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28/03/2022 | FRANCE | N°21MA04132

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 28 mars 2022, 21MA04132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 18 mai 2021 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°2102610 du 21 mai 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 18 mai 2021 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n°2102610 du 21 mai 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mai 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 18 mai 2021 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui restituer son passeport ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Mazas au titre des articles 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, faute d'avoir répondu complètement à son moyen tiré de la déloyauté de la procédure préalable à l'arrêté litigieux, en l'absence de transmission du dossier permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- l'arrêté par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est insuffisamment motivé ;

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre a été prise à la suite d'un détournement de procédure et d'une procédure déloyale ; il a été convoqué pour audition sur sa situation administrative à la seule fin de prendre cette obligation de quitter le territoire français alors qu'il était assigné à résidence sur le fondement d'une décision elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; il vit en France depuis 2014 et est depuis 1 an et demi en concubinage avec une ressortissante française ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 à L. 612-3-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français porte atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale et méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence a été prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français sans délai illégale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par une décision du 3 septembre 2021, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée pour caducité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1984 et de nationalité ivoirienne, déclare être entré sur le territoire français en septembre 2014. Par un arrêté du 18 mai 2021, le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du 18 mai 2021, le préfet de l'Hérault l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. M. A... relève appel du jugement du 21 mai 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 3 septembre 2021, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... le 21 juin 2021 a été rejetée pour caducité. En application de l'article 46 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, cette décision n'est pas susceptible de recours. Par suite, la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. A... dans sa requête du 15 octobre 2021 ne peut qu'être rejetée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. A l'appui de sa demande, M. A... soutenait notamment que l'obligation de quitter le territoire avait été prise à l'issue d'une procédure déloyale, en faisant valoir que les dispositions des articles L. 812-1 et L. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne permettaient pas de lui adresser une convocation " afin de vérifier sa situation administrative " puis de le placer en retenue. Le tribunal, après avoir indiqué au point 5 du jugement attaqué que les vérifications relatives à la situation administrative de M. A... ont eu lieu à l'occasion d'un pointage réalisé dans le cadre de l'assignation à résidence décidée par un arrêté du 15 janvier 2021, a écarté le moyen tiré du détournement de procédure comme inopérant. Il a ce faisant suffisamment motivé la réponse à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an

S'agissant des moyens communs aux différentes décisions :

4. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et énonce les considérations de fait qui en constituent le fondement, en particulier le caractère irrégulier de l'entrée et du séjour en France de l'intéressé, dont la demande d'asile a été rejetée et qui a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement qui n'ont pas été exécutées. Il ressort des termes même de cet arrêté que le préfet a pris en compte les éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale dont a fait état M. A..., en particulier la vie commune avec sa compagne dont il s'est prévalu. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

5. Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Tout étranger doit être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels il est autorisé à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition d'un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et, sur l'ordre et sous la responsabilité de celui-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés à l'article 20 et au 1° de l'article 21 du code de procédure pénale, dans les conditions prévues à la présente section ". Aux termes de l'article L. 812-2 : " Les contrôles des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents prévus à l'article L. 812-1 peuvent être effectués dans les situations suivantes : 1° En dehors de tout contrôle d'identité, si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger ; ces contrôles ne peuvent être pratiqués que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peuvent consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans ce lieu ; / 2° A la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1 à 78-2-2 du code de procédure pénale, selon les modalités prévues à ces articles, si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger ; (...) ". Aux termes de l'article L. 813-1 de ce code : " Si, à l'occasion d'un contrôle mentionné à l'article L. 812-2, il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cadre, l'étranger peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale ".

6. Les mesures de contrôle et de retenue que prévoient ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République. Elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire. Dès lors, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière. Ainsi, les conditions dans lesquelles M. A... aurait été contrôlé et auditionné en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Par suite, les moyens tirés d'éventuelles irrégularités entachant la mise en œuvre de ces mesures ne peuvent qu'être écartés.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... soutient qu'entré en France irrégulièrement en 2014, il s'y est maintenu continument depuis lors et y a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux auprès de sa compagne de nationalité française avec laquelle il vit depuis deux ans. Toutefois, l'intéressé n'établit pas, par les rares pièces qu'il produit, le caractère habituel de son séjour en France, en particulier durant les années 2018 et 2019 au cours desquelles il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement par des arrêtés du 22 février 2018 et du 6 août 2019. Il n'établit pas non plus l'ancienneté de la communauté de vie avec sa compagne dont il se prévaut, en se bornant à produire pour en justifier une attestation de sa compagne qui fait état de son " hébergement " ainsi qu'une attestation, rédigée postérieurement à la décision contestée, de la fille de cette dernière. Enfin, il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Les moyens invoqués tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent, dès lors, être écartés.

S'agissant de la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. Par des motifs appropriés, figurant au point 9 du jugement attaqué, qui ne sont pas sérieusement contestés et qu'il convient d'adopter en appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 à L. 612-3-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur d'appréciation soulevés à l'encontre de la décision refusant un délai de départ volontaire.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 8, M. A... n'établit ni la durée de séjour sur le territoire français dont il se prévaut ni la réalité de la vie commune avec sa compagne de nationalité française antérieurement à l'arrêté contesté. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que celui-ci porte atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale et méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence

11. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités que le requérant lui impute. M. A... n'est donc pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté l'assignant à résidence.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 18 mai 2021 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

13. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2022.

2

No 21MA04132


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 28/03/2022
Date de l'import : 05/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21MA04132
Numéro NOR : CETATEXT000045440944 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-28;21ma04132 ?
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