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04/10/2007 | FRANCE | N°02NC01212

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2007, 02NC01212


Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2002, présentée pour M. Patrick X, demeurant ..., par Me Kopp ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-6474 en date du 2 juillet 2002, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 8 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justic

e administrative ;

M. X soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, ...

Vu la requête, enregistrée le 5 novembre 2002, présentée pour M. Patrick X, demeurant ..., par Me Kopp ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-6474 en date du 2 juillet 2002, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de lui faire verser, par l'Etat, une somme de 8 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que l'avis de vérification de comptabilité envoyé à la co-propriété du navire « Caribmoonlight », aurait dû être également adressée à chacun des quirataires, dont les propres redressements ne résultent pas d'un simple contrôle sur pièces ;

- le contribuable aurait dû être avisé de l'ensemble des conséquences financières du contrôle opéré, tant à son encontre qu'à celui de la co-propriété, conformément aux dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;

- le requérant invoque à ce sujet les instructions 13 L-4-90 du 8 février 1990 et 13 L 3-92 du 3 juin 1992 ;

- les quirataires ont réalisé un investissement Outre-Mer leur donnant droit à déduction des déficits commerciaux selon les dispositions des articles 238 bis HA du code général des impôts et 46 quaterdecies A de son annexe III, commentées par l'instruction 4 A 8-86 du 7 novembre 1986 ; le tribunal administratif ajoute à la loi une condition, en exigeant que l'investissement ait été d'emblée productif ; les quirataires ne peuvent se voir reprocher une inexploitation du navire, due à la carence du gérant et à des faits assimilables à une force majeure, qu'ils ont cherché à pallier dans la mesure de leurs possibilités ;

- la facture de 1 018 420 F datée du 30 décembre 1992 a été, indûment, exclue des charges de la co-propriété, d'autant que les recettes de l'exercice ont été imposées ; le montant net imposable ressort, dès lors, a 2 061 580 F ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 16 juillet 2003, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que :

- l'article L 48 du livre des procédures fiscales ne concerne pas le contrôle sur pièces mis en oeuvre en l'espèce, constituant une procédure distincte de la vérification de comptabilité diligentée seulement à l'encontre de la co-propriété du navire ;

- le tribunal administratif a jugé, à bon droit, que l'article 238 bis HA du code général des impôts était inapplicable, dès lors que le navire financé par le contribuable n'a jamais été mis en exploitation ;

- la co-propriété n'a pu justifier la facture de 1 018 420 F, déduite en charges de l'exercice 1992 ; ce chef de redressement est indépendant de l'intégration des recettes déclarées dans les bases de l'impôt ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2007 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a acquis le 23 décembre 1991 une part de la co-propriété du navire « Caribmoonlight », créée à la même date et ayant son siège en Guadeloupe ; que dans ses déclarations de revenus des années 1991 et 1992, il s'est prévalu des dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts, régissant les investissements réalisés outre-mer, et a imputé sur ses bénéfices industriels et commerciaux sa quote-part des résultats de la

co-propriété ; qu'il a également déduit, en 1991, le prix d'achat de son quirat à hauteur de 250 000 F ; que l'administration, à l'issue d'une vérification de comptabilité, a adressé à la société « JET SEA », gérante de la co-propriété précitée, une notification de redressement en date du 13 décembre 1994 ; qu'après avoir procédé à un contrôle sur pièces des déclarations de M. X, le service lui a notifié des redressements relatifs à ses bénéfices industriels et commerciaux et liés à sa qualité de quirataire du navire susmentionné ; que M. X fait appel du jugement du 2 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a refusé de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu demeurés en litige, au titre des années 1991 et 1992 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts « Chaque membre des co-propriétés de navires régies par le chapitre IV de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la co-propriété » ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : « Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après :… 7° membres des co-propriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater » ; qu'aux termes de l'article 61 A du même code : « Les résultats à déclarer par les co-propriétés mentionnées à l'article 8 quater sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel, avant déduction de l'amortissement du navire. Les co-propriétés de navire sont tenues aux obligations qui incombent à ces exploitants » ; qu'enfin aux termes de l'article 39 E du même code : « Chaque membre des co-propriétés de navire mentionnées à l'article 8 quater amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires ; pour la détermination des plus-values, les amortissements pratiqués viennent en déduction du prix de revient… » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices industriels et commerciaux imposables d'un co-propriétaire de navire doivent être déterminés tout d'abord en fonction des éléments recueillis au niveau de la co-propriété, laquelle doit tenir la comptabilité des opérations d'exploitation du navire, dont elle n'a que la jouissance et qui ne figure donc pas à l'actif de son bilan et ensuite au niveau du co-propriétaire, lequel doit comptabiliser, outre sa quote-part des résultats de l'exploitation de la co-propriété, ses propres opérations patrimoniales d'acquisition des quirats, les charges d'amortissement et, le cas échéant, d'emprunt supportées à ce titre, ainsi que le produit de leur cession éventuelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : « Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification… » ; que si M. X soutient que l'avis de vérification de comptabilité notifié à la co-propriété du navire « Caribmoonlight » aurait dû être adressé également à chacun des quirataires, il résulte de la loi n° 65-7 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer, que selon l'article 14, inclus dans le chapitre IV régissant l'exploitation des navires en co-propriété : « La majorité peut confier la gestion du navire à une ou plusieurs personnes co-propriétaires ou étrangères à la co-propriété… » ; qu'aux termes de l'article 17 de cette loi : « Le gérant à tous pouvoirs pour agir dans l'exercice de sa mission de gestion au nom de la co-propriété en toutes circonstances… » ; qu'il est constant qu'en l'espèce, les quirataires ont confié la gestion de la co-propriété du navire « Caribmoonlight» à la société « JET SEA », à laquelle l'administration a adressé son avis de vérification de comptabilité ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet avis de vérification aurait dû être envoyé à chacun des quirataires conformément à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales précité, nonobstant la circonstance que les redressements en litige sont en partie consécutifs au contrôle mis en oeuvre à l'encontre de la co-propriété ;

Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : « A l'issue… d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements… » ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les redressements notifiés à M. X sont consécutifs à un contrôle sur pièces de ses déclarations de revenus et ne peuvent être regardés comme directement fondés sur la vérification de comptabilité diligentée au niveau de la co-propriété ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'à l'occasion de la notification de redressement envoyée au contribuable, le service aurait fourni des indications incomplètes en méconnaissance de la garantie organisée par l'article L. 48 précité, est inopérant ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :

Considérant que, sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, le requérant oppose au service l'instruction n° 13 L-3-92 du 3 juin 1992 relative aux contrôles exercés envers les sociétés de personnes, et une note n° 13 L-4-90 du 8 février 1990 qui précise notamment, en ses paragraphes 1.1.4.3 et 1.1.4.4, les modalités des contrôles entrepris, selon les types de sociétés ; qu'il résulte des dispositions sus-rappelées régissant le régime fiscal des co-propriétés de navires, que les quirataires ne peuvent être regardés comme des détenteurs de parts d'une société ; qu'il suit de là que le requérant ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de cette doctrine administrative dans les prévisions de laquelle il n'entre pas ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'imputation, au titre de l'année 1991, du prix d'acquisition d'une part de co-propriété du navire :

Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1991 : « I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissements productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe… à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité… du tourisme… » ; que, sur le fondement de ces dispositions, le contribuable avait déduit de ses bénéfices industriels et commerciaux de l'année 1991 le prix d'achat de ses quirats dans la co-propriété du navire « Caribmoonlight » ; qu'il résulte des constats, non utilement contestés, du service que ce navire, acquis en 1991, n'a pas obtenu le certificat de navigabilité à la suite d'une inspection effectuée lors de sa première venue à son port d'attache de Saint-Martin (Guadeloupe) et a rejoint le chantier naval de Fort Lauderdale en Floride (USA), en vue d'aménagements adéquats ; que néanmoins ce navire n'a jamais été mis en exploitation commerciale en Guadeloupe, d'autant que la gérante, la société « JET SEA » s'est trouvée en cessation de paiements dès le 26 mars 1993 ; que dans ces conditions, les premiers juges ont pu, à bon droit, et sans ajouter à la loi une condition nouvelle, considérer que ce navire n'avait pu constituer un investissement productif réalisé en Guadeloupe, au sens des dispositions de l'article 238 bis HA précitées ; qu'en l'absence de toute mise en location justifiée de ce bien, demeurent sans incidence sur le redressement opéré les circonstances que l'article 238 bis HA, dans sa rédaction applicable en 1991, ne prévoyait aucun délai pour la mise en service et la durée d'exploitation de tels investissements outre-mer, que des bénéfices ont été enregistrés par la gérante au titre de l'exercice 1992, et que les quirataires ont constamment pris toutes initiatives utiles afin de rentabiliser cet investissement, y compris après la révocation de la gérante en 1993 ; que l'échec de ce projet ne peut, en tout état de cause, être regardé comme imputable à un cas de force majeure, dès lors que l'inadéquation du navire aux normes de navigabilité et l'absence des aménagements adéquats susceptibles de régulariser cette situation, ne constituent pas des faits totalement étrangers à la co-propriété ; que le requérant ne peut utilement invoquer des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes, relatifs aux projets que leurs promoteurs n'ont pu réaliser, et qui concerne les dispositions, étrangères au cas d'espèce, relatives aux calculs de la taxe sur la valeur ajoutée récupérable par les redevables ;

Considérant enfin que l'instruction 4 A-8-86 du 7 novembre 1986 relative aux investissements effectués outre-mer ne donne pas des dispositions de l'article 238 bis HA, une interprétation différente de celle sus-analysée ; qu'il résulte de ces éléments que le redressement litigieux relatif à l'année 1991, doit être confirmé ;

En ce qui concerne la quote-part des résultats de la co-propriété imputée au titre de l'année 1992 :

Considérant que, dans le cadre de la vérification de comptabilité sus-évoquée, le service a réintégré dans les résultats de l'exercice 1992, de la co-propriété du navire « Caribmoonlight », une facture émise par la société « JET SEA » et enregistrée le 30 décembre 1992 comme charge déductible, à hauteur de 1 018 420 F ; que le vérificateur a refusé cette déduction après avoir constaté que la facture produite se bornait à alléguer des dépenses d'entretien et de personnel du navire, à titre de reddition de comptes de la gérante, sans aucune justification détaillée des frais ainsi mis à la charge de la co-propriété ; que les bases des bénéfices industriels et commerciaux du contribuable ont été rehaussés en conséquence, au titre de l'année 1992, en proportion de ses quirats ; que contrairement à ce qu'allègue le requérant, cette déduction en charges ne résulte pas nécessairement de l'enregistrement en comptabilité d'une facture régulière en la forme ; qu'il incombe à tout exploitant astreint à tenir une comptabilité de justifier dans leur principe et leur montant, les charges qu'il déduit de ses résultats ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à justifier la facture sus-évoquée ; que par ailleurs, demeure sans incidence sur le bien-fondé de ce rejet de charges déductibles, la circonstance que l'administration aurait, concomitamment, omis de réviser en baisse les recettes également enregistrées par la co-propriété au titre du même exercice, régies par des dispositions distinctes, et dont les charges en cause ne constituent pas un élément indissociable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions du requérant tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

6

N° 02NC01212


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : SCP WACHSMANN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/10/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 02NC01212
Numéro NOR : CETATEXT000017999430 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-10-04;02nc01212 ?
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