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26/02/2007 | FRANCE | N°05NC01104

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 26 février 2007, 05NC01104


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 août 2005, complétée par un mémoire enregistré le 19 janvier 2007, présentée pour M. Pierre X, élisant domicile ..., par Me Strohl, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 0301929 en date du 28 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 mars 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 7 novembre 2002 et autorisé son

licenciement ;

2°) - d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) -...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 août 2005, complétée par un mémoire enregistré le 19 janvier 2007, présentée pour M. Pierre X, élisant domicile ..., par Me Strohl, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) - d'annuler le jugement n° 0301929 en date du 28 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 27 mars 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 7 novembre 2002 et autorisé son licenciement ;

2°) - d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) - de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le signataire de la décision attaquée était incompétent ;

- la motivation de la décision ne permet pas de connaître les éléments de droit justifiant la décision du ministre et l'annulation pour illégalité de la décision de l'inspecteur du travail, notamment en quoi celui-ci aurait écarté à tort le constat d'huissier, le rapport de l'expert informatique ou les preuves recueillies dan son ordinateur ou son agenda au mépris de son droit à la protection de la vie privée ;

- des pièces et des faits ayant été soumis à l'appréciation de l'autorité décisionnaire n'ont pas été portés à sa connaissance ;

- l'huissier a illégalement collecté des informations relevant de sa vie privée ;

- le ministre a retenu à tort le grief de non-respect de l'article 34 de la convention collective de l'inspection d'assurance, une clause obligeant un salarié à consacrer l'exclusivité de son activité à son employeur n'étant valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, justifiée par la nature des taches à accomplir et proportionnée au but recherché ; en l'espèce, une telle clause était contraire au principe constitutionnel de liberté du travail ;

- c'est à tort que le ministre et le tribunal ont retenu à son encontre l'exercice d'une activité parallèle ayant causé préjudice à son employeur ; sa simple prise de participation au capital de la société de courtage SNC C-X n'est pas constitutive d'une faute ; la société Acte Vie en était informée et n'a pas réagi ; il n'a jamais été rémunéré par cette SNC ; l'activité exercée pour son compte n'est pas établie ; ses agendas ne prouvent rien ; si la SNC a été immatriculée en novembre 2001, son activité n'a commencé qu'en 2002 ;

- le rapport d'expertise fait état de deux ordinateurs sans même établir qu'il en était propriétaire ; aucun détournement de clientèle n'est démontré par ces rapport et constat d'huissier et le préjudice qu'aurait subi l'employeur est donc inexistant ; le comparatif de chiffres d'affaires est inexploitable ; il compare des objectifs et non des résultats ; le contexte économique défavorable expliquait la baisse de ses résultats ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 14 novembre 2005 et 24 janvier 2007, présentés pour la société Acte Vie ayant son siège 5 rue Jacques Kablé à Strasbourg (67006), par Me Kretz, avocat ; la société Acte Vie conclut au rejet de la requête et à ce que M. X soit condamné à lui verser une somme de 4 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête ne comportant pas de critique des motifs du jugement est irrecevable ;

- le signataire de la décision attaquée, Mme Y, avait régulièrement reçu délégation de signature par décret du 29 mai 2002 ;

- la motivation de la décision attaquée est suffisante, exposant les circonstances de droit et de fait pour lesquelles, contrairement à ce qu'avait décidé l'inspecteur du travail, le ministre a estimé que le licenciement pouvait être autorisé ; il n'avait pas à indiquer les raisons pour lesquelles il estimait que c'était à tort qu l'inspecteur du travail avait rejeté les éléments de preuve qui lui étaient fournis ;

- les preuves des agissements déloyaux de M. X ont été régulièrement constituées ; l'intéressé n'a usé d'aucune voie de recours contre l'ordonnance du président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg et a autorisé le déroulement de l'expertise, qui le concernait comme associé d'une entreprise concurrente ;

- le ministre n'a pris en compte que les éléments issus du constat d'huissier ordonné par le juge judiciaire et de l'enquête contradictoire ;

- seul le juge judiciaire serait compétent pour apprécier la constitutionnalité de l'article 34 de la convention collective de l'inspection d'assurance ; au surplus, ce n'est pas seulement l'exercice d'une activité parallèle occulte qui lui est reproché mais l'exercice d'une activité concurrente, développée avec les moyens mis à sa disposition pour l'exécution de son contrat de travail, en méconnaissance de son obligation de bonne foi et de loyauté ; l'intéressé a notamment utilisé le véhicule et les moyens informatiques du service ; il a détourné ou tenté de détourner la clientèle de l'entreprise à son profit ; son activité parallèle s'est traduite par une baisse de ses résultats pour son employeur ;

- le licenciement est sans rapport avec l'activité syndicale ; le témoignage de M. Z en procès avec la société Ace Vie est totalement partiel et mensonger ;

Vu, en date du 14 septembre 2004, la communication de la requête au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2007 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de Me Barraux, de la SCP Wachsmann et associés, avocat de

M. X et de Me Sarosdi, de la SCP Hoepffner-Seguin, avocat de la société Acte Vie,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les fait reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte-tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé « procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat » ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée a été signée par Mme Y, sous-directrice des droits des salariés ; que celle-ci avait, en vertu de la délégation permanente reçue par décret du 29 mai 2002, régulièrement publié au Journal Officiel le 31 mai 2002, qualité pour signer, dans la limite de ses attributions et en cas d'absence ou d'empêchement de M. Jean-Denis A, directeur des relations du travail et de M. Laurent B, chef de service et au nom du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué par le requérant, que le directeur des relations du travail et le chef de service n'aient pas été empêchés de signer la décision attaquée ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision du 27 mars 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui n'était pas tenu de mentionner préalablement les raisons pour lesquelles il estimait ne pas devoir retenir le motif sur lequel s'est fondé l'inspecteur du travail pour refuser l'autorisation sollicitée, comporte l'énoncé des considérations de droit et des circonstances de fait qui justifient l'autorisation accordée à la société Acte Vie de licencier

M. X ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait ;

Considérant, enfin, que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées du code du travail impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes et implique en outre que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X n'ait pas été mis à même de prendre connaissance de l'intégralité des pièces du dossier soumis à l'inspecteur du travail puis au ministre dans le cadre de l'enquête contradictoire ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant que M. X, embauché comme inspecteur d'assurance principal le

1er septembre 1993 par la société d'assurance Acte Vie, a été nommé « inspecteur-vie » en 1995, niveau le plus élevé des cadres hors direction ; qu'il a été élu délégué syndical en 1999 et membre du comité d'entreprise ; qu'il est devenu associé de la société de courtage en assurances SNC C-X en 2001, société ayant un domaine d'activité identique à celle de la société Acte Vie ; que l'extrait du registre du commerce et des sociétés concernant l'immatriculation de cette entreprise indique que son exploitation a débuté le 13 septembre 2001 ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des constatations opérées par l'huissier et l'expert en informatique désignés par ordonnance du 9 septembre 2003 du président du Tribunal de grande instance de Strasbourg le

23 septembre 2002, dont il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier, qu'eu égard à leurs objectifs et aux conditions dans lesquelles elles ont été effectuées, elles seraient de nature à porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, que celui-ci travaillait au siège de la SNC C-X lorsque le constat a été effectué ; que s'il a effacé toutes les données de son ordinateur avant de le confier à l'expert, un fichier client de la société Acte Vie apparaissait néanmoins sur celui de son associé ; que le véhicule de service confié par la société Acte Vie contenait deux boîtiers autoroutiers, l'un au nom d'Acte Vie et l'autre au nom de la SNC C-X, montrant que M. X l'utilisait pour son activité parallèle et concurrente ; que ses agendas professionnels témoignent de rendez-vous avec des représentants de compagnies d'assurances avec lesquelles Acte Vie n'entretenait pas de relations d'affaires ; que le chiffre d'affaires réalisé par l'intéressé en proportion de celui de la société est passé de 21,52 % en 1999 à 9,92 % en 2001 ; qu'aucune pièce du dossier ne permet de regarder comme établie l'allégation de M. X, appuyée par le seul témoignage d'un ancien cadre de l'entreprise en conflit avec celle-ci, selon laquelle cette activité aurait été déclarée aux dirigeants de la société Acte Vie, sinon toujours connue par eux ; que les faits ainsi établis, de développement, par M. X d'une activité parallèle et concurrente de celle de la société qui l'emploie, étaient de nature à constituer, compte-tenu au surplus du rang élevé de l'intéressé parmi les cadres de l'entreprise, une faute grave justifiant son licenciement ;

Considérant que le principal grief adressé par la société Acte Vie à

M. X et qui motive l'autorisation de licenciement accordée par le ministre étant d'avoir exercé à l'insu de son employeur une activité concurrente, constitutive d'un manquement à l'obligation de loyauté, le moyen tiré par M. X de l'inconstitutionnalité de la clause d'exclusivité que comporte son contrat de travail ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de

M. X ait un lien avec ses activités syndicales au sein de la société ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner M. X à payer à la société Acte Vie une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société d'assurance Acte Vie, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X versera une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) à la société d'assurance Acte Vie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre X, à la société d'assurance Acte Vie et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

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N° 05NC01104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC01104
Date de la décision : 26/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP WACHSMANN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-02-26;05nc01104 ?
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