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28/02/2005 | FRANCE | N°02NC01300

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 28 février 2005, 02NC01300


Vu la requête enregistrée le 9 décembre 2002, complétée par un mémoire enregistré le 11 juin 2004, présentée pour la société GSM représentée par ses dirigeants en exercice, dont le siège est ..., par la SCP d'avocats UGCC et associés ; la société GSM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 10 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 9 août 2001 du préfet de la Haute-Saône l'autorisant à étendre l'exploitation d'une carrière de matériaux alluvionnaires sur des terrains situés sur le territoire de la

commune de Esmoulins ;

2°) de rejeter la demande des associations commission de pr...

Vu la requête enregistrée le 9 décembre 2002, complétée par un mémoire enregistré le 11 juin 2004, présentée pour la société GSM représentée par ses dirigeants en exercice, dont le siège est ..., par la SCP d'avocats UGCC et associés ; la société GSM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 10 octobre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 9 août 2001 du préfet de la Haute-Saône l'autorisant à étendre l'exploitation d'une carrière de matériaux alluvionnaires sur des terrains situés sur le territoire de la commune de Esmoulins ;

2°) de rejeter la demande des associations commission de protection des eaux de Franche-Comté et Saône et Doubs Vivants ;

3°) de condamner les associations commission de protection des eaux de Franche-Comté et Saône et Doubs Vivants à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- son représentant est habilité à exercer l'appel ;

- c'est à tort que le tribunal a admis l'intérêt à agir des associations ; au surplus, la commission de protection des eaux de Franche-Comté n'avait pas qualité pour recevoir mandat de représentation de l'association Saône et Doubs vivants-Sundgau vivant-gestion ;

- le jugement est insuffisamment motivé ; le tribunal a, en outre, statué sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, non articulé par les associations, et hors du contradictoire des parties ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'exploitation de la carrière serait à l'origine de graves inconvénients pour un milieu forestier et un sous-sol dignes d'une protection particulière ; le raisonnement tenu par le tribunal revient à interdire toute exploitation de carrière dans la vallée de la Saône, contrairement aux orientations permissives du schéma départemental des carrières ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les mesures compensatoires ne pouvaient assurer une prévention suffisante des inconvénients générés par l'exploitation ;

- les allégations des associations concernant l'ampleur du projet, l'expansionnisme sans limite des activités industrielles, les exportations vers la Suisse et le démarrage du défrichement sont infondées ; l'instruction a été régulière et le réaménagement à long terme du site a été pris en compte dans le dossier de la demande ;

- les directives oiseaux et habitats ayant fait l'objet de transpositions en droit interne, seuls les textes nationaux sont applicables ; la jurisprudence invoquée par les associations est soit sans rapport avec le cas d'espèce, soit inopérante ; le Conseil d'Etat a reconnu expressément la possibilité d'autoriser l'exercice d'une activité économique dans une zone proposée à l'inscription au titre de Natura 2000 ; les mesures compensatoires et de suivi du réaménagement sont sérieuses et de nature à restaurer les équilibres du milieu naturel ; le projet est compatible avec les orientations du SDAGE ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2003, présenté par la ministre de l'écologie et du développement durable ; la ministre s'en remet à la sagesse de la Cour ;

Elle soutient que :

- la circonstance qu'une carrière est exploitée dans une zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique (ZNIEFF) ne saurait à elle seule justifier l'annulation de l'arrêté d'autorisation ;

- le projet est situé dans une des grandes forêts alluviales de la vallée de la Saône, considérée comme un habitat naturel remarquable ;

- plusieurs services administratifs ainsi que l'inspecteur des installations classées ont émis un avis défavorable au projet ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 août 2003, présenté pour la commission de protection des eaux de Franche-Comté (CPE) et Saône et Doubs Vivants, par Me X... ; les associations concluent :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de l'Etat et de la GSM à payer à chacune d'elles la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à ce que la Cour ordonne la publication de l'arrêt en application de l'article L.911-1 du code de justice administrative, aux frais du groupement, dans le moniteur des travaux publics et dans l'usine nouvelle, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

Elles soutiennent que :

- la protection des eaux figurant dans leur objet statutaire, elles justifient d'un intérêt à agir ; la qualité pour agir du collectif Saône et Doubs Vivants est établie ; l'appelant n'a, en revanche, versé aux débats aucun document attestant que son représentant a qualité pour engager l'action ;

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- l'extension de la carrière contrarie directement la nécessaire protection des habitats d'intérêt communautaire au titre de la directive oiseaux de 1979 et de la directive habitats de 1992 ;

- les mesures compensatoires ne permettent nullement de prévenir les dangers et inconvénients graves inhérents à la carrière ; elles ont été présentées tardivement après l'enquête publique, ce qui a pour effet de vicier la procédure ;

- l'arrêté du ministre méconnaît l'article L. 311-3-8 du code forestier ainsi que le SDAGE Rhône-méditerranée ;

- l'existence d'espèces protégées dans l'aire de l'extension de la carrière fait directement obstacle à son autorisation ;

Vu, en date du 2 décembre 2004, l'ordonnance fixant au 12 janvier 2005, la clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2005 :

- le rapport de Mme Guichaoua, premier conseiller,

- les observations de Me Clément, avocat de la société GSM et de M. X de l'association commission de protection des eaux,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que, si la société GSM a présenté devant les premiers juges un rapport d'un expert forestier tendant à justifier l'arrêté du préfet de la Haute-Saône, en date du 9 août 2001, autorisant l'extension de la carrière qu'elle exploite sur le territoire de la commune d'Esmoulins, ce rapport a constitué une simple argumentation venant au soutien d'un moyen, à laquelle le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de ce jugement au regard des moyens dont le tribunal était saisi doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la commission de protection des eaux de Franche-Comté (CPE) et l'association Saône et Doubs Vivants ont expressément invoqué devant le tribunal administratif, la méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement ; qu'en examinant, dès lors, si les prescriptions de l'arrêté attaqué permettait de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le tribunal n'a pas statué ultra petita, ni méconnu le principe du contradictoire ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que la commission de protection des eaux de Franche-Comté (CPE) qui bénéficie d'un agrément, délivré au titre de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, s'étendant au département de la Haute-Saône, a pour objet statutaire de susciter et de développer la protection du milieu naturel ; qu'il résulte des statuts de l'association Saône et Doubs Vivants que celle-ci a notamment en charge de représenter en justice le collectif Saône et Doubs, composé d'associations et d'organismes oeuvrant pour la protection des cours d'eau et des milieux humides des bassins versants du Rhône et du Rhin ; qu'eu égard à leur objet statutaire, lesdites associations justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté susmentionné qui autorise l'exploitation de la carrière dans le lit majeur de la Saône ; qu'en désignant, par ailleurs, comme mandataire le président de la CPE, le président de l'association Saône Doubs Vivants a seulement entendu se conformer aux dispositions de l'article R. 411-5 du code de justice administrative qui imposent, en cas de requête collective, la désignation d'un représentant unique ;

Sur la légalité de l'arrêté :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : Sont soumis aux dispositions du présent titre les (...) chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou inconvénients (...) pour la protection de la nature et de l'environnement(...) ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code : Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral (...) ;

Considérant, en premier lieu, que la société GSM a sollicité et obtenu, par l'arrêté susmentionné du préfet de la Haute-Saône, l'autorisation prévue par les dispositions précitées d'étendre, sur une superficie de 40 ha, l'emprise d'une carrière de matériaux alluvionnaires couvrant, au titre d'autorisations antérieures, 80 ha de terrains sur le territoire de la commune d'Esmoulins ; qu'il résulte de l'instruction que les terrains, couverts par l'extension, sont entièrement situés dans le lit majeur de la Saône, en milieu forestier reconnu comme présentant les caractéristiques d'un boisement typique de la vallée de la Saône, les ripisylves ; qu'en outre, le site d'exploitation est inclus, en raison de la présence d'un habitat caractéristique de la forêt alluviale en zone humide, dans une zone d'intérêt faunistique et floristique elle-même classée en zone d'importance communautaire pour les oiseaux et fait partie du site de la vallée de la Saône proposé au titre des sites d'importance communautaire, en vue d'un classement dans le réseau Natura 2000 ; que si l'état actuel du site et les classements dont il est l'objet ne sauraient, à eux seuls et sans qu'il soit tenu compte des mesures destinées à protéger les équilibres susceptibles d'être compromis par cette exploitation, faire obstacle à la délivrance d'une autorisation d'exploiter, il ne résulte pas de l'instruction que les mesures de réaménagement prévues dans l'étude d'impact telles que la création de plans d'eau avec revégétalisation des berges, soient de nature à prévenir les graves inconvénients résultant d'une modification radicale apportée au milieu naturel par le déboisement d'une forêt alluviale de 40 ha et l'activité extractive de la carrière ; que les mesures invoquées en appel par la requérante et destinées à compenser les effets du défrichement ne sont ni intégrées, ni même évoquées dans l'arrêté d'autorisation ; que, dès lors, et ainsi qu'en a jugé le Tribunal administratif de Besançon, dont il convient sur ce point d'adopter les motifs, les prescriptions mises à la charge de la société exploitante ne répondaient pas aux exigences définies à l'article L. 512-1 du code de l'environnement, auxquelles se trouve soumise la délivrance d'une autorisation ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance, à la supposer d'ailleurs établie, que l'extension de la carrière ne serait incompatible ni avec le schéma départemental des carrières de la Haute-Saône, approuvé par arrêté préfectoral du 11 mars 1998, ni avec les orientations du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, applicable à la vallée de la Saône, n'est pas de nature, par elle-même, à justifier l'octroi de l'autorisation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par les associations CPE et Saône et Doubs Vivants, que la société GSM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 9 août 2001 du préfet de la Haute-Saône ;

Sur les conclusions à fin de publication de l'arrêt de la Cour :

Considérant qu'il n'appartient pas aux juridictions administratives d'ordonner que les décisions qu'elles rendent fassent l'objet d'une publication dans la presse ; que les conclusions des associations CPE et Saône et Doubs Vivants tendant à ce que l'arrêt de la Cour soit publié dans le moniteur des travaux publics et dans l'usine nouvelle ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les associations CPE et Saône et Doubs Vivants, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à la société GSM la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société GSM et l'Etat à payer chacun à l'association CPE, d'une part, et à l'association Saône et Doubs Vivants, d'autre part, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société GSM est rejetée.

Article 2 : La société GSM versera à l'association CPE, d'une part, et à l'association Saône et Doubs Vivants, d'autre part, la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L'Etat versera à l'association CPE, d'une part, et à l'association Saône et Doubs Vivants, d'autre part, la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions des associations CPE et Saône et Doubs Vivants à fin de publication de l'arrêt de la Cour sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société GSM, à l'association CPE, à l'association Saône et Doubs Vivants, et au ministre de l'écologie et du développement durable.

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N° 02NC01300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02NC01300
Date de la décision : 28/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Marie GUICHAOUA
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : CLÉMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-02-28;02nc01300 ?
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