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30/11/2006 | FRANCE | N°02NC00022

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2006, 02NC00022


Vu le recours et les mémoires complémentaires, enregistrés les 8 janvier et 25 janvier 2002, 29 janvier 2003 et 13 octobre 2006, présentés pour l'Etat, représenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, par Me Grange, avocat ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 94-561 du 9 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à l'entreprise Sogéa Nord la somme de 981 599,76 F avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 1993 et capitalisation des intérêts éc

hus les 13 décembre 1999 et 12 février 2001, pour produire à chacune de ces dates...

Vu le recours et les mémoires complémentaires, enregistrés les 8 janvier et 25 janvier 2002, 29 janvier 2003 et 13 octobre 2006, présentés pour l'Etat, représenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, par Me Grange, avocat ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 94-561 du 9 octobre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à verser à l'entreprise Sogéa Nord la somme de 981 599,76 F avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 1993 et capitalisation des intérêts échus les 13 décembre 1999 et 12 février 2001, pour produire à chacune de ces dates eux-mêmes intérêts, en mettant à sa charge les frais de l'expertise ordonnée, taxés et liquidés à la somme de 198 622 F ;

2°) de rejeter la requête de l'entreprise Sogéa Nord ;

3°) de condamner l'entreprise Sogéa Nord à lui verser la somme de 1 500 F hors taxes sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- c'est à tort que, par le jugement attaqué, il a été retenu que le courrier daté du 2 mars 1993, adressé par Sogéa Nord à la direction départementale de l'équipement des Ardennes, constituait le mémoire en réclamation, au titre du décompte général, prévu par les dispositions de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales travaux ;

- devant les premiers juges, la requête de la société Sogéa Nord était tardive pour ne pas avoir respecté le délai de six mois prévu pour cela par l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales travaux ;

- à tort, l'expert, pour la réduction du nombre de jours de pénalités de retard, a omis de prendre en compte que les difficultés rencontrées pour obtenir les renseignements relatifs à l'implantation des réseaux et à l'implantation générale des ouvrages d'art sont intervenues au cours d'une même période et de façon quasi simultanée alors que cette période correspond à la période de préparation visée à l'article 28.1 du cahier des clauses administratives générales travaux, laquelle est une période hors travaux, et que les entreprises s'y sont trouvées confrontées à un « problème de bétons » qui leur est imputable ;

- l'entreprise Sogéa Nord n'a pas justifié de ses préjudices du fait de l'allongement des délais d'exécution du marché et l'indemnité accordée à ce titre ne pouvait être calculée qu'en tenant compte du retard qui lui est imputable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés les 21 novembre 2002, 4 juillet 2003, 20 octobre et 3 novembre 2006, les mémoires présentés pour la société Sogéa Nord, laquelle conclut au rejet du recours de l'Etat et, par la voie de l'appel incident, à ce que celui-ci soit condamné, en règlement du marché, à lui verser la somme de 293 419,73 euros avec intérêt moratoire de 12,40 % à compter du 5 avril 1993 jusqu'à la date du règlement ainsi que la somme de 30 279,24 euros en remboursement des frais d'expertise avec intérêts à compter du 28 février 2001, avec capitalisation des intérêts au 13 décembre 1999, 12 février 2001 et 3 novembre 2006 ; la société Sogéa Nord demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Sogéa Nord fait valoir que :

- le recours de l'Etat, enregistré le 25 janvier 2002, est tardif ;

- il ne peut lui être opposé la tardiveté de sa requête devant les premiers juges, l'arrêt de la Cour céans, en date du 7 janvier 1999, lequel n'a fait l'objet d'aucun pourvoi et est donc définitif, qui a statué sur sa demande de complément d'expertise en réformant le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 17 décembre 1996, ayant tranché, de facto, en statuant, la question de la recevabilité de sa requête au regard du délai de six mois prévu à l'article 50-32 du cahier des clauses administratives générales travaux ;

- les règles contractuelles de procédure prévues au cahier des clauses administratives générales travaux n'ont pas de caractère d'ordre public et l'Etat est irrecevable, sauf à porter atteinte aux droits de la Sogéa Nord, à soulever un moyen nouveau, fût-il d'irrecevabilité, après expiration du délai d'appel ;

- par courrier, en date du 2 mars 1993, elle a contesté la notification qui lui avait été faite, le 4 février 1993, du décompte général du marché, la personne responsable du marché lui ayant opposé, par ordre de service notifié le 30 avril 1993, un refus de la quasi-totalité de ses demandes ; par décision du 22 octobre 1993, reçue le 25 octobre 1993, laquelle faisait partir le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article 50.31 du cahier des clauses administratives générales travaux, la personne responsable du marché a rejeté ses demandes figurant dans son mémoire complémentaire adressé le 14 mai 1993 ; ce délai de six mois partait de la date du 25 octobre 1994 pour se terminer le 25 avril 1994 et sa requête, devant le tribunal administratif, enregistrée le 15 avril 1994, était, ainsi, recevable ;

- ses pénalités de retard ne sont que de 23,5 jours ;

- en application de l'article 7-1 du CCAP, le piquetage général doit être effectué durant la période de préparation ce qui n'a pu être fait, la réception des implantations n'étant intervenue, comme le déplacement des réseaux, que postérieurement à cette période ;

- le regard affectant la commande des bétons est sans effet sur le retard général dû à la réception tardive des implantations et au déplacement des réseaux ;

- elle accepte le mode de calcul de l'expert, s'agissant des préjudices consécutifs au décalage des travaux, aux travaux non payés alors que la direction départementale de l'équipement a accepté sa réclamation relative au coffrage de l'ouvrage OA1 ;

- elle a droit au paiement des vingt plaques en béton préfabriqué que comporte les deux piles de l'OA.6 ;

Vu les autres pièces du dossier et, notamment, la communication faite aux parties le 19 septembre 2006, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 novembre 2006 :

- le rapport de M. Collier, premier conseiller,

- les observations de Me Grange substitué par Me Givord, avocat du MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER, et de Me Roumens, avocat de la société Sogéa Nord,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un marché, en date du 11 juin 1991, l'Etat a confié au groupement d'entreprises Sogéa Est et Sogéa Nord, mandataire du groupement, la construction d'ouvrages d'art sur la RN 43 en vue du doublement de la déviation de Sedan ; que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, au nom de l'Etat, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en date du 9 octobre 2001, par lequel l'Etat a été condamné à verser aux entreprises la somme de 981 599, 76 F en règlement de ce marché ;

Sur la recevabilité de l'appel du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT :

Considérant que le jugement attaqué a été notifié à l'Etat le 8 novembre 2001 et son appel, devant la Cour de céans, enregistré le 8 janvier 2002 ; que la société Sogéa Nord n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que ce recours serait irrecevable pour cause de tardiveté ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

En ce qui concerne la recevabilité du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales travaux :

Considérant que l'Etat a soulevé, dans son mémoire introductif d'instance, comme il l'avait d'ailleurs déjà fait devant le tribunal administratif, l'irrecevabilité du mémoire en réclamation, adressé le 2 mars 1993 par la société Sogéa Nord à la personne responsable du marché, pour ne pas répondre, par son contenu, aux conditions prévues par les dispositions des articles 13.44 et 13.45 du cahier des clauses administratives générales travaux ; que, par un mémoire ultérieur enregistré le 16 octobre 2006, soit avant la clôture de l'instruction, il a opposé à la société Sogéa Nord l'irrecevabilité de sa demande, devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, au motif qu'elle y avait été enregistrée au-delà du délai de six mois prévu par les dispositions de l'article 50-32 du cahier des clauses administratives générales travaux ; que, contrairement à ce que soutient la société Sogéa Nord, ce moyen, qui relève de la même cause juridique et que le ministre pouvait, à tout moment de l'instruction devant la Cour, reprendre à son compte, ne constitue pas une demande nouvelle et est donc recevable ;

Considérant, par ailleurs, que ni le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en date du 17 décembre 1996, ordonnant, à la demande de la société Sogéa Nord, une expertise partielle sur sa réclamation, ni l'arrêt de la Cour de céans, en date du

7 janvier 1999, étendant cette mission d'expertise, n'ont prononcé de condamnation à l'encontre de l'Etat ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la société Sogéa Nord, ce dernier arrêt n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne la recevabilité de sa demande devant le tribunal administratif tendant à la condamnation de l'Etat au titre du règlement du marché ;

En ce qui concerne le bien-fondé du moyen :

Considérant qu'aux termes de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable au marché passé entre l'Etat et les sociétés Sogéa Nord et Sogéa Est : « (…) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation (…). Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (…) ; qu'aux termes du 22 de l'article 50 : « si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire en réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage » ; qu'aux termes du 23 du même article : « La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage/ Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après » ; qu'aux termes du 31 du même article : « Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou ci celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent (…) » ; qu'aux termes du 32 du même article : « Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Sogéa Nord, mandataire du groupement Sogéa Est Sogéa Nord, a adressé, le 2 mars 1993, un mémoire en réclamation à l'occasion du différend survenu à propos du décompte général qui lui avait été notifié par ordre de service n° 11/78 en date du 1er février 1993 ; que par un nouvel ordre de service, notifié le 30 avril 1993 et reçu le 4 mai 1993, la personne responsable du marché a rejeté les demandes de la société Sogéa Nord ; que si la société Sogéa Nord a, le 14 mai 1993, adressé un mémoire complémentaire en réclamation développant les raisons de son refus d'accepter le rejet de ses demandes, ce mémoire complémentaire ne pouvait ni suspendre ni interrompre le délai de six mois prévu par l'article 50-32 du cahier des clauses administratives générales dont le point de départ demeurait fixé à la date de notification à l'entrepreneur de la décision, prise le 30 avril 1993, sur sa réclamation ; que, par suite, le délai de six mois prévu par l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales précité était expiré lorsque le société Sogéa Nord a saisi le 15 avril 1994 le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; que sa requête était tardive et devait être rejetée ; que l'Etat est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, il a été condamné à payer à l'entreprise Sogéa Nord la somme de 981 599,76 F, assortie des intérêts en règlement du marché passé pour la construction d'ouvrage d'art sur la RN 43 en vue du doublement de la déviation de Sedan ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes des dispositions figurant à l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toute les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens… » ;

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce l'Etat qui n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à la société Sogéa Nord la somme qu'elle réclame sur leur fondement ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Sogéa Nord à payer à l'Etat la somme qu'il réclame en application de ces dispositions ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne

n° 94-561 en date du 9 octobre 2001 est annulé.

Article 2 : La demande de la société Sogéa Nord est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours de l'Etat est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L'EQUIPEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER et à la société Sogéa Nord.

2

N° 02NC00022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 02NC00022
Date de la décision : 30/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. Robert COLLIER
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : GRANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-11-30;02nc00022 ?
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