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30/09/2004 | FRANCE | N°99NC00968

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ere chambre - formation a 3, 30 septembre 2004, 99NC00968


Vu la requête, enregistrée le 4 mai 1999, complétée par des mémoires enregistrés les 15 octobre 2003, 15 janvier 2004, présentée pour M. et Mme Hubert X, par Me Boye avocat à la Cour, élisant domicile ... ; Les consorts X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 971434 en date du 23 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à leur verser la somme de 45 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 1997 alors que leur demande initiale s'élevait à la somme de 2 479 724,70 francs au titre des plus-values tra

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Vu la requête, enregistrée le 4 mai 1999, complétée par des mémoires enregistrés les 15 octobre 2003, 15 janvier 2004, présentée pour M. et Mme Hubert X, par Me Boye avocat à la Cour, élisant domicile ... ; Les consorts X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 971434 en date du 23 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à leur verser la somme de 45 000 francs avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 1997 alors que leur demande initiale s'élevait à la somme de 2 479 724,70 francs au titre des plus-values transitoires, frais et troubles d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1990 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 10 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

3°) de nommer un expert ;

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ne leur ont accordé que 45 000F en réparation de leur préjudice ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2003, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ;

Le ministre conclut au rejet de la requête, demande que le jugement soit réformé en ce qu'il l'a condamné à leur verser une somme de 20 000 F, et de les condamner à lui verser une somme de 610 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ; la requête est tardive et irrecevable ; la prescription quadriennale est acquise ; l'Etat a déjà été condamné à indemniser les consorts X pour les mêmes préjudices ; leur demande financière a été modifiée ;

Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 16 janvier 2004 à 16h00 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2004 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les observations de M. X,

- et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre à la demande de première instance :

Considérant que par jugement en date du 17 novembre 1992, le Tribunal administratif de Nancy a annulé la décision de la commission départementale d'aménagement foncier en date du 4 juillet 1991 statuant à nouveau sur la réclamation des consorts X concernant le remembrement de leurs propriétés à Réménoville ; que le 25 avril 1997, le Conseil d'Etat a rejeté le recours du ministre ; que le 6 juin 1997, les consorts X ont demandé à l'Etat réparation du préjudice résultant de la faute commise par l'administration, et résultant du caractère illégal de la décision du 4 juillet 1991 ; que la demande des consorts X, qui tendait à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l'agriculture, de la pêche, de l'alimentation et des affaires rurales à cette demande d'indemnité, présentait le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'à défaut de décision expresse, aucun délai de recours n'était opposable aux consorts X et la fin de non recevoir tirée de ce que leur demande devant le Tribunal était tardive doit être écartée ;

Considérant que si la demande indemnitaire préalable des consorts X, figurant dans leur courrier en date du 6 juin 1997, portait sur un montant de 1 756 178 francs alors que leur demande présentée au Tribunal administratif de Nancy est de 2 479 724,70 francs, M. et Mme X n'ont pas présenté de nouveaux chefs d'indemnisation, mais ont réévalué deux éléments du calcul, à savoir la valeur d'exploitation à l'hectare et le nombre d'hectares concernés ; que, par suite, le contentieux était bien lié devant le Tribunal administratif qui n'a pas commis d'erreur en statuant sur leurs conclusions aux fins d'indemnisation ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, l'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ;

Considérant que le ministre n'a pas régulièrement opposé la prescription quadriennale devant les premiers juges qui se sont prononcés sur le fond ; que, par suite, l'Etat ne saurait utilement s'en prévaloir devant la cour d'appel ;

Sur l'exception de la chose jugée :

Considérant que par jugement en date du 20 décembre 1990, le Tribunal administratif de Nancy s'est prononcé sur les préjudices résultant des décisions de la commission départementale d'aménagement foncier de 1991 et 1985, concernant la perte des récoltes, la destruction de clôtures et la perte de 540 mirabelliers ; que, par suite, les conclusions de M. et Mme X relatives à ces chefs de préjudices sont irrecevables ; que, par contre, les conclusions relatives au refus de réattribution de la parcelle ZE 21, à la perte de 278 074 points, à la perte de semis de blé, aux préjudices moral et financier sont recevables, et l'exception de chose jugée est non fondée à leur égard ;

Sur le préjudice :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20 du code rural applicable à la date de la décision attaquée : ...Doivent être réattribués à leurs propriétaires, sauf accord contraire, et ne subir que les modifications de limites indispensables à l'aménagement : (...) 4° Les immeubles présentant, à la date de l'arrêté fixant le périmètre de remembrement, les caractéristiques d'un terrain à bâtir au sens de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (...), et que selon l'article L. 13-15 du code de l'expropriation, un terrain ne peut recevoir la qualification de terrain à bâtir que s'il est situé dans un secteur déclaré constructible par le règlement du plan d'occupation des sols de la commune rendu public ou approuvé lorsque la commune est dotée d'un tel document ; que les consorts X n'établissant pas le caractère de terrain à bâtir de la parcelle ZE 21, ils ne sont pas fondés à contester le refus de ré attribution de ladite parcelle ;

Considérant en second lieu, que si les requérants soutiennent avoir perdu 278 074 points et non 64 405, il ressort des pièces du dossier que ce dernier chiffre, retenu par les premiers juges, ressort des conclusions de l'expertise diligentée par les consorts X eux-mêmes en septembre 1991 ; que, par suite, et à défaut de tout autre élément probant de nature à permettre de retenir un nombre de poins plus élevé, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par les consorts X résultant de la perte en surface et en valeur de points de leurs propriétés en leur attribuant la somme de 25 000 francs ;

Considérant en troisième lieu qu'ayant emblavant en blé, en octobre, des terres dont ils savaient au plus tard le 25 septembre 1991, date du recours qu'ils ont formé contre la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du 4 juillet 1991, qu'elles ne leur seraient pas réattribuées, les consorts X ne sauraient se prévaloir d'aucun préjudice résultant de la perte de semis ;

Considérant en quatrième lieu que les premiers juges, contrairement à ce que soutient le ministre dans ses conclusions incidentes, n'ont pas procédé dans leur jugement du 23 février 1999 à une double indemnisation du préjudice moral subi par les requérants, dès lors que le jugement du 20 décembre 1990 du Tribunal administratif de Nancy ne procédait à la réparation des troubles dans les conditions d'existence qu'ils ont subis que jusqu 'en 1985 ; que toutefois, ils ont fait une appréciation insuffisante du préjudice moral des consorts X, qui a perduré après cette date, en ne leur accordant que la somme de 20 000 francs ; que compte tenu des retards constatés et des erreurs commises depuis 1985, il y a lieu de porter cette somme à 7 622,45 euros (50 000 francs) ;

Considérant enfin, en cinquième lieu, que si les consorts X demandent réparation du préjudice financier résultant des condamnations prononcées par le juge judiciaire, un tel préjudice est sans lien avec l'objet du présent litige ;

Sur les intérêts :

Considérant que les consorts X ont droit aux intérêts de la somme de 45 000 francs, que le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à leur verser, ainsi que de la somme de 4 573,47 euros que la Cour condamne, par le présent arrêt, l'Etat à leur verser en sus à compter du jour de la réception par l'Etat de leur demande, soit à compter du 8 juin 1997 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de nommer un expert, que les consorts X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy ne leur a accordé que la somme de 20 000 francs à titre de préjudice moral ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui a remplacé l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'Etat doivent dès lors être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X une somme de 1000 € au titre des frais exposés par ceux-ci en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que le Tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à verser aux consorts X au titre du préjudice moral est portée à la somme de 7 622,45 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy est réformé en tant qu'il est contraire à l'article ci-dessus.

Article 3 : La somme de 11 433,70 euros portera intérêts à compter du 8 juin 1997.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à M. et Mme Hubert X et M. Roger X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X est rejeté.

Article 6 : Les conclusions incidentes de l'Etat sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Hubert X, M. Roger X, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

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N° 99NC00968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99NC00968
Date de la décision : 30/09/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE
Avocat(s) : KROELL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2004-09-30;99nc00968 ?
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