 à A. 37-4 du code de procédure pénale ;

Considérant que le MINISTRE, qui ne produit, ni en première instance, ni en appel, le procès-verbal de l'infraction commise le 1er décembre 2005, n'établit pas que cette dernière a été constatée au moyen d'un formulaire conforme aux dispositions des articles A. 37 à A. 37-4 du code de procédure pénale ; que, dans ces conditions, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, qu'elle aurait satisfait à son obligation d'information résultant des articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route ; qu'ainsi, M. A est fondé à soutenir que la décision de retrait de point en litige devait être regardée comme intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance en date du 14 juin 2011 du vice-président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et de la décision portant retrait de deux points du capital des points affectés à son permis de conduire consécutive à l'infraction commise le 1er décembre 2005 ;

Sur l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, et au vu de ce qui précède, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de restituer deux points affectés au capital du permis de conduire de M. A ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance en date du 14 juin 2011 du vice-président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ensemble la décision du ministre de l'intérieur portant retrait de deux points affectés au capital du permis de conduire de M. A consécutif à l'infraction commise le 1er décembre 2005 sont annulés.

Article 2 : Le ministre de l'intérieur fera procéder à la restitution de deux points affectés au capital du permis de conduire de M. A.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick A et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Troyes.

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11NC01305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01305
Date de la décision : 05/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01-04 Police administrative. Police générale. Circulation et stationnement. Permis de conduire.


Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : DE CAUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-05;11nc01305 ?
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