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04/12/2006 | FRANCE | N°05NC00565

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2006, 05NC00565


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2005, présentée pour Mme Aïcha X, demeurant ..., complétée par mémoire du 23 juin 2005, présentée par Me Dollé, avocat ;

Elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304545/0304546 du 21 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 octobre 2003 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé son admission à un autre titre que l'asile territorial et à ce qu'il soit enjoint audit préfet, soit de lui délivrer un titre de

séjour, soit de réexaminer sa demande, d'autre part, à l'annulation de la décision...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2005, présentée pour Mme Aïcha X, demeurant ..., complétée par mémoire du 23 juin 2005, présentée par Me Dollé, avocat ;

Elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304545/0304546 du 21 avril 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 octobre 2003 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé son admission à un autre titre que l'asile territorial et à ce qu'il soit enjoint audit préfet, soit de lui délivrer un titre de séjour, soit de réexaminer sa demande, d'autre part, à l'annulation de la décision du 30 janvier 2003 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé le bénéfice de l'asile territorial et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler les décisions des 30 janvier et 23 octobre 2003 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle la délivrance d'un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 200 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en ce qui concerne l'asile territorial, d'une part, la décision est entachée d'une illégalité externe que le Tribunal a omis de reconnaître tenant à ce que l'avis du ministre des affaires étrangères ne résulte que d'un simple tampon portant avis, insuffisant ;

- elle est entachée d'une illégalité interne tenant à l'erreur manifeste d'appréciation de la situation qu'a faite le préfet en méconnaissance des articles 13 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en ce qui concerne la décision de refus de séjour, elle est entachée d'une illégalité externe tenant à l'absence de débat contradictoire exigé, eu égard à l'écart séparant les deux décisions ; c'est à tort que le Tribunal a mentionné que le refus résultait d'une demande de titre de sa part, et le Tribunal a méconnu sa propre jurisprudence ;

- sur l'exception d'illégalité du refus d'asile territorial, c'est à tort que le Tribunal a considéré que le préfet de la Moselle pouvait exciper du refus ministériel pour refuser un titre de l'article 12 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifié, dès lors que ce refus était illégal ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur l'absence de production d'un visa de plus de trois mois pour refuser un titre de séjour d'un an dès lors que sa délivrance à un sujet algérien n'est pas subordonnée à cette formalité et elle peut prétendre à la délivrance d'un titre sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, ses attaches familiales en France justifiant l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ses difficultés en Algérie étant avérées ;

- l'intérêt de son enfant à poursuivre son séjour et une scolarité normale en France justifie l'application de l'article 3-1 de la convention de New York ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu, enregistré le 24 janvier 2006, le mémoire en défense présenté par le préfet de la région Lorraine, préfet de la Moselle tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- en ce qui concerne l'asile territorial, la défense revient au ministre de l'intérieur ;

- en ce qui concerne le refus de titre, le moyen tiré de l'absence de débat contradictoire manque en fait dès lors que le courrier du 2 octobre 2002 l'invitait tant à l'entretien réglementaire personnalisé relatif à l'asile territorial qu'à un autre titre, et la demande du 27 septembre 2002 pouvait être regardée comme relative à ces demandes ; si les décisions de refus de séjour sont soumises à motivation, elles ne sont pas forcément soumises à la procédure contradictoire de la loi du 12 avril 2000 ce qui est le cas en l'espèce ;

- s'agissant de l'exception d'illégalité du refus d'asile territorial, il n'a commis aucune erreur en refusant un titre fondé sur le refus ministériel ; au surplus, le délai entre la remise du visa et le départ vers la France établit l'absence de tous risques ;

- le moyen tiré de l'application erronée de la règle du visa manque en droit ;

- le moyen tiré de la convention de New York n'implique aucune séparation entre mère et enfant, et la scolarisation ne suffit pas à établir un intérêt supérieur ;

- le moyen tiré de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est infondé ;

Vu enregistré le 11 avril 2006, le mémoire en défense présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, tendant au rejet de la requête par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Vu les autres pièces du dossier ;

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;

Vu la décision en date du 14 octobre 2005 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à hauteur de 55 % Mme Aïcha X, et a désigné Me Dollé, en qualité d'avocat ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2006 :

- le rapport de M. Job, président,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision refusant l'asile territorial :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 alors en vigueur : « Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales... Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. » ;

Considérant, en premier lieu, que si la décision du ministre de l'intérieur doit être prise après consultation du ministre des affaires étrangères, il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que l'avis ainsi rendu doive être motivé en la forme ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de motivation de l'avis du ministre des affaires étrangères est infondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le ministre de l'intérieur en lui refusant l'asile territorial, la requérante reprend en appel les mêmes arguments que ceux qu'elle a soutenus en première instance, sur les risques qui fondent sa demande, en application des articles 13 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen ;

Sur la légalité de la décision du préfet de la Moselle refusant un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (….) . »;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans son courrier du 27 septembre 2002 relatif à une demande de résidence et d'asile territorial, Mme X s'est prévalue tant de risques qu'elle encourait en Algérie que de sa situation familiale qui justifiait, par tous moyens, son admission au séjour en France ; que, dans la mesure où l'interprétation qu'en a faite le préfet de la Moselle tenant à la demande de délivrance d'un titre de séjour, à quelque titre que ce soit, n'était pas erronée, la décision portant refus de séjour n'avait pas à être précédée d'une invitation à observations en application des dispositions susvisées de la loi du 12 avril 2000 ; que la circonstance que les deux décisions ont été séparées de plusieurs mois est sans incidence sur les conditions d'application de la règle ; que le moyen tiré d'un vice de procédure est infondé et doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de la Moselle a pu, régulièrement, refuser le bénéfice des dispositions de l'article 12 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée à la requérante, qui s'est vue légalement refuser l'admission à l'asile territorial par le ministre de l'intérieur ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme X n'établit pas l'erreur que les premiers juges auraient commise en écartant par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu de confirmer, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et par voie de conséquence celui tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en opposant à la requérante l'absence d'un visa de long séjour, alors obligatoire en application de l'article 9 dudit accord ;

Considérant, en dernier lieu, que si Mme X se prévaut des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, elle ne démontre pas que sa fille Bouchra, née en 1996 et scolarisée pendant une seule année en France à la date du refus de titre de séjour critiqué, ne pourrait poursuivre une scolarité normale en Algérie, pays où est demeuré son père qui bénéficie d'un droit de visite mensuel qu'il ne peut actuellement exercer ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de l'enfant aurait été méconnu par l'autorité préfectorale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 21 avril 2005 attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, ni à demander l'annulation des décisions attaquées, ni, par voie de conséquence, à demander qu'il soit enjoint au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X, la somme qu'elle réclame en application dudit article ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Aïcha X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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05NC00565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00565
Date de la décision : 04/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : DOLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-12-04;05nc00565 ?
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