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28/11/2022 | FRANCE | N°20MA02717

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 novembre 2022, 20MA02717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société à responsabilité limitée ISAP-GCSP à lui payer la somme de 126 089,67 euros en réparation du préjudice correspondant aux désordres affectant les travaux réalisés dans le cadre d'un marché public ayant pour objet la réalisation d'un centre d'autocars à Châteaurenard.

Par un jugement n° 1901153 en date du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Mars

eille a condamné la société ISAP-GCSP à payer à la RDT 13 la somme de 52 551,20 euros to...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la société à responsabilité limitée ISAP-GCSP à lui payer la somme de 126 089,67 euros en réparation du préjudice correspondant aux désordres affectant les travaux réalisés dans le cadre d'un marché public ayant pour objet la réalisation d'un centre d'autocars à Châteaurenard.

Par un jugement n° 1901153 en date du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société ISAP-GCSP à payer à la RDT 13 la somme de 52 551,20 euros toutes taxes comprises, et mis à la charge de cette société les dépens de l'instance taxés et liquidés à la somme de 12 114,75 euros ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la RDT 13 et non compris dans les dépens.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020, la société ISAP-GCSP, représentée par Eleom Avocats, intervenant par la SELARL d'avocats Favre de Thierrens-Barnouin-Vrignaud-Mazars-Drimaracci, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a fait droit aux demandes dirigées contre elle, et de rejeter ces demandes ;

2°) de mettre à la charge de la RDT 13 les entiers dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- l'expertise, qui est entachée d'un défaut de contradictoire et d'impartialité, est irrégulière ;

- les travaux qu'elle a réalisés étaient conformes à son marché et l'implantation des ouvrages a été validée ;

- la RDT13, à qui incombe la charge de la preuve de la faute qui lui est reprochée, n'apporte pas cette preuve ;

- s'agissant de l'implantation de la cuve, ses plans d'exécution avaient été validés ;

- l'architecte a modifié son plan de masse en septembre 2016 ;

- la cuve et la dalle ont été réceptionnées ;

- s'agissant de l'implantation et l'altimétrie de la dalle de la station de carburant, l'expert ne fonde pas ses conclusions sur ses propres contestations techniques mais sur celles du géomètre-expert ;

- la mauvaise implantation de la cuve, qui était enterrée, n'avait aucune incidence sur le reste du projet, mais rendait seulement nécessairement un raccordement plus long de quelques mètres ;

- l'expert n'est pas affirmatif s'agissant de l'impossibilité de reprendre la dalle sans la démolir ;

- il revenait à la RDT13 d'apporter la preuve de ce que la dalle de la station avait été réalisée sans l'accord préalable du bureau de contrôle et du maître de l'ouvrage ;

- le maître d'ouvrage ne l'a pas laissée réparer le prétendu dommage causé ;

- le montant des travaux de reprise est excessif ;

- elle a droit au paiement d'une somme de 50 895,30 euros toutes taxes comprises au titre de la situation de travaux n° 2 en date du 24 février 2017 mais également au paiement d'une somme de 7 920 euros toutes taxes comprises au titre des travaux supplémentaires " commandés et validés ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2020, l'établissement public Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13), représenté par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'établissement public soutient que les moyens de la société ISAP-GCSP sont infondés.

Par une lettre en date du 22 juillet 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er octobre 2022 et le 31 décembre 2022, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 15 septembre 2022.

Par ordonnance du 19 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat en date du 8 juin 2016, la Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13), établissement public à caractère industriel et commercial, a confié à la société ISAP-GCSP le lot n° 7, relatif à l'installation d'une cuve à carburant, d'une station de carburant, d'un auvent, d'une dalle de répartition sur la cuve et d'une dalle avec son îlot central sur la station, d'un marché public ayant pour objet la réalisation d'un nouveau centre d'autocars sur le territoire de la commune de Châteaurenard. Pendant l'exécution des travaux, la RDT 13 a constaté des désordres qui l'ont amenée, le 28 mars 2017, à faire démolir la dalle de la station par l'entreprise Masoni, titulaire du lot n° 1, puis, le 3 avril 2017, à prononcer l'arrêt des travaux de génie civil. Par courrier en date du 7 avril 2017, la RDT 13 a mis la société ISAP-GCSP en demeure de reprendre les malfaçons et confié à l'entreprise Tokheim la réalisation des travaux de génie civil. Par lettre du 21 avril 2017, la société ISAP-GCSP, ayant nié l'existence de malfaçons, a rejeté les demandes présentées par le maître d'ouvrage. Le 12 mai 2017, la RDT 13 a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la désignation d'un expert afin de procéder à toutes les constatations utiles. A la suite du dépôt de ce rapport le 16 juin 2017, la RDT 13 a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à ce qu'une expertise soit prescrite pour déterminer l'imputabilité des désordres. Le rapport d'expertise a été déposé le 21 juin 2018. La RDT 13 a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de la société ISAP-GCSP à lui payer la somme de 126 089,67 euros en réparation du préjudice résultant des désordres affectant les travaux réalisés par cette société. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif, faisant partiellement droit à la demande de la RDT 13, a condamné la société ISAP-GCSP à payer à cette dernière une somme de 52 551,20 euros. La société ISAP-GCSP relève appel de ce jugement en tant qu'il lui fait grief.

Sur la régularité de l'expertise et du jugement :

2. L'expert désigné par le tribunal administratif est intervenu après la démolition de la dalle de la station et sa reconstruction par la société Masoni. Il a précisé, dans son rapport d'expertise, qu'il n'a pas " pu vérifier toutes les allégations du maître d'ouvrage, concernant les désordres, puisque le centre était opérationnel, les travaux de reprise des désordres ayant été effectués ". S'agissant de l'erreur d'implantation imputée à la société ISAP-GCSP, il a donc fondé son analyse sur les seuls éléments qui lui ont été fournis, et notamment sur les affirmations de M. A..., géomètre-expert qui avait procédé aux relevés topographiques. Contrairement à ce que soutient la société ISAP-GCSP, l'expert, qui devait répondre aux chefs de la mission qui lui avait été confiée, pouvait estimer, sans méconnaître le principe du contradictoire ou le devoir d'impartialité, que ces informations étaient fiables, alors même que les relevés topographiques réalisés par le géomètre-expert avaient été effectués hors la présence de la société ISAP-GCSP et que l'expert n'était plus à même de vérifier lui-même leur exactitude. Par ailleurs, si l'expert n'a pas, selon la société, tenu compte de ses demandes tendant à l'obtention du dossier complet du permis de construire et des pièces contractuelles de son marché, cette dernière n'indique pas en quoi ces pièces auraient été utiles à l'expertise. Par conséquent, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que l'expertise serait irrégulière.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la cuve et la dalle de répartition :

3. En premier lieu, la société ISAP-GCSP ne conteste pas sérieusement la réalité des malfaçons affectant l'ouvrage destiné à recevoir la cuve de carburant, et qui ont rendu nécessaire la démolition des maçonneries déjà réalisées et la reprise des travaux de terrassement, de maçonnerie et de coulage de la dalle de répartition de la cuve par l'entreprise Masoni, titulaire du lot n° 1. Si elle soutient que ses plans d'exécution et son " topo d'implantation " ont été validés par le maître d'ouvrage, elle n'établit aucune faute exonératoire de ce dernier. Si elle soutient que le maître d'œuvre, le bureau de contrôle et le géomètre-expert ont également validé ces plans, que le géomètre-expert n'a relevé les erreurs d'implantation qu'à l'occasion d'un second contrôle intervenu le 10 mars 2017, et que l'architecte a modifié son plan de masse au mois de septembre 2016, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont en tout état de cause pas de nature à l'exonérer, en tout ou partie, de sa propre responsabilité contractuelle.

4. En deuxième lieu, la seule mention, sur le procès-verbal de réunion de chantier n° 7 en date du 2 septembre 2016, " Cuve réceptionnée ce jour par MO et Architecte ", en l'absence de toute décision formelle du maître d'ouvrage de réceptionner les travaux du lot n° 7, ne peut être regardée comme une décision de réception mettant fin aux relations contractuelles entre le maître de l'ouvrage et l'entreprise.

5. En troisième lieu, une entreprise est tenue de réparer intégralement le préjudice résultant pour le pouvoir adjudicateur de la non-conformité des travaux qu'elle a réalisés à ses obligations contractuelles. La circonstance que l'erreur d'implantation de la cuve avait peu de conséquence sur le fonctionnement de la station de carburant, impliquant seulement un raccordement plus long, n'est pas de nature à exonérer la société ISAP-GCSP de cette obligation.

En ce qui concerne la dalle de la station de carburant :

6. En premier lieu, en se bornant à faire valoir que les conclusions du rapport d'expertise se fondent non sur des constatations faites par l'expert mais sur les constatations faites par le géomètre-expert hors sa présence, la société appelante ne conteste pas sérieusement avoir commis une erreur dans l'implantation et l'altimétrie de la dalle. Si elle critique les termes prudents que l'expert utilise pour conclure à l'impossibilité d'une reprise de la dalle, faisant ainsi l'économie d'une démolition et d'une reconstruction, elle n'apporte pas d'éléments permettant d'établir que l'ouvrage aurait pu être rendu conforme à ses obligations contractuelles à moindre coût.

7. En deuxième lieu, la société ISAP-GCSP n'établit pas que le maître d'ouvrage aurait réceptionné la dalle de la station sans réserve.

8. En troisième lieu, si la société ISAP-GCSP, qui a soumis au maître d'ouvrage un devis en vue de la réalisation des travaux de reprise destinés au rehaussement de la dalle réalisée, soutient que le maître d'ouvrage ne pouvait faire appel à une autre société pour procéder à la démolition et à la reconstruction de la dalle, elle n'assortit pas ce moyen des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la situation de travaux n° 2 et les travaux supplémentaires :

9. Dans le point 14 du jugement, les premiers juges ont estimé que la société n'avait pas droit au paiement de sa situation de travaux n° 2, d'un montant de 50 895,30 euros toutes taxes comprises, dès lors qu'elle portait sur la rémunération des prestations affectées de malfaçons. Ils ont estimé que la société avait seulement droit au paiement d'une somme de 8 490 euros toutes taxes comprises au titre de travaux de réajustement des massifs qui lui ont été demandés, et au titre de barrières et plots qui ne lui ont pas été restitués.

10. Si la société sollicite l'inclusion dans son décompte général de la somme de 7 920 euros toutes taxes comprises correspondant à des travaux supplémentaires, il ressort du point 14 du jugement attaqué que le tribunal administratif a déjà fait droit à cette demande, cette somme étant incluse dans la somme de 8 490 euros dont il a été fait état dans le point précédent.

11. Si, par ailleurs, la société sollicite le paiement de sa situation de travaux n° 2, elle ne critique pas les motifs du jugement, qui ont été rappelés au point 9 ci-dessus.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société ISAP-GCSP n'est pas, par les moyens qu'elle invoque, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait partiellement droit à la demande de condamnation présentée par la RDT 13 à son encontre.

Sur les frais liés au litige :

13. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme quelconque soit laissée à la charge de la RDT 13 qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société ISAP-GCSP la somme que la RDT 13 demande en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société ISAP-GCSP est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la RDT 13 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ISAP-GCSP et à l'établissement public Régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13).

Copie en sera transmise à M. C... B..., expert.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2022.

N° 20MA02717 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02717
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL ABEILLE et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-28;20ma02717 ?
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