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09/12/1999 | FRANCE | N°96NC01787

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 09 décembre 1999, 96NC01787


Vu le recours, enregistré le 28 juin 1996 sous le n 96NCO1787, présenté au nom de l'Etat, par le MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES ;
Le MINISTRE demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 24 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, sur la requête de Mme Jutta X..., une décision du 27 février 1995 du directeur départemental du travail et de l'emploi du Bas-Rhin l'excluant du bénéfice du revenu de remplacement pour quatre mois à compter du 29 novembre 1994 ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant l

e tribunal administratif de Strasbourg ;
3 ) de faire reverser par Mm...

Vu le recours, enregistré le 28 juin 1996 sous le n 96NCO1787, présenté au nom de l'Etat, par le MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES ;
Le MINISTRE demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 24 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, sur la requête de Mme Jutta X..., une décision du 27 février 1995 du directeur départemental du travail et de l'emploi du Bas-Rhin l'excluant du bénéfice du revenu de remplacement pour quatre mois à compter du 29 novembre 1994 ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3 ) de faire reverser par Mme X... la somme de 1 500 F (mille cinq cents francs), qui lui a été allouée au titre des frais irrépétibles, avec les intérêts légaux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement de la communauté économique européenne n 1408/71 du 14 juin 1971 modifié ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 1999 :
- e rapport de M. Henri BATHIE, Premier Conseiller,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.351-28 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Sont exclues, à titre temporaire ou définitif, du revenu de remplacement.. les personnes qui.. 2. Ne peuvent justifier de l'accomplissement d'actes positifs de recherche d'emploi au sens du premier alinéa de l'article R. 351-2 7. Le caractère réel et sérieux de ces actes est apprécié compte tenu de la situation du demandeur d'emploi et de la situation locale de l'emploi ... ", et qu'il ressort de l'article R.351-27 auquel il est fait référence que : "Sont considérées comme étant à la recherche d'un emploi.. les personnes inscrites comme demandeurs d'emploi auprès de l'agence nationale pour l'emploi qui accomplissent de manière permanente tant sur proposition de ces services que de leur propre initiative, toutes les démarches en leur pouvoir en vue de leur reclassement ou de leur insertion professionnelle ..."
Considérant qu'il ressort des éléments du dossier que, en application de l'article R.351-28 précité, le directeur départemental du travail et de l'emploi du Bas-Rhin a, par une décision du 24 novembre 1994, exclu pour quatre mois Mme Jutta X..., inscrite depuis décembre 1993 comme demandeur d'emploi, auprès de l'agence locale de Wissembourg, du revenu de remplacement, au motif d'une insuffisance d'actes positifs de recherches d'emploi; que sur recours gracieux de l'intéressée, cette sanction a été maintenue par la décision du même chef de service, en date du 27 février 1995 ; que le MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES fait régulièrement appel du jugement du 24 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 27 février 1995 susmentionnée ;
Considérant en premier lieu que, comme l'admet d'ailleurs le ministre appelant, la légalité de la décision attaquée doit s'apprécier en fonction des éléments dont disposait l'administration à la date de la décision prise après recours gracieux de l'intéressée, et non pas, comme le soutenait notamment le préfet en première instance, à la date de l'entretien préalable à la sanction initiale ; qu'il est constant qu'à cette date de référence, située en l'espèce au 27 février 1995, Mme X... pouvait justifier de cinq démarches effectuées en vain auprès de cinq employeurs potentiels ; qu'elle affirme également, sans être utilement contredite, avoir enregistré de nombreux autres refus, oraux ou tacites, à ses demandes ; que les actes positifs de recherches d'emploi, même limités à ceux ayant fait l'objet de traces écrites, étaient suffisants pour que l'intéressée ne pût faire l'objet d'une mesure d'exclusion du revenu de remplacement, en application de l'article R.351-28-2 précité ;

Considérant en deuxième lieu qu'il ne ressort d'aucune disposition du code du travail que les demandeurs d'emploi devraient effectuer leurs démarches exclusivement, ou même principalement, dans le pays où il sont inscrits, en fonction de leur domicile ; qu'il ressort au contraire du règlement CEE n 1408 / 71 du 14 juin 1971 modifié, applicable notamment aux allocations de chômage, que chaque état membre doit veiller à assurer l'égalité de traitement entre ses propres ressortissants et ceux d'autres états membres de la communauté, lors de la mise en oeuvre des droits et obligations des intéressés, comme l'ont, à bon droit, relevé les premiers juges ; que cette égalité de traitement entre ressortissants des divers états membres, qui constitue un principe général rappelé notamment par l'article 48-2 du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne, s'opposait à ce que, au cas d'espèce, l'administration ne prît pas en compte les actes de recherches d'emplois effectués en Allemagne, par Mme X... ; qu'au surplus, ces démarches avaient manifestement de meilleures chances d'aboutir en Allemagne, pays dont Mme X... était la ressortissante, et répondaient ainsi à l'exigence du caractère "réel et sérieux" des actes de recherches d'emplois exigé par l'article R.351-28 précité ; qu'il suit de là que le moyen tiré par le ministre de ce que Mme X... n'a pas justifié suffisamment de demandes d'emploi auprès d'employeurs français, n'est pas fondé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision susmentionnée du 27 février 1995, du directeur départemental du travail et de l'emploi du Bas-Rhin ;
Considérant enfin qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser une somme de 1 500 F (mille cinq cents francs) à Mme X..., en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article ler : Le recours susvisé du MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES est rejeté.
Article 2 : En application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, l'Etat versera une somme de 1 500 F (mille cinq cents francs) à Mme X....
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE et à Mme X....


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - REGLES APPLICABLES - LIBERTE DE CIRCULATION - LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES - Indemnisation des travailleurs privés d'emploi - Exclusion temporaire du revenu de remplacement en cas d'insuffisance d'actes positifs de recherche d'emploi - Illégalité de la sanction motivée par une insuffisance de telles démarches en France - sans prise en compte des recherches effectuées par l'intéressée dans un autre pays de la Communauté Européenne.

15-05-01-01, 66-10-02 Illégalité d'une sanction d'exclusion temporaire du revenu de remplacement pour insuffisance d'actes positifs de recherches d'emploi (sur le fondement de l'article R. 351-28-2 du code du travail), dès lors que l'administration n'a pas pris en considération les démarches effectuées par l'intéressée en Allemagne, pays dont elle était la ressortissante. La décision méconnaît le principe de non discrimination entre travailleurs de la Communauté européenne à raison de leur nationalité, rappelé notamment dans un règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971, applicable aux allocations en litige.

TRAVAIL ET EMPLOI - POLITIQUES DE L'EMPLOI - INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS PRIVES D'EMPLOI - Exclusion temporaire du revenu de remplacement - Insuffisance d'actes positifs de recherche d'emploi - Illégalité de la sanction motivée par une insuffisance de telles démarches en France - sans prise en compte des recherches effectuées par l'intéressée dans un autre pays de la Communauté Européenne.


Références :

CEE Règlement 1408-71 du 14 juin 1971
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail R351-28, R351-27, R351-28-2


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Laporte
Rapporteur ?: M. Bathie
Rapporteur public ?: Mme Rousselle

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Date de la décision : 09/12/1999
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 96NC01787
Numéro NOR : CETATEXT000007560950 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-12-09;96nc01787 ?
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