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24/06/2022 | FRANCE | N°20MA01713

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 juin 2022, 20MA01713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, la SAS Jet Loc du Golfe ainsi que M. B... A... des Isles, son gérant, et lui a demandé de les condamner à la remise à l'état d'origine des lieux, à autoriser l'administration à faire exécuter d'office la remise en l'état des lieux aux frais des contrevenants dans le cas où ceux-ci n'y auraient pas procédé, de fixer une astreinte journalière de 1 000 euros en cas de non-

exécution de la remise à l'état d'origine des lieux et de condamner chacun au pai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, la SAS Jet Loc du Golfe ainsi que M. B... A... des Isles, son gérant, et lui a demandé de les condamner à la remise à l'état d'origine des lieux, à autoriser l'administration à faire exécuter d'office la remise en l'état des lieux aux frais des contrevenants dans le cas où ceux-ci n'y auraient pas procédé, de fixer une astreinte journalière de 1 000 euros en cas de non-exécution de la remise à l'état d'origine des lieux et de condamner chacun au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003.

Par un jugement n° 1901138 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Bastia a condamné la SAS Jet Loc du Golfe et M. A... des Isles, aux article 1er et 2, à payer une amende de 1 500 euros chacun, à l'article 3, à remettre les lieux en leur état initial, sous peine, passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à cette remise en état aux frais des contrevenants en cas d'inexécution dans ce même délai.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2020, la société Jet Loc du Golfe et M. A... des Isles, représentés par Me Albertini, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 30 janvier 2020 ;

2°) de rejeter le déféré de la préfète de la Corse-du-Sud présenté devant le tribunal administratif de Bastia ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la préfète ne démontre pas que l'agent verbalisateur soit assermenté devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio ni commissionné à l'effet de constater les infractions relevant du code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'agent verbalisateur n'a pas constaté personnellement que M. A... des Isles a fait réaliser certains travaux antérieurs à sa venue ;

- M. A... des Isles n'a jamais procédé à un terrassement de 465 m² ni à un enrochement le long du rivage sur une longueur de 30 m ;

- la limite du domaine public n'est pas matérialisée par l'agent verbalisateur ;

- il n'est pas démontré que le terre-plein de 465 m² appartienne au domaine public maritime ;

- l'infraction est prescrite en application de l'article 9 du code de procédure pénale ;

- M. A... des Isles n'est ni l'auteur de l'infraction, ni le gardien des ouvrages à l'origine de la contravention ;

- il ne peut être condamné à remettre les lieux dans leur état primitif ;

- s'il y a remise en état, la société Jet Loc du Golfe ne pourra être condamnée qu'à démontrer et supprimer les installations en bois mise en place sur 92 m².

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer concluent au rejet de la requête de la société Jet Loc du Golfe et de M. A... des Isles.

Elles font valoir que :

- les moyens dirigés contre les poursuites engagées pour les divers travaux non autorisés sur une superficie de 465 m² du domaine public maritime sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par la société Jet Loc du Golfe et M. A... des Isles ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'une visite de contrôle des activités nautiques et balnéaires sur le domaine public maritime, l'agent assermenté de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Corse-du-Sud a constaté que la société Jet Loc du Golfe et Monsieur A... des Isles, son gérant, occupaient, alors qu'ils ne bénéficiaient d'aucune autorisation domaniale, au droit du terre-plein situé avenue Georges Pompidou, à proximité de l'hôtel Shegara, sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio, une surface totale de 92 m². A la suite du procès-verbal dressé le 6 août 2019, la préfète de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, la société Jet Loc du Golfe ainsi que M. A... des Isles, son gérant, et lui a demandé de les condamner à la remise à l'état d'origine des lieux, à autoriser l'administration à faire exécuter d'office la remise en l'état des lieux aux frais des contrevenants dans le cas où ceux-ci n'y auraient pas procédé, de fixer une astreinte journalière de 1 000 euros en cas de non-exécution de la remise à l'état d'origine des lieux et de condamner chacun au paiement de l'amende prévue par le décret n° 2003-172 du 25 février 2003. La société Jet Loc du Golfe et M. A... des Isles relèvent appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia les a condamnés à payer une amende de 1 500 euros chacun, à remettre les lieux en leur état initial, sous peine, passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à cette remise en état aux frais des contrevenants en cas d'inexécution dans ce même délai.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité des poursuites :

2. Aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa version applicable à la date du constat établi le 3 juin 2019 : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance, les agents de police judiciaire et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie. ".

3. La ministre de la transition écologique produit la carte de commission / assermentation du contrôleur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Corse du Sud, laquelle mentionne qu'il a prêté serment auprès du tribunal de grande instance le 28 novembre 2017 et qu'il est commissionné à l'effet de permettre la constatation des infractions qui concernent les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques. Ce contrôleur était, par suite, compétent pour dresser le constat du 3 juin 2019 et établir le procès-verbal de contravention de grande voirie du 6 août 2019. Par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le contrôleur n'a pas pu constater personnellement que M. A... des Isles a réalisé les travaux de terrassement du terre-plein sur une surface de 465 m², la coupe et l'élagage des arbres et l'enrochement du terre-plein sur une longueur de 30 m le long du rivage et qu'il n'a jamais procédé à ce terrassement et à cet enrochement dès lors que ces travaux ne sont pas mentionnés par le constat dressé le 3 juin 2019.

4. Si le constat du 3 juin 2019 et le procès-verbal de contravention de grande voirie du 6 août 2019 ne font pas apparaître les limites du domaine public, l'absence de délimitation administrative du domaine public maritime ne fait pas obstacle à ce que le juge de la contravention de grande voirie détermine dans le cadre de son office les limites entre le domaine public maritime et les propriétés privées.

En ce qui concerne l'action publique :

5. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende ". Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : 1° (...) le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) 3° Les lais et relais de la mer : a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ".

7. Lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, le juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, enjoint au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et peut, s'il l'estime nécessaire, prononcer une astreinte en fixant lui-même, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, le point de départ de cette astreinte, sans être lié par la demande de l'administration.

8. Il résulte du constat d'occupation sans titre établi le 3 juin 2019 par le contrôleur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Corse du Sud dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire que la société Jet Loc du Golfe et M. A... des Isles occupaient sans titre le domaine public maritime sur une surface totale de 92 m², comprenant un local démontable d'une superficie de 9 m², une terrasse démontable d'une superficie de 70 m² et une zone de stockage sur sable d'une superficie de 13 m². Dans leurs propres écritures, les requérants reconnaissent eux-mêmes avoir implanté un local démontable de 9 m² et une terrasse démontable sur une emprise de 92 m² comme le constat d'occupation le démontre. Ces faits sont donc établis et reconnus par les contrevenants. En conséquence au regard du constat précité, ils ne peuvent utilement soutenir qu'il n'est nullement démontré que le terre-plein de 465 m² constitue le domaine public maritime au sens de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors qu'il s'agit d'un autre litige. De la même manière, ils ne peuvent utilement soutenir que l'action publique est prescrite en application de l'article 9 du code de procédure pénale selon lequel " L'action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise. " en se référant à une contravention de grande voirie dressée le 30 octobre 2019 et au constat de l'agent verbalisateur établi le 21 février 2019 qui concernent cette occupation de 465 m². Il en va de même du fait que M. A... des Isles ne serait pas l'auteur des ouvrages constitués par l'enrochement le long du rivage sur 30 mètres ni des travaux de terrassement d'une zone de 465 m² qui ne sont pas mentionnés dans le constat du 3 juin 2019 ni dans le procès-verbal du 6 août 2019. Par suite, la matérialité de l'infraction relevée par ce procès-verbal de contravention de grande voirie doit être regardée comme établie.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Jet Loc du Golfe et M. A... des Isles ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia les a condamnés à payer une amende de 1 500 euros chacun, à remettre les lieux en leur état initial, sous peine, passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, l'administration pouvant procéder d'office à cette remise en état aux frais des contrevenants en cas d'inexécution dans ce même délai.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Jet Loc du Golfe et M. A... des Isles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Jet Loc du Golfe et de M. A... des Isles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Jet Loc du Golfe, à M. B... A... des Isles et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pocheron, président de chambre,

M. Prieto, premier conseiller,

Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2022.

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N° 20MA01713

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01713
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ALBERTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-24;20ma01713 ?
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