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14/06/2007 | FRANCE | N°06NC00852

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 juin 2007, 06NC00852


Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2006, complétée par un mémoire enregistré le 4 mai 2007, présentée pour la SARL QUATERNAIRE, dont le siège est 2 rue des Anglaises à Orléans (45000), représentée par Me Saulnier, liquidateur judiciaire, par Me Lavisse, avocat ; la SARL QUATERNAIRE demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 avril 2006 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la Résidence du Parc une somme de 17 179,34 € en réparation des vices cachés affectant les fauteuils commandés le

11 juin 2002 et une somme de 770 € au titre de l'article L. 761-1 du code de ...

Vu la requête, enregistrée le 14 juin 2006, complétée par un mémoire enregistré le 4 mai 2007, présentée pour la SARL QUATERNAIRE, dont le siège est 2 rue des Anglaises à Orléans (45000), représentée par Me Saulnier, liquidateur judiciaire, par Me Lavisse, avocat ; la SARL QUATERNAIRE demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 25 avril 2006 en tant qu'il l'a condamnée à verser à la Résidence du Parc une somme de 17 179,34 € en réparation des vices cachés affectant les fauteuils commandés le 11 juin 2002 et une somme de 770 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Résidence du Parc devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en tant qu'il a débouté la Résidence du Parc de sa demande de résolution du contrat de vente relatif aux tables commandées ;

4°) de condamner la Résidence du Parc à lui payer une somme de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le litige ne relève pas de la compétence des juridictions administratives car le contrat ne faisait naître que des rapports de droit privé ; il n'y a pas eu passation d'un marché de fournitures et le contrat n'est pas administratif faute de remplir l'un des critères tenant à la participation du cocontractant à l'exécution même du service public ou à l'existence de clauses exorbitantes du droit privé ;

- la demande de première instance était irrecevable car dirigée contre la société appelante alors que l'intimée avait uniquement contracté avec M. X, agent commercial ;

- l'article 1641 du code civil est radicalement inapplicable devant les juridictions administratives ;

- en tout état de cause, au regard de la notion de bref délai retenue par la jurisprudence antérieure à la réforme de 2005, la demande de réparation est irrecevable car elle a été introduite trop tardivement, soit environ deux ans après la découverte des désordres ; de plus, l'existence de vices cachés n'est pas démontrée, le tribunal ayant commis une erreur manifeste d'appréciation et statué au mépris des droits de la défense sur le fondement d'une expertise non contradictoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2006, présenté pour Me Saulnier, liquidateur judiciaire de la SARL QUATERNAIRE, qui déclare reprendre l'instance engagée par ladite société ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2007, présenté pour la Résidence du Parc par le Cabinet A et C.Lex, avocat ;

La Résidence du Parc conclut au rejet de la requête de la SARL QUATERNAIRE et à la condamnation de celle-ci à lui payer une somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en l'absence de communication de la copie du jugement et de moyens d'appel dirigés contre le jugement, la requête est irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ; la compétence du juge administratif est acquise ; la garantie des vices cachés était effectivement applicable et la requérante ne saurait invoquer l'utilisation anormale des matériels ; la demande de remboursement était bien dirigée et doit être regardée comme ayant été introduite dans un «bref délai» ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre fixant la clôture d'instruction au 9 mai 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2007 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Marcantoni pour le Cabinet A et C.Lex, avocat de la Résidence du Parc,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la Résidence du Parc :

Considérant que, par commande passée le 4 juin 2002, la Résidence du Parc, établissement public de santé accueillant des personnes âgées, a demandé à la SARL QUATERNAIRE de lui livrer des fauteuils et des tables destinés à équiper la salle à manger dédiée aux pensionnaires de l'établissement pour un montant total de 27 674,48 € toutes taxes comprises ; qu'après livraison du matériel le 16 août 2002, des défectuosités sont apparues au cours du mois de décembre suivant ; que la Résidence du Parc a saisi, par requête enregistrée le 17 septembre 2004, le Tribunal administratif de Strasbourg d'une demande de remboursement du prix sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil instituant au profit des acheteurs une garantie des vices cachés ; que la SARL QUATERNAIRE, qui relève appel du jugement en date du 25 avril 2006, doit être regardée comme demandant l'annulation dudit jugement en tant seulement qu'il l'a condamnée à verser à la Résidence du Parc une somme de 17 179,34 € à raison des désordres affectant les fauteuils commandés et une somme de 770 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de la loi nº 2001 ;1168 du 11 décembre 2001 : Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 1er du code des marchés publics dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2001 applicable au litige : Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (...) ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même code : I. - Les dispositions du présent code s'appliquent : 1º Aux marchés conclus par l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ; … II. - Sauf dispositions contraires, les règles applicables à l'Etat le sont également à ceux de ses établissements publics auxquels s'appliquent les dispositions du présent code ; les règles applicables aux collectivités territoriales le sont également à leurs établissements publics ; qu'enfin, aux termes de l'article 28 du même code : les marchés publics peuvent être passés sans formalités préalables lorsque le seuil de 90 000 € HT n'est pas dépassé ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les marchés qui sont conclus sans formalités préalables après l'entrée en vigueur du décret du 7 mars 2001, alors qu'ils entrent dans le champ d'application du code des marchés publics tel qu'il est défini par ses articles 1er et 2 précités issus de ce décret, ne peuvent l'être que par l'application des dispositions du code qui l'autorisent et que ces marchés sont donc passés en application du code des marchés publics, au même titre que les marchés pour la passation desquels le code impose le respect de règles de procédure ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat conclu entre la Résidence du Parc, qui est, ainsi qu'il a été dit plus haut, un établissement public, et la SARL QUATERNAIRE revêt le caractère d'un marché public passé sans formalités préalables en application de l'article 28 du code des marchés publics précité ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Strasbourg a déclaré la juridiction administrative compétente pour statuer sur la demande présentée par la Résidence du Parc ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que si la requérante fait valoir qu'elle n'a pas été présente aux opérations d'expertise menées par l'assureur de la Résidence du Parc, cette circonstance, alors d'ailleurs qu'elle avait été régulièrement convoquée, n'interdisait pas aux premiers juges de retenir ce rapport d'expertise à titre d'élément d'information, dès lors que la requérante avait été mise à même d'en prendre connaissance au cours de la procédure et de présenter ses observations ; que, dès lors, à supposer même que la requérante ait entendu contester la régularité du jugement, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus par ailleurs d'ordonner une expertise s'ils s'estimaient suffisamment informés par les pièces du dossier, auraient méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense ;

Sur l'action en garantie des vices cachés :

Considérant qu'aux termes de l'article 1641 du code civil : «Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus» ; qu'aux termes de l'article 1644 du même code : «l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts» ; qu'aux termes de l'article 1648 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : «l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices, et l'usage du lieu où la vente a été faite» ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, une collectivité publique qui a passé un marché public de fourniture peut former, devant les juridictions administratives, à l'encontre du titulaire du marché, une action en garantie sur le fondement des règles résultant des articles 1641 et suivants du code civil, aux fins notamment de restitution du prix de vente ou de réparation du préjudice subi du fait des désordres imputables aux vices cachés ; que, par suite, et à défaut de clauses contractuelles ayant prévu une garantie spécifique se substituant au régime légal de garantie, la Résidence du Parc a pu légalement présenter sa demande à fin de remboursement sur le fondement dudit article 1641 ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SARL QUATERNAIRE soulève le moyen, présenté comme une fin de non-recevoir, tiré de qu'elle n'est pas le cocontractant de la Résidence du Parc et fait valoir, à cet effet, que la commande a été passée auprès d'un représentant commercial indépendant ; qu'il est cependant constant que la société requérante a confirmé la commande le 11 juin 2002, procédé elle-même à la facturation des prestations litigieuses dont elle a encaissé le montant correspondant, et enfin émis le 16 août 2002 le bon de livraison ; qu'au surplus, il n'est pas contesté, ainsi qu'il résulte des devis produits au dossier, que le représentant commercial a agi au nom et pour le compte de la requérante ; que, dès lors, la demande présentée par la Résidence du Parc à l'encontre de la SARL QUATERNAIRE prise en sa qualité de vendeur ne saurait être considérée comme mal dirigée ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté ledit moyen ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les fauteuils livrés par la SARL QUATERNAIRE en août 2002 à la Résidence du Parc ont présenté, dès décembre 2002, des problèmes de solidité, des décollements des tenons et mortaises étant constatés à de nombreuses reprises, tant au niveau des pieds que de l'assise et du dossier, causant des risques de chute des pensionnaires ; que la Résidence du Parc, qui produit au soutien de ses prétentions le rapport d'expertise susmentionné déposé en juillet 2004 et dont les constatations techniques ne sont, au demeurant, pas sérieusement contestées par la société requérante, établit que le défaut persistant de collage des assemblages en bois de ces fauteuils et leur absence récurrente de stabilité sont imputables à un vice de conception ; que ce vice de conception n'était pas décelable lors de la vente et rend les fauteuils impropres à l'usage auquel ils étaient destinés ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que les défauts ainsi relevés étaient susceptibles d'être couverts par la garantie prévue à l'article 1641 du code civil précité ; que si la requérante soutient que les mobiliers auraient fait l'objet d'une utilisation anormale liée à la mobilité réduite des pensionnaires, elle n'apporte pas d'élément probant au soutien de ces allégations alors que, d'ailleurs, les défectuosités sont apparues rapidement après la livraison et que la requérante n'ignorait pas la destination du matériel livré ; qu'à supposer même que celle-ci ait entendu ainsi se prévaloir d'une faute qui aurait été commise par l'acheteur, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, la délier de son obligation de fournir un produit exempt de vices ;

Considérant, en dernier lieu, que compte tenu, d'une part, de la date à laquelle l'acheteur a eu connaissance de l'origine et de l'étendue exactes du vice, soit la date où il a eu connaissance des conclusions de l'expertise susvisée, et, d'autre part, des démarches qu'il a entreprises en vue d'une tentative de règlement amiable du litige, le tribunal a fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en regardant la demande comme ayant été introduite dans un bref délai au sens des dispositions précitées de l'article 1648 du code civil ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir en appel que la demande présentée par la Résidence du Parc était entachée de forclusion ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL QUATERNAIRE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser une somme de 17 179,34 € au titre de la garantie des vices cachés ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le Tribunal administratif de Strasbourg ayant condamné à juste titre la SARL QUATERNAIRE à verser la somme de 17 169,34 € précitée, il a pu, à bon droit, condamner ladite société, qui avait la qualité de partie perdante en première instance, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à la Résidence du Parc une somme de 770 € ;

Considérant, en second lieu, que ces dispositions font obstacle à ce que la Résidence du Parc, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la requérante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à la Résidence du Parc la somme qu'elle réclame à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de la SARL QUATERNAIRE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Résidence du Parc tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative son rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me SAULNIER, liquidateur judiciaire de la SARL QUATERNAIRE et à la Résidence du Parc.

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N° 06NC00852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00852
Date de la décision : 14/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : CABINET A et C. LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-06-14;06nc00852 ?
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