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16/05/2022 | FRANCE | N°21MA04242

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 16 mai 2022, 21MA04242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision n° 437864 du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 17MA02160 de la cour administrative d'appel de Marseille du 22 novembre 2019 en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Paradis tendant à la réparation du préjudice résultant de sa condamnation à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros, et renvoyé l'affaire devant la cour dans cette mesure.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire récapi

tulatif et des mémoires, enregistrés les 21 janvier, 26 février, 3 mars et 5 avril 2022, Me Fu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision n° 437864 du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 17MA02160 de la cour administrative d'appel de Marseille du 22 novembre 2019 en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Paradis tendant à la réparation du préjudice résultant de sa condamnation à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros, et renvoyé l'affaire devant la cour dans cette mesure.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire récapitulatif et des mémoires, enregistrés les 21 janvier, 26 février, 3 mars et 5 avril 2022, Me Funel, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Paradis, représenté par Me Paloux, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de condamner la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var à lui verser la somme de 1 399 023 euros, assortie des intérêts à compter du 26 février 2013 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société Yacht Club International de Saint-Laurent du Var la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a retenu à tort que sa demande n'avait pas été précédée d'une décision administrative liant le contentieux ;

- la responsabilité de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var est engagée du fait de plusieurs fautes contractuelles ;

- elle est également engagée sur le fondement du fait du prince ;

- la responsabilité extracontractuelle de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var est engagée dans l'hypothèse où le contrat serait nul ;

- elle n'a pas commis de faute exonératoire de responsabilité ;

- en tout état de cause, la responsabilité de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var ne saurait être réduite de moitié ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation du préjudice résultant de sa condamnation au profit de la société Le Moorea à hauteur de 1 399 023 euros ;

- elle a en outre été contrainte de céder ses actions de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var à la société Le Moorea ;

- sa créance constitue un bien protégé par l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire récapitulatif et un mémoire en défense, enregistrés le 1er décembre 2021 et le 20 mars 2022, la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, représenté par Me Astruc, demande à la cour :

1°) de rejeter le surplus des conclusions de Me Funel ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a pas de lien de causalité entre ses fautes et le préjudice de la société Le Moorea ;

- le préjudice invoqué n'est pas établi.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du jugement du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Nice comme dépourvues d'objet dès leur origine, et de l'irrecevabilité des moyens tendant à remettre en cause l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 22 novembre 2019 en tant que celui-ci est devenu définitif.

Des mémoires ont été enregistrés en réponse à cette mesure d'information le 5 avril 2022 pour Me Funel et le 7 avril 2022 pour la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Paloux, représentant Me Funel, et de Me Astruc, représentant la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté préfectoral du 17 avril 1975, l'Etat a concédé l'exploitation du port de plaisance de Saint-Laurent-du-Var a à cette commune. Par une convention du 28 novembre 1975, la commune a sous-concédé l'exploitation du port à la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, dont les statuts prévoyaient que ses actions donnaient droit à leurs détenteurs à l'usage du port et à la jouissance à titre privatif d'un local à usage commercial. Le 25 mai 1977, la société Paradis, qui avait acquis des actions lui conférant un droit de jouissance sur les cellules nos 50 à 55, a donné à bail commercial ces six cellules à la société Serb, devenue la société Le Makai, laquelle a cédé le 10 avril 1981 son fonds de commerce, avec le droit au bail, à la société Le Moorea qui, le même jour, a conclu avec la société Paradis un avenant au bail commercial d'origine, renouvelé par des actes des 20 juin 1986 et 10 octobre 1996.

2. Par un jugement du 4 avril 2006 du tribunal de grande instance de Grasse, confirmé par un arrêt du 26 février 2009 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, les juridictions judiciaires ont annulé le bail commercial liant la société Paradis à la société Le Moorea. Par un arrêt du 16 septembre 2011, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a en outre condamné la société Paradis à verser la somme de 1 288 649 euros à la société Le Moorea, correspondant à la différence entre la valeur de son fonds de commerce et le prix auquel ses parts sociales pourraient être cédées.

3. Par un arrêt n° 17MA02160 du 22 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille après avoir annulé le jugement du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Nice, a jugé que la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var avait commis une faute quasi-délictuelle en laissant croire à la société Paradis qu'elle bénéficiait d'un droit de jouissance sur ces cellules commerciales, ainsi que de la possibilité de désigner une personne de son choix pour bénéficier de ce droit. Elle a également jugé que la société Paradis avait commis une faute de nature à exonérer la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var de la moitié de sa responsabilité en concluant un bail commercial avec la société Le Moorea sans en avoir informé au préalable la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, contrairement aux dispositions de l'article 2.5 du règlement intérieur du contrat de sous-traité passé entre la commune de Saint-Laurent-du-Var et la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var. Elle a écarté les autres fondements de responsabilité soulevés par Me Funel, ainsi que les préjudices invoqués par ce dernier.

4. Par une première décision n° 437864 du 9 novembre 2020, le Conseil d'Etat a admis les conclusions du pourvoi de Me Funel relatives à la réparation du préjudice résultant pour la société Paradis de sa condamnation à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros pour lui avoir consenti un bail commercial, et n'a pas admis le surplus des conclusions du pourvoi. Par une seconde décision n° 437864 du 22 octobre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 17MA02160 du 22 novembre 2019 en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Paradis tendant à la réparation du préjudice résultant de sa condamnation à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros, et renvoyé l'affaire devant la cour dans cette mesure.

Sur l'étendue du litige après la décision de renvoi du Conseil d'Etat :

5. L'arrêt du 22 novembre 2019 cité au point 3 est devenu définitif du fait de la non-admission partielle du pourvoi de Me Funel par la décision du 9 novembre 2020 citée au point 4, sauf en ce qui concerne la réparation du préjudice résultant de la condamnation au profit de la société Le Moorea. Il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice, réitérées par Me Funel après le renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, sont dépourvues d'objet et donc irrecevables. En outre, les moyens de Me Funel tendant à remettre en cause l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cet arrêt sont irrecevables en tant qu'ils sont dirigés contre la partie de l'arrêt devenue définitive.

Sur le préjudice résultant de la condamnation au profit de la société Le Moorea :

6. La faute commise par la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var a conduit la société Paradis à conclure à tort un bail commercial avec la société Le Moorea, qui, de ce fait, a obtenu la condamnation de la société Paradis à lui verser la somme de 1 288 649 euros, correspondant à la valeur du fonds de commerce qu'elle aurait constitué si les cellules commerciales louées n'avaient pas appartenu au domaine public.

7. Cependant, les mêmes circonstances ont également conduit la société Paradis à percevoir de la société Le Moorea un loyer correspondant à celui d'un bail commercial, et non à un contrat de sous-occupation du domaine public. La société Paradis a ainsi réalisé un gain égal à la différence entre les loyers correspondants pour l'ensemble de la période d'occupation des lieux sous couvert d'un bail commercial par les sociétés Serb, Le Makai et Le Moorea. Cette différence résulte de la protection offerte au preneur par le régime des baux commerciaux par rapport au caractère précaire des autorisations d'occupation du domaine public, et, en particulier, de la possibilité de constituer un fonds de commerce, susceptible d'être cédé à un tiers ou d'être pris en compte par le versement d'une indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement du bail, sur le fondement de l'article L. 145-14 du code de commerce.

8. Si les pièces du dossier ne permettent pas d'évaluer ce gain avec précision, elles sont toutefois suffisantes, compte tenu de la durée de l'occupation irrégulière des lieux sous couvert d'un bail commercial, de la valeur du fonds de commerce de la société Le Moorea tel qu'évalué dans le cadre des procédures judiciaires rappelées au point 2, et de l'actualisation des sommes mentionnées au point 7 à la date de la condamnation judiciaire mentionnée au point 2, pour retenir que ce gain est quoi qu'il en soit supérieur au montant du préjudice invoqué par Me Funel. Il suit de là que Me Funel n'est pas fondé à demander la condamnation de la société Yacht Club International de Saint-Laurent à verser une indemnité correspondant au préjudice résultant de la condamnation de la société Paradis à verser une indemnité à la société Le Moorea.

9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la société Paradis n'est pas titulaire d'une créance sur la société Yacht Club International de Saint-Laurent. Par suite, Me Funel ne peut utilement faire valoir que la prétendue créance de la société Paradis constituerait un bien protégé par l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En conséquence, les conclusions de Me Funel relatives au préjudice résultant de la condamnation au profit de la société Le Moorea doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de Me Funel, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Paradis, le versement de la somme de 2 000 euros à la société Yacht Club International de Saint-Laurent du Var au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

12. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Me Funel sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions de Me Funel restant en litige sont rejetées.

Article 2 : Me Funel, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Paradis, versera la somme de 2 000 euros à la société Yacht Club International de Saint-Laurent du Var.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Funel, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Paradis, et à la société Yacht Club International de Saint-Laurent du Var.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2022.

2

No 21MA04242


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine.

Étrangers - Expulsion.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice - Préjudice matériel.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 16/05/2022
Date de l'import : 24/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21MA04242
Numéro NOR : CETATEXT000045809404 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-16;21ma04242 ?
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