Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 22 mars et 21 juin 1988 sous le n° 96349 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 05 janvier 1989 sous le n° 89NC00718, présentés pour l'Office National des Forêts dont le siège est situé ... à 75012 PARIS, représenté par son directeur-général en exercice, tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 19 janvier 1988 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à la commune de Kintzheim (Bas-Rhin) la somme de 40 000 F avec intérêts de droit à compter du 06 mars 1978 en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite d'un vol de bois commis dans la forêt communale ;
- rejette la demande d'indemnité formée par la commune de Kintzheim ;
Vu le mémoire en défense, formant appel incident, enregistré le 02 mai 1989 présenté pour la commune de Kintzheim, tendant à ce que la Cour :
- rejette la requête de l'Office National des Forêts ;
- porte la somme que celui-ci a été condamné à lui verser à 54 186,89 F ;
- ordonne la capitalisation des intérêts échus ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1989 par laquelle le Président de la 6ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code forestier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 16 janvier 1990 :
- le rapport de M. Fontaine, Conseiller ;
- et les conclusions de Mme Fraysse, Commissaire du Gouvernement ;
Sur la compétence :
Considérant qu'il résulte de l'examen du dossier de première instance que, pour demander la condamnation de l'Office National des Forêts au versement d'une indemnité, la commune de Kintzheim ne s'est fondée ni sur l'irrégularité de l'autorisation d'enlèvement d'une certaine quantité d'arbres secs sur diverses parcelles de la forêt communale accordée verbalement à M. X..., exploitant forestier, en 1977, par l'agent chef de triage de Kintzheim, ni sur les conditions d'exécution de cette autorisation ; qu'elle a fondé son action uniquement sur la faute de surveillance qu'elle impute à cet agent à l'occasion du vol de bois dans la même forêt que M. X... a commis postérieurement à l'intervention susmentionnée ; qu'ainsi, la responsabilité de l'Office National des Forêts était recherchée dans son activité de protection, conservation et surveillance de la forêt qui relève de sa mission de service public administratif, comme il ressort de la décision du tribunal des conflits en date du 09 juin 1986 ; que, dès lors, la compétence du tribunal administratif pour connaître de cette action en responsabilité de la commune de Kintzheim ne peut être contestée ;
Considérant, en revanche, que la commune de Kintzheim soutient en appel, par voie de recours incident, que le préjudice qu'elle a subi à la suite de ce vol de bois est la conséquence directe du non respect par l'agent de l'Office National des Forêts de la procédure prévue en matière de vente amiable des bois dépérissants et du défaut de surveillance de l'opération autorisée ; que les conditions dans lesquelles cette vente est intervenue et a été exécutée par l'Office National des Forêts relèvent de son activité de service public à caractère industriel et commercial chargé de la gestion et de l'équipement des forêts ; qu'il s'ensuit qu'en tant qu'elle recherche la responsabilité de l'Office dans cette activité, l'action intentée par la commune ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative mais ressortit aux juridictions de l'ordre judiciaire ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vol de bois dont M. X... s'est rendu coupable a porté sur un volume d'environ 287 m3 d'arbres secs disséminés dans la forêt communale qui couvre une superficie de 579 hectares ; que l'infraction a été dûment constatée par les agents assermentés de l'Office National des Forêts, l'auteur de vol ayant d'ailleurs été condamné par les juridictions judiciaires à payer une amende et à verser, au profit de la commune de Kintzheim, 40 000 F de dommages-intérêts correspondant à la valeur des bois volés ; que la seule circonstance que ce vol a pu être commis ne révèle, dans l'exercice par l'Office de son activité de protection, conservation et surveillance qui relève de sa mission de service public administratif, aucune faute lourde de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de la commune ; que, dès lors, l'Office National des Forêts est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, en date du 19 janvier 1988, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à la commune de Kintzheim une indemnité de 40 000 F ; qu'il convient, par suite, de rejeter la demande d'indemnité présentée par la commune devant le tribunal administratif et le recours incident qu'elle a formé en appel ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 janvier 1988 est annulé.
Article 2 : La demande d'indemnité de la commune de Kintzheim, en tant qu'elle est fondée sur la responsabilité encourue par l'Office National des Forêts dans son activité de service public à caractère industriel et commercial, est rejetée comme présentée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : La demande d'indemnité présentée par la commune de Kintzheim devant le tribunal administratif de Strasbourg et fondée sur la responsabilité encourue par l'Office National des Forêts dans sa mission de service public administratif, ainsi que son recours incident formé en appel sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office National des Forêts et à la commune de Kintzheim.