La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2007 | FRANCE | N°06NC01617

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 juin 2007, 06NC01617


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 décembre 2006, complétée par un mémoire enregistré le 25 mai 2007, présentée pour M. François X demeurant ..., par Me Pate, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501111 en date du 24 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de la société Novergie, la décision du 1er avril 2005 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Novergie devant le Tribunal

administratif de Nancy;

3°) de condamner la société Novergie à lui verser une somme de 1...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 décembre 2006, complétée par un mémoire enregistré le 25 mai 2007, présentée pour M. François X demeurant ..., par Me Pate, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501111 en date du 24 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé, à la demande de la société Novergie, la décision du 1er avril 2005 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Novergie devant le Tribunal administratif de Nancy;

3°) de condamner la société Novergie à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, la procédure suivie ayant méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'il est fait état de trois témoignages outre celui de la victime et que seulement deux d'entre eux lui ont été communiqués ; la motivation est insuffisante, procédant plus par affirmation que par démonstration ; les motifs sont entachés de contradiction, énonçant à la fois que la faute commise serait grave mais néanmoins qu'elle n'est pas qualifiable de harcèlement moral ou sexuel ;

- les faits ne sont pas établis : la lettre de 15 janvier 2005 de Mme Z ne précise pas les faits reprochés ; son témoignage du 20 février 2005 concerne des faits antérieurs à 2002 ou des propos seulement rapportés par des collègues ; la lettre de M. Y du 18 janvier 2005 a été établie pour les besoins de la cause ; la lettre de M. Z ne prouve rien ;

- la gravité des faits est insuffisante : il n'a pas eu d'échange avec Mme Z depuis 2002 et n'est l'objet que de ragots ou rumeurs ;

- le lien avec le mandat est réel, le licenciement étant concomitant d'une grave faute commise par M. Y, qu'il avait relevée en tant qu'élu du CHSCT ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 24 janvier et 24 mai 2007, présentés pour la société Novergie représentée par son représentant légal, ayant son siège 132 rue des Trois Fontanot à Nanterre (92000), par Me Grèze, qui conclut au rejet de la requête :

Elle soutient que :

- le tribunal n'a statué qu'au vu des pièces échangées entre les parties ; les trois témoignages évoqués sont simplement celui de M. Y et deux autres entendus par l'inspecteur du travail au cours de son enquête contradictoire et relatés dans sa décision ;

- le jugement est parfaitement motivé ;

- les premiers juges ont pu sans se contredire relever la gravité des faits commis sans être tenus par les qualifications juridiques proposées par l'employeur ; au demeurant la demande d'autorisation sollicitée visait bien des propos outrageants à caractère sexuel à l'encontre de Mme Z ;

- le comportement fautif de M. X a été constaté par l'inspecteur du travail ; quatre personnes en tout confirment la violence de son comportement verbal à l'encontre de Mme Z ; aucun salarié de l'usine n'a voulu attester en sa faveur ;

- l'inspecteur du travail a énoncé avoir constaté des contradictions dans des témoignages mais ne dit pas lesquelles ; de même la circonstance qu'existeraient des tensions entre le requérant et le service maintenance ou celle que d'autres salariés auraient pu tenir des propos obscènes identiques n'excusent pas son comportement ;

- M. Y dans sa lettre du 18 janvier 2005 se plaignait du préjudice que lui causaient les propos de M. X ;

- s'il n'y a pas de harcèlement sexuel en l'absence de lien de subordination, le comportement de M. X à l'égard de Mme Z, des agissements répétés depuis des années, ayant entraîné une dégradation des conditions de travail et porté atteinte à sa dignité et à sa santé physique et mentale, peut recevoir la qualification de harcèlement moral, justifiant une sanction disciplinaire ; indépendamment de cette qualification la faute est suffisamment grave pour autoriser le licenciement ;

- aucun lien avec le mandat n'est établi ; l'altercation du 14 janvier 2005 entre MM. X et Y à propos d'une manoeuvre technique de dépotage est sans rapport avec le présent litige ; M. X n'a rien dénoncé en tant que membre du CHSCT ;

Vu, en date du 5 février 2007, la communication de la requête au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n°2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2007 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et de l'énoncé du jugement attaqué que les témoignages des trois salariés autres que la victime auxquels il se réfère sont ceux de M. Y et des deux autres salariés entendus par l'inspecteur du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire ; que le tribunal ne s'est donc pas appuyé sur des documents produits par l'entreprise qui n'auraient pas été portés à la connaissance ou communiqués à M. X ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit donc être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le jugement attaqué énonce avec précision les faits reprochés au requérant estimés par les premiers juges d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que M. X n'est donc pas fondé à se plaindre d'une insuffisance de motivation du jugement sur ce point ;

Considérant, enfin, que les motifs du jugement ne sont pas entachés de contradiction en relevant tout à la fois, que si la qualification juridique de harcèlement moral ou sexuel ne peut leur être appliquée, les faits reprochés sont suffisamment graves pour justifier un licenciement ;

Sur la légalité de la décision du 1er avril 2005 de l'inspecteur du travail :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte-tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à

M. X sont nettement précisés dans la lettre du 15 janvier 2005 et surtout l'attestation du

20 février 2005 de Mme Z ; qu'ils sont confirmés tant par la lettre de M. Y, qui témoigne pour lui même et non spécialement pour Mme Z, que par l'attestation de l'époux de cette dernière soulignant la véracité des propos de la plaignante ; qu'également, l'enquête de l'inspectrice du travail lui a permis d'entendre deux autres témoignages concordants assurant la véracité des plaintes de Mme Z à l'égard du requérant, lequel ne produit aucun témoignage infirmant les faits reprochés ; que la circonstance que d'autres salariés auraient tenu les mêmes propos à l'égard de Mme Z est, en tout état de cause, sans incidence sur l'existence des faits reprochés à M. X, qui doivent être regardés comme établis ;

Considérant, en deuxième lieu, que, nonobstant l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise, le comportement de M. X, responsable de quart, à l'égard de Mme Z, femme de ménage, consistant en l'allégation répétée et injustifiée de rapports sexuels qu'elle rechercherait sur le lieu de travail avec les autres salariés de l'usine, abusant de la position d'infériorité professionnelle de Mme Z, portant une grave atteinte à sa dignité, avec un retentissement certain sur sa santé morale et générant par ailleurs une ambiance malsaine entre les salariés, constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucun lien n'est établi entre la mesure de licenciement de M. X et l'exercice par celui ci d'activités syndicales et représentatives ; qu'il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que ce serait à ce titre qu'il a eu une altercation avec

M. Y le 14 janvier 2005 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la société Novergie n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à sa charge la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. François X, à la société Novergie et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

2

06NC01617


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01617
Date de la décision : 25/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : PATE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-25;06nc01617 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award