(Troisième Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 16 mars 1995 au greffe de la Cour, présentée pour M. Charles X..., demeurant ... (Bas-Rhin), représentée par Me Stéphane Meyer, avocat au barreau de Strasbourg ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) - de réformer le jugement, en date du 19 janvier 1995, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a limité à 66 860 F le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat ;
2 ) - de condamner l'Etat (ministre de l'intérieur) à lui verser une indemnité de 353 360 F, outre intérêts de droit, ainsi que la somme de 20 000 F au titre des frais exposés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 1999 :
- le rapport de M. ADRIEN, Premier Conseiller ;
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;
Sur l'appel principal :
Considérant, en premier lieu, que M. X... n'apporte aucune précision ni justification de nature à établir l'insuffisance de la somme de 1 500 F par mois retenue par le tribunal comme représentant la valeur locative de l'immeuble faisant l'objet d'une occupation sans titre ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'indemnité fixée par le tribunal ferait en partie double emploi avec les versements effectués par l'occupant ; que le refus persistant d'apporter à M. X... le concours de la force publique pour l'exécution du jugement d'expulsion de l'occupant justifie qu'une indemnité de 22 500 F soit mise à la charge de l'Etat pour la période du 1er janvier 1994 au 31 mars 1995 dont le tribunal n'a pas tenu compte ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X... se borne à produire un devis du coût d'aménagement de son domicile, sans établir avoir effectivement supporté cette dépense, nécessitée par son invalidité et qui serait imputable à l'impossibilité d'aménager l'immeuble indûment occupé ;
Considérant, en troisième lieu, que le requérant ne produit aucune pièce attestant, d'une part, de la mise en location de l'appartement du premier étage de l'immeuble occupé et du refus des candidats motivé par le comportement de l'occupant et, d'autre part, de l'engagement de frais de procédure ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en raison de son caractère éventuel, le préjudice qui résulterait de la persistance du refus de concours de la force publique après l'intervention du présent arrêt ne peut faire l'objet d'une indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander que l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal soit portée à 89 360 F ;
Sur le recours incident :
Considérant que le tribunal a fixé au 1er juin 1990 le point de départ des intérêts de droit dont la condamnation a été assortie ; que, toutefois, s'agissant d'une indemnité destinée à réparer la perte de sommes à échéances successives, le ministre est fondé à demander la réformation du jugement en ce qui concerne le point de départ desdits intérêts ; qu'il y a lieu de fixer au premier jour du mois suivant celui de l'échéance des sommes impayées par l'occupant, dont M. X... justifiera, le point de départ des intérêts dus sur l'indemnité de 18 860 F arrêtée par le tribunal et sur celle de 22 500 F fixée par la Cour ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'indemnité destinée à compenser les troubles de toute nature dans les conditions d'existence subis par M. X..., il convient de la fixer à 50 000 F tous intérêts confondus ;
Sur les frais exposés :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à payer à M. X... la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'indemnité allouée à M. X... par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 janvier 1995 est portée à quatre vingt onze mille trois cent soixante francs (91 360 F). Le point de départ des intérêts dus sur l'indemnité de dix huit mille huit cent soixante francs (18 860 F) arrêtée par le tribunal et sur celle de vingt deux mille cinq cents francs (22 500 F) allouée par la Cour est fixé au premier jour du mois suivant celui de l'échéance des sommes impayées par l'occupant, dont M. X... justifiera.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 janvier 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) est condamné à payer à M. X... une indemnité de cinq mille francs (5 000 F) au titre des frais exposés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'intérieur.