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04/08/2006 | FRANCE | N°03NC00136

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2eme chambre - formation a 3, 04 août 2006, 03NC00136


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2003, présentée pour la SA SOPREMA, dont le siège est situé ... par Me X..., avocat ;

La SA SOPREMA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-02114 du 29 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à ce que le trésorier payeur général du Bas-Rhin lui rembourse une somme de 587 104 F assortie des intérêts légaux et à l'annulation de la décision du trésorier payeur général du Bas-Rhin refusant de lui accorder la remise des intérêts moratoires ;

2°)

d'ordonner le remboursement de la somme de 76 957,94 euros avec les intérêts à compter de l...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2003, présentée pour la SA SOPREMA, dont le siège est situé ... par Me X..., avocat ;

La SA SOPREMA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99-02114 du 29 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à ce que le trésorier payeur général du Bas-Rhin lui rembourse une somme de 587 104 F assortie des intérêts légaux et à l'annulation de la décision du trésorier payeur général du Bas-Rhin refusant de lui accorder la remise des intérêts moratoires ;

2°) d'ordonner le remboursement de la somme de 76 957,94 euros avec les intérêts à compter de la demande initiale ;

3°) d'annuler la décision du trésorier payeur général du Bas-Rhin refusant de lui accorder la remise des intérêts moratoires ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 6 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la jonction de ses deux demandes présentées devant le Tribunal administratif est irrégulière ; que les premiers juges ont soulevé un moyen d'ordre public sans respecter le caractère contradictoire de la procédure ; que la compensation n'était pas de droit ; qu'elle a droit au remboursement des frais de garantie ; que le trésorier payeur général a méconnu l'étendue de sa compétence en ne se prononçant pas sur la demande de remise gracieuse des intérêts moratoires ; que compte tenu de la longueur de la procédure la décision de refus est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 décembre 2005, présenté pour la SA SOPREMA ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 mai 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2006 :

- le rapport de Mme Richer, président,

- les observations de Me X... pour la SA SOPREMA,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que la jonction d'affaires sur lesquelles il est statué au cours de la même audience publique constitue un pouvoir propre du juge et que, dès lors, la SA SOPREMA n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif ne pouvait légalement joindre sa requête en annulation et sa requête en plein contentieux afin qu'il y fut statué par un seul jugement ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R.611-7 du code de justice administrative : « Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (…) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que le Tribunal n'a pas informé les parties du moyen soulevé d'office, tiré de la possibilité d'opérer la compensation entre une dette de l'Etat et une dette du contribuable sur le fondement des articles 1289 et 1290 du code civil, qu'il a retenu pour écarter les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 504 808 F ; qu'en conséquence, le jugement attaqué est irrégulier sur ce point et doit, dans cette mesure, être annulé ;

Considérant qu'il y lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SA SOPREMA devant le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'elle tend au remboursement de la somme de 504 808 F ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal ... ; que le second alinéa du même article, aux termes duquel : Lorsque les sommes consignées à titre de garanties en application des articles L. 277 et L. 279 doivent être restituées en totalité ou en partie, la somme à rembourser est augmentée des intérêts prévus au premier alinéa. Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret. ; qu'aux termes de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « lorsque le tribunal administratif rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'un redressement ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait obtenu un sursis de paiement, donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal... Sur demande justifiée du contribuable, le montant des intérêts moratoires est réduit du montant des frais éventuellement engagés pour la constitution des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts contestés. Les intérêts courent du premier jour du treizième mois suivant celui de la date limite de paiement jusqu'au jour du paiement effectif des cotisations. Ils sont recouvrés dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties, sûretés et privilèges que les impositions auxquelles ils s'appliquent» ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA SOPREMA a présenté le 19 juin 1991 une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement relative à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 1985, 1986 et 1987 pour un montant de 16 501 738 F ; que la société requérante a fourni au Trésor public une caution bancaire ; que par une décision du 6 janvier 1994, l'administration lui a accordé un premier dégrèvement d'un montant de 82 353 F ; que, par une décision postérieure à l'introduction de l'instance devant le Tribunal administratif, un second dégrèvement lui a été accordé à hauteur de 4 916 251 F ; que, par un jugement du 25 juin 1998, le Tribunal administratif a prononcé la décharge partielle des impositions contestées à hauteur de 10 316 333 F ; qu'après les dégrèvements et la réduction des impositions ainsi obtenus, l'administration a fait droit à la demande de la société requérante tendant au remboursement de ses frais de caution qui s'élevaient à la somme non contestée de 1 091 911,03 F ; que, cependant, elle n'a remboursé à la SA SOPREMA que la somme de 587 104 F après imputation sur le montant des frais de caution de la somme de 504 808 F correspondant aux intérêts moratoires dus par la société sur les impositions dont elle n'a pas obtenu la décharge ;

Considérant que l'administration a réduit le montant dû au titre des frais exposés pour constituer des garanties du montant des intérêts moratoires que lui devait la SA SOPREMA sur le fondement des dispositions de l'article L. 209 précité du livre des procédures fiscales ; que cet article n'a pour objet que de permettre au contribuable d'obtenir la réduction du montant des intérêts moratoires qu'il doit acquitter par imputation de la part des frais engagés pour la constitution des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts contestés ; que, toutefois, le comptable peut, même en l'absence de texte, procéder à une compensation entre deux créances à la condition qu'elles soient certaines, liquides et exigibles ; que les intérêts moratoires dus de plein droit sur les fractions de cotisations restant à la charge du contribuable, dont le mode de calcul est précisé par les dispositions précitées de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales, constituent pour l'Etat une créance certaine, liquide et exigible, même en l'absence d'état exécutoire ; que, dès lors, le comptable a pu régulièrement affecter au règlement des intérêts moratoires dus par la contribuable une partie des sommes qu'il lui devait au titre des frais qu'elle a exposés pour constituer des garanties propres à assurer le recouvrement des impositions qui ont fait l'objet de dégrèvement ; que, par suite, la SA SOPREMA n'est pas fondée à se plaindre de la décision de l'administration de ne lui rembourser qu'une partie des frais de cautionnement dus par l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SA SOPREMA tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 504 808 F doit être rejetée ;

Sur la demande de remise gracieuse :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 247 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : « L'administration peut accorder sur la demande du contribuable : …2° des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives… »

Considérant que par une décision du 25 mai 1999, le trésorier payeur général du Bas-Rhin a accordé à la SA SOPREMA la remise gracieuse de la majoration de 10 % mais a implicitement rejeté la demande de remise gracieuse des intérêts moratoires dus sur les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 1985 à 1987 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de la décision litigieuse que le trésorier payeur général a implicitement mais nécessairement examiné la demande de remise gracieuse des intérêts moratoires avant de procéder à la compensation avec les sommes dont la SA SOPREMA demandait le remboursement ; qu'il n'a, dès lors, pas méconnu l'étendue de sa compétence ;

Considérant que la circonstance que la procédure a été très longue, notamment devant le Tribunal administratif, est sans incidence sur le bien-fondé de la décision de refus de remise gracieuse ; que le fait que la société requérante était de bonne foi et qu'elle a obtenu pour l'essentiel satisfaction ne suffit pas à entacher la décision de refus d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SOPREMA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de remise gracieuse des intérêts moratoires ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions, tendant au bénéfice des impositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 29 novembre 2002 est annulé en tant qu'il rejette la requête n° 0002114.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Strasbourg par la SA SOPREMA sous le n° 0002114 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SOPREMA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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03NC00136


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Michèle RICHER
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : MEURANT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Date de la décision : 04/08/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 03NC00136
Numéro NOR : CETATEXT000007574132 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2006-08-04;03nc00136 ?
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