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28/11/2022 | FRANCE | N°21MA02663

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 novembre 2022, 21MA02663


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 juin 2021, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2105415 du 22 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de délivrer à Mme A... un visa de régularisation de huit jours.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête, enregistrée le 8 juillet 2021, le ministre de l'intérieur, représenté par la SCP...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 juin 2021, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2105415 du 22 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du ministre de l'intérieur et lui a enjoint de délivrer à Mme A... un visa de régularisation de huit jours.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2021, le ministre de l'intérieur, représenté par la SCP Saidji Moreau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 juin 2021 ;

2°) et de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- le magistrat désigné a commis une erreur de droit en estimant que les dispositions des articles L. 531-12, L. 513-13, L. 513-15 et L. 513-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposaient la présence d'un avocat sauf en l'absence de demande par l'étranger d'assistance par un avocat ou en cas de demande tardive alors qu'en outre, l'administration n'a pas refusé à Mme A... l'assistance d'un avocat ;

- aucun des moyens présentés par Mme A... dans sa demande n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., déclarant être née le 28 septembre 1999 à Niemennike, au Sénégal, est arrivée en France à l'aéroport de Marseille le 15 juin 2021. Elle a été placée en zone d'attente et a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le même jour. Par une décision du 16 juin 2021, le ministre de l'intérieur, après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), a refusé de l'admettre sur le territoire français et a ordonné son réacheminement vers tout pays dans lequel elle serait légalement admissible. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juin 2021. Par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a fait droit à cette demande. Le ministre de l'intérieur fait régulièrement appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. L'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : (...) / 3° La demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves. ".

3. Aux termes de l'article L. 352-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refus d'entrée mentionnée à l'article L. 352-1 est écrite et motivée. / La notification de la décision de refus d'entrée mentionne le droit de l'étranger d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix. Elle mentionne également le droit de l'étranger d'introduire un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 352-4 et précise les voies et délais de ce recours. Elle mentionne aussi le droit de l'étranger de refuser d'être rapatrié avant l'expiration du délai d'un jour franc. / La décision et la notification des droits qui l'accompagne lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. / Une attention particulière est accordée aux personnes vulnérables, notamment aux mineurs accompagnés ou non d'un adulte. ". L'article L. 341-3 du même code dispose que : " L'étranger placé en zone d'attente est informé de ses droits dans les conditions prévues à l'article L. 343-1. ". Aux termes de cet article L. 343-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger placé en zone d'attente est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il est également informé des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. Mention en est faite sur le registre mentionné au second alinéa de l'article L. 341-2, qui est émargé par l'intéressé. / En cas de placement simultané en zone d'attente d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais, compte tenu du nombre d'agents de l'autorité administrative et d'interprètes disponibles. De même, dans ces mêmes circonstances particulières, les droits notifiés s'exercent dans les meilleurs délais. ".

4. Il résulte des termes des points 11 à 13 de la décision n° 2019-818 QPC du 6 décembre 2019 du Conseil constitutionnel que ces dispositions ne consacrent pas un droit de l'étranger à exiger l'assistance d'un avocat lors des auditions organisées par l'administration dans le cadre de l'instruction de sa demande d'entrée en France ou pendant son maintien en zone d'attente. D'une part, les auditions effectuées dans le cadre de l'instruction administrative des décisions de refus d'entrée en France ou organisées pendant le maintien de l'étranger en zone d'attente n'ont pour objet que de permettre de vérifier que l'étranger satisfait aux conditions d'entrée en France et d'organiser à défaut son départ. Elles ne relèvent donc pas d'une procédure de recherche d'auteurs d'infractions. D'autre part, la décision de refus d'entrée, celle de maintien en zone d'attente et celles relatives à l'organisation de son départ ne constituent pas des sanctions ayant le caractère de punition mais des mesures de police administrative. Dès lors, la circonstance que les auditions mentionnées ci-dessus puissent se dérouler sans l'assistance d'un avocat ne peut être contestée sur le fondement des articles 7, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Au demeurant, l'étranger peut être assisté d'un avocat dans le cadre des instances juridictionnelles relatives à de telles mesures.

5. Aucune des dispositions régissant la situation d'un étranger maintenu en zone d'attente le temps de l'instruction de sa demande d'asile n'impose que l'étranger soit assisté d'un avocat au cours de son audition par un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'absence d'assistance par un avocat, même en cas de demande de la part de l'étranger en ce sens, ne saurait conduire à rendre irrégulière la procédure aux termes de laquelle le ministre de l'intérieur lui refuse l'entrée en France et à en fonder l'annulation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, pour annuler sa décision du 16 juin 2021, s'est fondé sur le moyen tiré de ce que Mme A... qui n'a pu être assistée d'un avocat lors de son entretien avec un agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides aurait été privée d'une garantie.

7. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif :

8. En premier lieu, le directeur de l'asile, par une décision du 9 mars 2020 publiée au Journal officiel de la République française le 11 mars 2020, a donné délégation à Mme D... B..., chef du département de l'accès à la procédure d'asile, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables relevant des attributions du département de l'accès à la procédure d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

9. En deuxième lieu, le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Toutefois, le ministre chargé de l'immigration peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter la demande d'asile d'un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque celle-ci présente un caractère manifestement infondé.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations de la requérante, telles qu'elles ont été consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'OFPRA du 16 juin 2021, que cette dernière soutient qu'elle craint pour sa sécurité au Sénégal et qu'elle a été mariée de force en 2016 à un homme beaucoup plus âgé qu'elle. Toutefois, il ressort de l'entretien précité que ses propos apparaissent peu circonstanciés et peu précis notamment sur l'identité et l'âge de son époux. Si elle produit deux attestations de témoins, ces pièces ne présentent aucune garantie d'authenticité. Ainsi, ces éléments ne permettent pas d'établir que Mme A... serait personnellement exposée dans son pays d'origine. Il suit de là que le ministre de l'intérieur n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En troisième lieu, il ne ressort pas plus de ce qui précède que le ministre de l'intérieur aurait méconnu l'article 33 de la convention de Genève, qui contient le principe de non refoulement, et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en considérant que la demande de Mme A... d'entrer sur le territoire français était manifestement infondée et en décidant qu'elle serait réacheminée vers le territoire de son pays d'origine ou de tout pays dans lequel elle serait légalement admissible.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 16 juin 2021. Il est également fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de Mme A... devant le tribunal administratif.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2105415 du 22 juin 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2022.

2

No 21MA02663


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02663
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-28;21ma02663 ?
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