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23/09/2010 | FRANCE | N°09NC01681

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2010, 09NC01681


Vu l'ordonnance en date du 3 novembre 2009, enregistrée le 16 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy sous le n° 09NC01681, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée pour Mme Marie-Noëlle A, demeurant ..., par la SCP Bachellier - Potier de la Varde, avocats aux conseils ;

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2009, complétée par mémoire enregistré le 5 octobre 2009, présentée pour Mme A, demeurant ..., par la SCP d'avocats Bachellier - Potier de la Varde ;

Mme A d

emande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0700944 du 21 avril 2009...

Vu l'ordonnance en date du 3 novembre 2009, enregistrée le 16 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy sous le n° 09NC01681, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée pour Mme Marie-Noëlle A, demeurant ..., par la SCP Bachellier - Potier de la Varde, avocats aux conseils ;

Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2009, complétée par mémoire enregistré le 5 octobre 2009, présentée pour Mme A, demeurant ..., par la SCP d'avocats Bachellier - Potier de la Varde ;

Mme A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0700944 du 21 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les divers préjudices subis du fait de l'accident de service dont elle a été victime le 9 septembre 1999 et a limité à la somme de 8 000 euros l'indemnité qu'il lui a accordée ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 250 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande et de la capitalisation des intérêts, outre les frais d'expertise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier : le mémoire en défense de l'Etat n'est, ni visé, ni analysé ; le principe du contradictoire a été méconnu, dès lors que les parties n'ont pas été invitées à s'expliquer sur le moyen soulevé d'office, tiré de ce que l'accident de service n'a pas été causé par une faute de l'administration ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé la réparation intégrale de son préjudice, au motif que l'accident de service n'était pas imputable à une faute de l'administration, dès lors, d'une part, que les parties n'ont pas été invitées à présenter des observations sur ce point, soulevé d'office par le juge, d'autre part, qu'il y a eu faute de l'administration, dès lors qu'elle avait avisé son supérieur des difficultés qu'elle avait pour réparer le casier en cause, trop lourd, et que sa hiérarchie a néanmoins maintenu l'ordre de procéder à la réparation, sous peine d'être privé du congé demandé ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu, pour refuser toute indemnisation de ce chef, que les préjudices d'agrément se rapportant à la pratique de la course à pied et de la musique procédaient davantage de la névrose conversive , alors qu'ils procédaient également pour partie des séquelles de son accident de service ; le préfet avait proposé que son préjudice d'agrément soit indemnisé à hauteur de 2 000 euros, et le tribunal ne pouvait dès lors lui allouer une somme inférieure ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé la réparation de son préjudice esthétique au motif qu'il n'était pas établi, dès lors qu'elle a apporté des témoignages concernant le fait que son bras droit était inesthétique, en raison de la présence d'électrodes collées à ce bras, qui l'obligent à porter des manches longues quelque soit la saison ;

- son préjudice doit être évalué à 20 000 euros au titre du pretium doloris, 20 000 euros au titre du préjudice psychologique, 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 20 000 euros au titre du préjudice conjugal, 10 000 euros au titre du préjudice esthétique et 160 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 24 février 2010, présentée pour Mme A par Me Delot, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens, et à ce que la somme à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 8 000 euros ;

Mme A soutient en outre que :

- l'expert a fait une appréciation partielle de la réalité et de l'importance des préjudices ;

- son couple était harmonieux avant l'accident ;

- son taux d'incapacité permanente partielle, d'abord fixé à 61,81 %, a été ensuite ramené à 16 % sans justification ; la somme qu'elle réclame à ce titre correspond à un taux de 76 % ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2010, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 24 août 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Delot, avocat de Mme A ;

Considérant que Mme A, agent administratif au commissariat de police de Dombasle-sur-Meurthe, a été victime le 9 septembre 1999 d'un accident de service ; qu'elle a bénéficié, par arrêté en date du 20 juin 2005, confirmé le 31 mai 2006, d'une allocation temporaire d'invalidité au taux de 16 % avec effet rétroactif au 2 janvier 2002 ; qu'elle a repris son travail le 2 janvier 2002, d'abord à mi-temps thérapeutique, ensuite à temps complet le 2 avril 2002 ; qu'elle relève appel du jugement du 21 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer divers préjudices qu'elle estime en lien avec son accident de service ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que Mme A soutient que le jugement est irrégulier, dès lors que le mémoire en défense de l'Etat n'a été, ni visé, ni analysé ; que, toutefois, la minute du jugement mentionne l'ensemble des mémoires échangés par les parties, y compris le mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2007, présenté par le préfet de la zone de défense-Est ; qu'il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal s'est prononcé sur chacun des préjudices allégués, dont la réalité et le quantum sont discutés par le préfet ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative manque en fait et doit donc ainsi être écarté ;

Considérant, en second lieu, que Mme A fait également valoir que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire, dès lors qu'ils n'ont pas invité les parties à s'expliquer sur un moyen soulevé d'office, tiré de ce que l'accident de service n'a pas été causé par une faute de l'administration ; que, toutefois, en écartant la responsabilité de l'administration sur ce fondement au motif qu'il ne résultait pas de l'instruction, et qu'il n'était pas même allégué, que l'accident de service de la requérante trouverait son origine dans une faute de l'administration, le tribunal, qui, comme l'impose son office, avait auparavant précisé les conditions auxquelles est subordonnée la réparation intégrale du préjudice subi du fait d'un accident de service, s'est borné à constater que ces conditions n'étaient pas remplies et ne peut être regardé, ce faisant, comme ayant soulevé d'office un moyen ; que les premiers juges n'ont ainsi pas entaché leur décision d'irrégularité ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'en revanche, elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;

En ce qui concerne l'invocation d'une faute de l'administration :

Considérant que Mme A soutient que l'accident de service dont elle a été victime serait imputable à une faute de l'administration ; que, toutefois, les circonstances, d'une part, que le supérieur de l'intéressée lui aurait donné l'ordre de réparer un casier dans le local des archives, d'autre part, qu'il aurait maintenu son ordre bien que celle-ci lui aurait fait part de sa difficulté à l'exécuter et en la menaçant de la priver du congé qu'elle avait sollicité si elle ne s'exécutait pas, ne sont pas, à les supposer établies, de nature à révéler l'existence d'une faute de l'administration ; qu'en tout état de cause, l'intéressée ne fait état d'aucun préjudice à caractère patrimonial dont la réparation est, comme il vient d'être dit, subordonnée à l'existence d'une faute ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions de Mme A tendant à la réparation intégrale de son préjudice ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'administration :

S'agissant de la demande formulée au titre de l'incapacité permanente partielle :

Considérant, en premier lieu, que Mme A soutient que son taux d'incapacité permanente partielle, d'abord fixé à 61,81 %, a été ultérieurement ramené à 16 % sans justification ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que ce taux d'incapacité permanente partielle a été fixé le 30 novembre 2004 par l'expert mandaté par la commission de réforme, en tenant compte du fait qu'il convenait d'en exclure un syndrome conversif non imputable, se manifestant par la perte de la fonction du poignet et de la main droite ; que les examens pratiqués au centre de réadaptation fonctionnelle de Nancy ont en effet montré que l'accident de service n'avait entraîné aucune atteinte susceptible d'expliquer l'impotence fonctionnelle du membre supérieur droit ; que le moyen doit ainsi être écarté ;

Considérant, en second lieu, que si Mme A réclame une somme globale de 160 000 euros au titre de son incapacité permanente partielle, elle ne fait état ni en première instance, ni en appel, d'aucun trouble dans ses conditions d'existence résultant spécifiquement de son déficit fonctionnel permanent et distinct du préjudice d'agrément dont elle demande par ailleurs réparation au titre de la renonciation à ses activités sportives et de loisirs ; que ses conclusions de ce chef doivent ainsi être rejetées ;

S'agissant des souffrances physiques et morales :

Considérant que les souffrances endurées par Mme A ont été évaluées à 3/7 par l'expert ; que l'appelante ne produit aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation de l'expert ; que l'intéressée a également subi un préjudice psychologique résultant de ce que, depuis son accident, elle a perdu toute confiance en elle-même et toute joie de vivre ; que c'est par une juste appréciation des souffrances physiques et morales endurées par Mme A que le tribunal a alloué à l'intéressée une somme de 7 000 euros à ce titre ;

S'agissant du préjudice d'agrément :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que l'impossibilité pour Mme A de pratiquer le tennis est la conséquence directe de l'accident de service dont elle a été victime ; que c'est par une juste appréciation de ce préjudice d'agrément que le tribunal a alloué à l'intéressée une somme de 1 000 euros à ce titre ;

Considérant, en second lieu, que si Mme A soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu, pour refuser toute indemnisation de ce chef, que les préjudices d'agrément se rapportant à la cessation de la pratique de la course à pied et de la musique procédaient davantage de la névrose conversive dont elle souffrait avant son accident de service, elle ne l'établit pas ; qu'il résulte au contraire de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que les examens pratiqués au centre de réadaptation fonctionnelle de Nancy n'ont montré aucune atteinte organique pouvant expliquer l'impotence fonctionnelle du membre supérieur droit ; que si l'appelante fait valoir que le préfet avait proposé que son préjudice d'agrément soit indemnisé à hauteur de 2 000 euros, le tribunal n'est pas lié par l'appréciation du préjudice éventuellement proposée par le défendeur ; que le moyen doit ainsi être écarté ;

S'agissant du préjudice conjugal :

Considérant que si Mme A soutient que son couple était harmonieux avant l'accident, et que sa séparation est la conséquence directe de celui-ci, elle ne l'établit pas ; que c'est ainsi à bon droit que le tribunal a estimé qu'aucune réparation ne pouvait lui être versée à ce titre ;

S'agissant du préjudice esthétique :

Considérant que l'expert a estimé que Mme A n'avait subi aucun préjudice esthétique ; que si l'appelante soutient que son bras droit serait inesthétique, en raison de la présence d'électrodes qui l'obligeraient à porter des manches longues en toutes saisons, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que l'impotence de la main droite de l'intéressée, qui explique la présence desdites électrodes, est liée au syndrome conversif et n'est pas imputable à l'accident de service ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à demander réparation de ce chef de préjudice ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires et a limité à la somme de 8 000 euros l'indemnité qu'il lui a accordée ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Noëlle A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

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09NC01681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01681
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE - BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-09-23;09nc01681 ?
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