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14/12/2006 | FRANCE | N°06NC00737

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 décembre 2006, 06NC00737


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2006, complétée par mémoire enregistré le 24 novembre 2006, présentée pour la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI), par Me Joubert, avocat ;

La société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI)

demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement en date du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la récusation et au remplacement de M. X, expert désigné par ordonnance du président dudit tribunal en date du 3 janvier 2006 e

t l'a condamné à payer une amende de 500 € pour recours abusif ;

2) de prononcer la...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2006, complétée par mémoire enregistré le 24 novembre 2006, présentée pour la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI), par Me Joubert, avocat ;

La société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI)

demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement en date du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la récusation et au remplacement de M. X, expert désigné par ordonnance du président dudit tribunal en date du 3 janvier 2006 et l'a condamné à payer une amende de 500 € pour recours abusif ;

2) de prononcer la récusation de M. X et en conséquence de procéder à son remplacement ainsi qu'à l'invalidation des opérations d'expertise menées depuis le 23 janvier 2006 ;

Elle soutient que :

- la procédure devant le tribunal était irrégulière ; alors que l'expert était défendeur, le tribunal a communiqué les éléments de la procédure à l'ENIM, qui a assuré sa défense à sa place ; l'expert ne s'est pas prononcé sur la demande de récusation dans le délai légal de huit jours prévu à l'article R. 721-7 et le tribunal n'a pas non plus statué dans ce délai ;

- le tribunal a fait une appréciation erronée des faits en ne retenant aucun des moyens de la requérante ;

- les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expertise révèlent en effet un parti-pris de l'expert qui entretient des relations privilégiées avec l'ENIM ; son empressement, alors même qu'il n'y avait pas d'urgence à fixer les opérations en janvier 2006, et son refus persistant et injustifié à modifier les dates des deux réunions d'expertise en dépit des contraintes professionnelles liées aux engagements juridictionnels impératifs du conseil de la société requérante révèlent un comportement partial ;

- cette attitude de l'expert constitue une violation grave et délibérée des droits de la défense de la société CMW, qui n'a pu présenter utilement ses observations du fait de l'impossibilité de se faire assister de son conseil ;

- l'expert a méconnu les dispositions de l'article R. 721-6 du code de justice administrative qui lui imposaient de s'abstenir de toute diligence jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de récusation ;

- la compétence technique de l'expert n'est pas suffisante eu égard à la nature de l'expertise demandée et du prototype concerné ;

- l'expert fait siennes les prétentions de l'ENIM sans la moindre analyse critique en dépit de leur caractère injustifiable et techniquement irréalisable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 26 juin et 28 novembre 2006, présentés pour l'Ecole nationale d'ingénieurs de Metz (ENIM) par Me Gourvennec, avocat ;

L'Ecole nationale d'ingénieurs de Metz (ENIM) conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI) à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ; les éléments de fait avancés par la requérante ne sauraient justifier une demande de récusation et ne visent qu'à masquer ses propres défaillances ; les moyens invoqués, notamment celui tiré de la violation des droits de la défense, sont inopérants et ne répondent pas aux cas de récusation énumérés par la loi ; l'argumentation tirée de nullité de l'expertise est nouvelle en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le nouveau code de procédure civile, notamment son article 341 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 novembre 2006 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Joubert, avocat de la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI),

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'Ecole nationale des ingénieurs de Metz (ENIM), établissement public administratif, a conclu le 3 décembre 2004 un marché public avec la société European Aerostructure en vue de la fourniture et de l'installation d'un machine outil de haute technologie dite « hexapode » ; que suite aux difficultés de fonctionnement de l'appareil, l'ENIM a, en invoquant la non-conformité du matériel aux spécifications techniques contractuelles, présenté devant le Tribunal administratif de Strasbourg, le 4 novembre 2005, une requête en référé tendant à ce que soit ordonnée une expertise en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ; que par ordonnance du 3 janvier 2006, le président du tribunal a désigné M. X en qualité d'expert et défini l'étendue de sa mission ; que par requête enregistrée le 18 janvier 2006, la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI), concepteur et fabricant du prototype, qui était intervenue volontairement à l'instance devant le juge des référés, a demandé la récusation de l'expert ; qu'elle relève appel du jugement en date du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la récusation et au remplacement de M. X et l'a condamnée à payer une amende de 500 € pour recours abusif ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, d'une part, contrairement à ce que soutient la société CMW, M. X, expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg, n' avait pas la qualité de partie au litige né de la demande de récusation ; que dès lors c'est à bon droit que la requête et les mémoires complémentaires présentées par la société CMW ont été communiqués à l'ENIM qui avait la qualité de défendeur en première instance ; que, d'autre part, en tout état de cause, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article R 721-7 du code de justice administrative, selon lesquelles le magistrat visé par une demande de récusation fait connaître sa réponse dans un délai de huit jours, dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu' à la procédure de récusation des magistrats ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie devant le tribunal serait entachée d'irrégularité ;

Sur la récusation et le remplacement de l'expert :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-6 du code de justice administrative : « Les experts (…) peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges (...). La partie qui entend récuser l'expert doit le faire devant la juridiction qui a commis ce dernier avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. Si l'expert s'estime récusable (…), il doit immédiatement le déclarer au juge qui l'a commis » ; que selon l'article L 721-1 du code de justice administrative, la récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité ;

Considérant, en premier lieu, que pour demander, en application de ces dispositions, la récusation de M. X, , expert désigné par ordonnance du président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 janvier 2006, la société CMW fait valoir que l'expert a refusé de déplacer la date de la première réunion d'expertise, fixée au 21 janvier 2006, pour tenir compte des contraintes professionnelles du conseil de la requérante et persiste à soutenir que cette attitude constituerait une violation grave et délibérée des droits de la défense dès lors qu'elle n'aurait pu ainsi présenter utilement ses observations ; qu'elle soutient par ailleurs que l'expert aurait méconnu les dispositions de l'article R. 721-6 du code de justice administrative qui lui imposaient, selon la requérante, de s'abstenir de toute diligence jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de récusation ; que ces moyens, qui tendent à mettre en cause à la régularité de l'expertise, sont inopérants à l'appui d'une demande de récusation de l'expert ;

Considérant, en second lieu, que la requérante soutient que l'expert ne peut assumer sa mission avec objectivité et impartialité et fait valoir à cet effet que les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expertise révèlent un parti-pris de l'expert qui entretiendrait des relations privilégiées avec l' ENIM ; que, cependant, la seule circonstance que l'expert a refusé de déplacer la date de la première réunion d'expertise et n'aurait pas tenu compte des convenances du conseil de la requérante pour déterminer celle de la deuxième réunion d'expertise, fixée au 17 février 2006 et à laquelle la société CMW a pu néanmoins effectivement assister, ne saurait suffire à établir un manque d'impartialité dudit expert ; que la requérante n'apporte par ailleurs aucun élément précis au soutien de son allégation selon laquelle l'expert entretiendrait des relations privilégiées avec l'ENIM, laquelle, ainsi qu'il a été dit plus haut, pouvait valablement faire valoir ses observations en défense à l'encontre de la demande de récusation ; qu'enfin, si la requérante argue de ce que l'expert n'aurait pas les compétences suffisantes pour diligenter une expertise eu égard à la technicité du matériel concerné et qu'il aurait fait siennes les prétentions de l'ENIM sans la moindre analyse critique en dépit de leur caractère injustifiable et techniquement irréalisable, ces considérations, si elles peuvent, le cas échéant, être utilement invoquées à l'appui d'une contestation du bien-fondé du rapport d'expertise, ne sauraient pas davantage établir un manque d'impartialité de l' expert ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CMW n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la récusation de M. X, et, par voie de conséquence, celle tendant à son remplacement ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de la société CMW tendant à la récusation et au remplacement de l'expert susmentionné ainsi qu'en tout état de cause, celles tendant à ce que soit invalidées les opérations d'expertise menées depuis le 23 janvier 2006 ;

Sur l'amende pour recours abusif :

Considérant que, selon les dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 20 000 F soit 3 000 euros ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en prononçant à l'encontre de la société CMW une amende de 500 € pour requête abusive, le tribunal ait fait une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire et une fausse application des dispositions précitées; que, par suite, à supposer que la requérante ait entendu demander l'annulation sur ce point du jugement attaqué, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI) à payer à l'Ecole nationale des ingénieurs de Metz (ENIM) une somme de 1 500 € en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI) est rejetée.

Article 2 : La société CMW versera à l'Ecole nationale des ingénieurs de Metz (ENIM) une somme de 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CMW (CONSTRUCTIONS MECANIQUES DES VOSGES MARIONI),, à l'Ecole nationale des ingénieurs de Metz (ENIM) et à M. X.

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06NC00737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00737
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Récusation

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : JOUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-12-14;06nc00737 ?
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