Vu la requête, enregistrée le 21 juin 1996 sous le n 96NC01737, présentée pour la Commune de SAINT-AVOLD (Moselle), représentée par son maire ;
La Commune de SAINT-AVOLD demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 4 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, sur la requête des Houillères du Bassin de Lorraine, l'arrêté du 28 mars 1995 du maire de Saint-Avold, interdisant toute création de locaux destinés à l'habitat résidentiel et toute réutilisation de locaux vides à cette fin dans une section de la rue de Hasslach ;
2 ) de rejeter la demande présentée par les Houillères du Bassin de Lorraine devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3 ) de condamner les Houillères du Bassin de Lorraine à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive européenne 82/501/CEE du 24 juin 1982 modifiée par la directive 87/216/CEE du 19 mars 1987 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi locale du 7 novembre 1910 applicable en Moselle ;
Vu la loi n 76-633 du 19 juillet 1976 modifiée ;
Vu la loi n 87-565 du 22 juillet 1987 ;
Vu le décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 1999 :
- le rapport de M. BATHIE, Premier Conseiller,
- les observations de Me SCHAEFER, avocat de la COMMUNE DE SAINT-AVOLD, et de Me MEYER, avocat des Houillères du Bassin de Lorraine,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Saint-Avold en date du 28 mars 1995:
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 5 décembre 1989, le préfet de la Moselle a défini un projet de zones de protection autour du complexe chimique de Carling-Saint-Avold ; que, dans la zone la plus exposée aux risques, dite "Z 1" sont notamment interdites les créations de locaux à usage d'habitation ; que par un nouvel arrêté du 7 février 1990, le préfet a qualifié de "projet d'intérêt général", au sens de l'article L.123-7-1 du code de l'urbanisme, le projet de protection défini par la décision du 5 décembre 1989 susmentionnée ; que, par son arrêté attaqué du 28 mars 1995 motivé par la nécessité de "soustraire les résidents aux risques majeurs inhérents à la proximité du complexe chimique ...", le maire de Saint-Avold a aggravé cette interdiction de créer de nouveaux locaux habités, sur une section de la route de Hasslach, en interdisant également " ...la réutilisation de locaux vides aux fins d'habitat ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.181-40 du code des communes applicable dans le département de la Moselle à la date de la décision attaquée : "Le maire a ... le soin ... 2 de prévenir par des précautions convenables ... les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies, les épidémies, les épizooties ..." ; qu'en vertu de cette disposition législative, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le maire était compétent, au titre de ses pouvoirs de police municipale générale, pour compléter ou aggraver, au besoin, les prescriptions imposées par le préfet dans le cadre de ses attributions en matière d'urbanisme et d'installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'incompétence du maire pour prendre la décision litigieuse, pour annuler celle-ci ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les Houillères du Bassin de Lorraine devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'article 4 du décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 que les dispositions des articles 5 à 8 de ce décret " ...sont applicables aux services administratifs de l'Etat et des établissements publics de l'Etat ..." ; qu'il suit de là qu'est inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure régie par l'article 8 du décret précité, à l'occasion de l'élaboration de l'arrêté attaqué, émanant du maire de Saint-Avold, lequel n'était pas soumis à ces dispositions ;
Considérant, en second lieu, que l'arrêté municipal attaqué ne peut être regardé comme une mesure d'application des décisions du préfet de la Moselle, ayant défini des zones exposées aux risques, dans le cadre d'un "projet d'intérêt général" ; que, pour les motifs susindiqués, le maire a, comme il a été dit ci-dessus, aggravé les prescriptions préfectorales, en faisant usage de son propre pouvoir de police générale ; que dès lors, le moyen tiré de ce que ce projet d'intérêt général ne pouvait être mis en oeuvre par un simple arrêté municipal, n'est pas fondé ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que la COMMUNE DE SAINT-AVOLD n'ait jamais exercé son droit de préemption sur les immeubles concernés par la décision attaquée ne suffit pas à caractériser un détournement de pouvoir, dès lors que ce mode d'acquisition des biens ne constitue qu'une faculté pour la collectivité bénéficiaire, laquelle doit, au surplus, pouvoir justifier qu'elle poursuit un objectif conforme aux dispositions légales régissant cette procédure ; que les Houillères du Bassin de Lorraine ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de compensation, par la commune, des pertes patrimoniales résultant de l'arrêté municipal en litige, dès lors qu'aucune disposition n'a prévu l'indemnisation spécifique de ce type de préjudice ; qu'il appartient seulement à la propriétaire des bâtiments, si elle s'y croit fondée, de solliciter cette indemnisation de la part de la personne exploitant l'installation classée génératrice des risques susévoqués ;
Considérant, en quatrième lieu, que la décision du maire a pour objet de limiter, autant que possible, la présence de locaux habités à proximité d'une installation créant de graves risques potentiels, d'ailleurs mis en évidence par un incident ultérieur dû à une fuite d'ammoniaque pendant quatre heures en juin 1996 ; que les Houillères du Bassin de Lorraine, qui reconnaissent posséder plus de 17 000 logements, ne sont pas fondées à alléguer qu'elles subissent une atteinte patrimoniale grave en se voyant interdire de vendre, ou de louer, au départ des occupants actuels, un ensemble de 8 chalets en bois, construits en 1950 ; qu'une telle atteinte à leur propriété privée ne peut, dans ces conditions, être regardée comme excessive, eu égard la nature de l'objectif poursuivi par l'autorité municipale et à la situation des Houillères du Bassin de Lorraine, propriétaire des immeubles ; que cette atteinte apportée à certaines prérogatives attachées au droit de propriété des Houillères du Bassin de Lorraine ne peut être regardée comme une expropriation déguisée et non indemnisée, et, dès lors, n'est pas entachée d'un détournement de procédure ; qu'enfin, le moyen tiré de ce que d'autres propriétaires inclus dans une zone à risques subiraient des contraintes moindres, est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le maire de Saint-Avold est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté susmentionné du 28 mars 1995 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la COMMUNE DE SAINT-AVOLD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer aux Houillères du Bassin de Lorraine la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner les Houillères du Bassin de Lorraine à payer à la COMMUNE DE SAINT-AVOLD une somme de 5 000 F (cinq mille francs) au titre de ces mêmes frais ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 juin 1996 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par les Houillères du Bassin de Lorraine devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : En application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les Houillères du Bassin de Lorraine verseront une somme de 5 000 F (cinq mille francs) à la COMMUNE DE SAINT-AVOLD.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE SAINT-AVOLD, aux Houillères du Bassin de Lorraine et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.