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15/03/2012 | FRANCE | N°11NC00599

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2012, 11NC00599


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2011, complétée par un mémoire en production en date du 16 décembre 2011 et un mémoire en réplique en date du 30 janvier 2012, présentée pour M. Christian A, demeurant ..., par Me Chaton, avocat;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900601 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 novembre 2008 par lequel la préfète du Jura a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux superficielles et l'instauration d

es périmètres de protection des prises d'eau du lac de l'Abbaye sises sur la commun...

Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2011, complétée par un mémoire en production en date du 16 décembre 2011 et un mémoire en réplique en date du 30 janvier 2012, présentée pour M. Christian A, demeurant ..., par Me Chaton, avocat;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900601 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 novembre 2008 par lequel la préfète du Jura a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux superficielles et l'instauration des périmètres de protection des prises d'eau du lac de l'Abbaye sises sur la commune de Grande Rivière ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 21 novembre 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis d'analyser et de répondre aux moyens visés dans son mémoire enregistré le 2 février 2011 ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le dossier soumis au préfet du Jura dans le cadre de la procédure de déclaration d'utilité publique est insuffisant : avis obsolète d'un hydrogéologue, notice explicative insuffisante, conclusions insuffisamment motivées du commissaire enquêteur, sous estimation manifeste du projet ;

- la décision est entachée d'un détournement de procédure ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle comporte la création de périmètres de protection rapprochée ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation en tant qu'elle emporte expropriation de la parcelle n° 678, qui porte une atteinte excessive à sa propriété privée ;

- le préfet a méconnu les articles L. 1321-2 et R. 1321-13 du code de la santé publique dès lors que la décision a prescrit une interdiction générale et absolue de plusieurs types de constructions au sein de la zone de protection rapprochée ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2011, présenté pour le syndicat intercommunal des eaux du Grandvaux (SIEG), représenté par son président en exercice, ayant son siège 5 place Pasteur à Saint Laurent en Grandvaux (39150), par Me Grillon, avocat ;

Il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est suffisamment motivé ; que l'hydrogéologue a été spécialement désigné par le préfet pour l'étude du dossier et que son avis, qui a été complété depuis 1997, est suffisant ; que les articles R 11-3, R 11-3 II 1) 2) 3) 4° du code de l'expropriation n'ont pas été méconnus ; que M. A n'apporte aucune justification sur un prétendu droit à indemnité ; que les conclusions du commissaire enquêteur sont suffisamment motivées ; que la mise en place de périmètres de protection des captages d'eau repose sur des dispositions législatives et réglementaires et est justifiée ; que les inconvénients de l'opération ne sont pas excessifs par rapport aux avantages ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2011, complété par un mémoire en production en date du 23 décembre 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le jugement litigieux n'est pas entaché d'insuffisance de motivation et qu'il est régulier ; l'avis émis par l'hydrogéologue est régulier ; les textes imposent la création d'un périmètre de protection immédiate ; la notice explicative était suffisante ; les conclusions du commissaire enquêteur étaient suffisamment motivées ; l'estimation de la parcelle n°678 n'est pas sous évaluée ; les atteintes à la propriété privée de M. B, par la mise en place de servitudes, ne sont pas disproportionnées ; aucun détournement de procédure ne peut être retenu ; la décision de créer des périmètres de protection n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de l'expropriation de la parcelle n°678 résultant d'une atteinte excessive à la propriété privée de M. B doit être écarté ; le préfet du Jura n'a pas méconnu les articles L.1321-2 et R1321-13 du code de la santé publique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de la santé publique;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Ciaudo, avocat de M. A, ainsi que celles de Me Grillon, avocat du syndicat intercommunal des eaux du Grandvaux ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes du jugement contesté que le Tribunal n'a pas répondu aux moyens soulevés dans son mémoire enregistré le 11 février 2011, tirés du défaut de sollicitation d'un nouvel avis d'un hydrogéologue, de l'insuffisance de l'estimation sommaire des acquisitions à réaliser, du détournement de procédure et de la méconnaissance des articles L. 1321-2 et R. 1321-13 du code de la santé publique en ce que l'arrêté édicte des interdictions générales et absolues ; que, par suite, les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'un défaut de réponse à moyens et doit ainsi être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens énoncés par M. A tant en première instance qu'en appel ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté en date du 21 novembre 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 215-13 du code de l'environnement : " La dérivation des eaux d'un cours d'eau non domanial, d'une source ou d'eaux souterraines, entreprise dans un but d'intérêt général par une collectivité publique ou son concessionnaire, par une association syndicale ou par tout autre établissement public, est autorisée par un acte déclarant d'utilité publique les travaux " ; qu'aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, dans sa version applicable au présent litige : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installation, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement (...) " ; que par arrêté n° 1643 en date du 21 novembre 2008, la préfète du Jura a déclaré d'utilité publique, au bénéfice du syndicat intercommunal des eaux du Grandvaux, d'une part, la dérivation des eaux pour la consommation humaine à partir des prises d'eau du lac de l'Abbaye sises sur la commune de Grande Rivière, et, d'autre part, la création des périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée autour de ces prises d'eau et l'institution des servitudes associées pour assurer la protection des ouvrages et la qualité de l'eau ; que M. A, propriétaire indivis de différentes parcelles concernées par ladite déclaration d'utilité publique, en demande l'annulation ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux a été signé par M. Blondieau, secrétaire général de la préfecture du Jura, qui a reçu régulièrement délégation de signature par arrêté de la préfète du Jura en date du 1er septembre 2008, publié au recueil des actes administratifs, à l'effet de signer notamment les arrêtés pour toutes matières relevant des compétences et attributions du représentant de l'Etat dans le département ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en date du 21 novembre 2008 a été pris par une autorité incompétente ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 1321-6 du code de la santé publique : " La demande d'autorisation d'utilisation d'eau en vue de la consommation humaine, prévue au I de l'article L. 1321-7 est adressée au préfet du ou des départements dans lesquels sont situées les installations. Le dossier de demande comprend : 1° le nom de la personne responsable de la production, de la distribution ou du conditionnement d'eau ; 2° Les informations permettant d'évaluer la qualité de l'eau de la ressource utilisée et ses variations possibles ; 3° L'évaluation des risques de dégradation de la qualité de l'eau ; 4° En fonction du débit de prélèvement, une étude portant sur les caractéristiques géologiques et hydrogéologiques du secteur aquifère ou du bassin versant concerné, sur la vulnérabilité de la ressource et sur les mesures de protection à mettre en place ; 5° L'avis de l'hydrogéologue agréé en matière d'hygiène publique, spécialement désigné par le préfet pour l'étude du dossier, portant sur les disponibilités en eau, sur les mesures de protection à mettre en oeuvre et sur la définition des périmètres de protection mentionnés à l'article L. 1321-2 ; 6° La justification des produits et des procédés de traitement à mettre en oeuvre ; 7° La description des installations de production et de distribution d'eau ; 8° La description des modalités de surveillance de la qualité de l'eau " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté en date du 21 novembre 2008 a été pris à la suite de deux précédentes déclarations d'utilité publique abandonnées pour des raisons de procédure, ainsi que de diverses études, dont un mémoire technique établi par un hydrogéologue en 2007, ainsi qu'au vu du rapport de M. Chauve, hydrogéologue agréé, qui avait été spécialement désigné par le préfet pour cette opération, dressé le 3 septembre 1997 et complété, contrairement à ce que soutient M. A, les 21 décembre 1997 et 26 février 2002 ; que M. A n'établit pas en quoi cet avis serait obsolète, dès lors qu'aucun élément au dossier ne fait apparaitre d'évolutions sensibles depuis 2002 concernant les données à prendre en compte ; que, dès lors, l'arrêté contesté de la préfète du Jura, qui ne s'est, d'ailleurs, pas seulement fondée sur l'étude la plus ancienne précitée, n'est pas entaché d'irrégularité de ce chef ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code ; 7° L'évaluation mentionnée à l'article 5 du décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 pris pour l'application de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, lorsque les travaux constituent un grand projet d'infrastructures tels que défini à l'article 3 du même décret (...) " ; que ces dispositions n'ont pas pour objet d'obliger l'autorité expropriante d'inclure dans le dossier d'enquête une étude relative aux conditions d'insertion dans l'environnement ; que le projet litigieux soumis à enquête ne comporte pas plusieurs partis nécessitant d'indiquer pour quelles raisons ledit projet a été retenu du point de vue de l'insertion dans l'environnement ; qu'au surplus, le dossier soumis à enquête publique comporte, d'une part, un mémoire technique établi en 2007 par un hydrogéologue, M. Caille, lequel détaille le milieu naturel avec l'hydrologie du lac, le bassin d'alimentation, la vulnérabilité de l'eau exploitée, les risques de pollution en termes d'agriculture, d'urbanisation des hameaux de Grande Rivière, d'accident routier possible, de la scierie Grosjean, du cimetière de l'Abbaye, du traitement et de la distribution de l'eau, d'autre part, un document portant " protection des captages d'eau potable, objectifs et présentation de la règlementation ", ainsi qu'un document portant présentation graphique des périmètres de protection, et un document d'incidence du prélèvement sur la ressource eau ; que, par suite, les indications comprises dans la notice explicative jointe au dossier d'enquête publique permettaient d'éclairer l'autorité préfectorale sur les motifs qui justifient la décision litigieuse ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur ou la commission examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...) " ; que la règle de motivation prévue par cette disposition oblige le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et inconvénients de l'opération et à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, les conclusions du commissaire enquêteur sont suffisamment motivées en ce qu'elles détaillent les avantages et les inconvénients de l'ensemble du projet, sans qu'il soit nécessaire de porter une appréciation particulière sur la parcelle n° 678 ; que son avis précise qu'il est favorable à l'opération en " considérant qu'il convient de protéger la ressource en eau et que dès lors la mise en place des périmètres de protection autour du lac de l'Abbaye ainsi que les mesures envisagées, constituent un moyen efficace pour faire obstacle aux pollutions susceptibles d'altérer la qualité de ces eaux destinées à la consommation humaine (...) " ; qu'au surplus, si M. A soutient que le commissaire enquêteur ne justifie pas spécifiquement de la nécessité d'inclure sa parcelle n° 678 dans le périmètre de protection immédiate et de la nécessité de son expropriation, un tel moyen sera écarté dès lors que l'article L. 1321-2 du code de la santé publique impose l'inclusion des points de captage dans le périmètre de protection et justifie par suite l'expropriation des parcelles correspondantes ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages... 5° L'appréciation sommaire des dépenses " ; que si M. A soutient que le montant estimé des dépenses indiqué dans le dossier soumis à l'enquête a été sous-évalué en ce que l'indemnité d'un montant de 100 euros HT qu'il est prévu de lui accorder pour sa parcelle cadastrée section I1 n° 768 située dans le périmètre de protection immédiat de la source " Poujolle ", représentant une surface de 198 m², est manifestement insuffisante au regard du montant estimé de la valeur du plan d'eau évalué à 3 740 euros par hectare , il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation sommaire globale des dépenses soit sous estimée ; que si M. A soutient devoir être indemnisé des servitudes mises en place sur certaines de ses parcelles, l'indemnisation desdites servitudes est facultative et subordonnée à la preuve d'un préjudice, que l'intéressé n'établit pas ; que, par suite, les moyens tirés de l'estimation insuffisante de la valeur de la parcelle susrappelée et de l'absence de mention d'une éventuelle indemnisation des servitudes doivent être écartés ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique dans sa version alors en vigueur : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés. (...). Toutefois, pour les points de prélèvement existant à la date du 18 décembre 1964 et bénéficiant d'une protection naturelle permettant d'assurer efficacement la préservation de la qualité des eaux, l'autorité administrative dispose d'un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique pour instituer les périmètres de protection immédiate " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par arrêté en date du 13 juin 1950, le syndicat intercommunal des eaux du Grandvaux a été autorisé à dériver une partie des eaux du lac de l'Abbaye du Grandvaux et à prélever par pompage 600 m3 par jour maximum ; que par un second arrêté en date du 11 décembre 1968, ledit syndicat a été autorisé à dériver une partie complémentaire des eaux du lac et à prélever par pompage une quantité totale de 1700 m3 par jour ; que par un troisième arrêté en date du 25 avril 1974, le syndicat a obtenu une autorisation globale de dérivation de 4 400 m3 par jour ; qu'est sans incidence sur l'institution des périmètres de protection la circonstance que, par l'arrêté susrappelé du 25 avril 1974, le syndicat a obtenu une autorisation de dérivation de 4 400 m3 par jour, identique à celle de l'arrêté litigieux, dès lors qu'il ressort des dispositions précitées que l'autorité administrative doit instituer des périmètres de protection autour des points de prélèvement, contrairement à ce que soutient M. A ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée ou à des intérêts généraux, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant qu'il ressort, d'une part, du rapport d'expertise établi par M. Dolbeau, produit par M. A lui-même, que " le système de ce lac est fragile de par sa taille modeste et du faible taux de renouvellement de sa masse d'eau. Organisé en bassin fermé sur des sédiments réducteurs, ce plan d'eau présente un milieu peu hospitalier pour la biocénose, une faible capacité d'auto épuration (...) la présence sur la majeure partie du bassin versant d'une activité agricole d'élevage soumet le lac à des risques de pollution organique diffuse mais pouvant avoir à terme un impact conséquent sur la qualité de ce milieu fragile ", et, d'autre part, de l'analyse technique jointe au dossier d'enquête publique que " s'il n'y a pas de contamination par des pesticides, ni de pollution du lac au niveau de la prise d'eau par des métaux lourds, une analyse ponctuelle révèle la contamination du lac par des phénols, qui émanent soit de pollutions humaines " ou de " la décomposition des végétaux " et que " les prises d'eau du syndicat dans le lac de l'Abbaye sont vulnérables aux pollutions ", car " le lac est le point bas où convergent toutes les pollutions sur son bassin versant ", et qu'une " pollution accidentelle peut contaminer rapidement le volume d'eau emmagasiné dans le lac par diffusion et persister suite au renouvellement naturel lent des eaux du lac " ; que, dans ces conditions, l'instauration des périmètres de protection, qui tiennent compte des analyses et études menées, eu égard à l'intérêt pour la santé publique que présente la protection desdits captages, présente un caractère d'utilité publique ; que si M. A soutient que la décision litigieuse porte une atteinte excessive à sa propriété privée, dès lors qu'il est obligé de céder sa parcelle section I1 n° 678 lieu dit " lac de l'Abbaye ", qu'il ne pourra modifier la destination de ses parcelles et qu'il lui sera interdit de naviguer sur le lac dans le périmètre de protection rapprochée, il n'établit nullement qu'il en résulterait, pour la gestion ou l'exploitation de ses parcelles, des inconvénients excessifs eu égard à l'intérêt pour la santé publique que présente la protection desdits captages ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 1321-13 du code de la santé publique: " (...) A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées (...) " ; qu'aux termes de l'article 6-2 " périmètre de protection rapprochée " de l'arrêté litigieux : " à l'intérieur de ce périmètre sont interdits, sauf extension ou modification d'installations autorisées existantes, les équipements ou activités susceptibles de porter atteinte à la qualité de l'eau et en particulier : (...) les constructions à usage d'habitation qui ne sont pas raccordables au réseau collectif d'assainissement ; les constructions à usage commercial, artisanal ou industriel ; les bâtiments d'élevage ; la navigation de bateaux à moteur thermique sur le lac ; l'utilisation de pesticides (...) " ; que, contrairement à ce que soutient M. A, lesdites dispositions ne posent pas une interdiction générale et absolue de construction dès lors que sont autorisées les constructions à usage d'habitation raccordables au réseau collectif d'assainissement, ni du changement de destination des parcelles ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement susvisé, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 novembre 2008 par lequel la préfète du Jura a déclaré d'utilité publique la dérivation des eaux superficielles et l'instauration des périmètres de protection des prises d'eau du lac de l'Abbaye sises sur la commune de Grande Rivière ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de L'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par le syndicat intercommunal des eaux du Grandvaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera au syndicat intercommunal des eaux du Grandvaux une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christian A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et au syndicat intercommunal des eaux du Grandvaux.

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11NC00599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00599
Date de la décision : 15/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Eaux - Ouvrages - Établissement des ouvrages - Prises d'eau.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Existence - Eaux.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Enquêtes - Enquête préalable - Dossier d'enquête - Composition du dossier.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : CHATON ; CHATON ; CHATON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-03-15;11nc00599 ?
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