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01/02/2022 | FRANCE | N°20MA03364

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 01 février 2022, 20MA03364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler son compte rendu d'entretien professionnel établi le 4 décembre 2018, au titre de l'année 2017.

Par une ordonnance n° 1901581 du 1er juillet 2020, la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, M. A..., représenté par Mes Garcia et Dessinges, demande à la Cour :

1°) d'annul

er cette ordonnance du 1er juillet 2020 ;

2°) d'annuler son compte rendu d'entretien professionnel ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler son compte rendu d'entretien professionnel établi le 4 décembre 2018, au titre de l'année 2017.

Par une ordonnance n° 1901581 du 1er juillet 2020, la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020, M. A..., représenté par Mes Garcia et Dessinges, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 1er juillet 2020 ;

2°) d'annuler son compte rendu d'entretien professionnel du 4 décembre 2018 au titre de l'année 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré le compte rendu en litige comme un

acte préparatoire, dès lors qu'il était bien conduit et signé par son supérieur hiérarchique

direct, conformément aux prévisions de l'arrêté du 28 janvier 2013 relatif aux

modalités d'organisation de l'évaluation des agents de l'Etat affectés dans les directions départementales interministérielles, nonobstant le défaut d'observations de cette autorité ;

- il ne pouvait s'agir d'une irrecevabilité manifeste et cette question justifie un examen par une formation collégiale de la Cour ;

- en ne respectant pas le délai posé par l'article 4 de cet arrêté, le compte-rendu est entaché d'un vice de procédure et d'une erreur de droit ;

- la notification tardive de cet acte l'entache d'un autre vice de procédure ;

- le compte rendu d'entretien est entaché d'une erreur de fait, l'intéressé ayant transmis au moins l'un des comptes rendus de cadres et mis les autres à la disposition de sa hiérarchie ;

- son administration a commis de nombreuses erreurs manifestes d'appréciation, en ce qui concerne l'évaluation de la feuille de route établie pour le nouveau chef de pôle planification, en ce qui concerne l'évaluation de sa contribution au " mieux vivre ensemble " et de ses obligations relatives aux astreintes, toutes deux également affectées d'erreurs de fait, en ce qui concerne l'évaluation de sa contribution aux réflexions stratégiques préparatoires, quant à l'évaluation des entretiens professionnels qu'il a lui-même menés, et pour ce qui est, enfin, de l'utilisation du réseau, du pilotage et de l'organisation du pôle ADS, de l'intérim du pôle planification, du dialogue et de la répartition de travail, de la gestion des tableaux de suivi et de l'appréciation des objectifs assignés ;

- en lui assignant pour 2018 des objectifs le 26 décembre 2018, l'auteur du compte rendu a commis une erreur de droit ;

- l'erreur manifeste d'appréciation entachant son évaluation trouve son origine dans l'erreur de droit commise en ne prenant pas en compte les conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il est responsable, en méconnaissance du décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

La clôture de l'instruction a été fixée au 29 décembre 2021, à 12 heures, par ordonnance du 14 décembre 2021.

Par une lettre du 12 janvier 2022, la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que sa décision était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que, faute de visa de

l'autorité hiérarchique sur le compte rendu d'entretien en litige, en méconnaissance de

l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat, cette mesure est entachée d'incompétence de son auteur.

Par des mémoires, enregistrés les 14 et 17 janvier 2022, M. A... déclare faire sien le moyen relevé d'office pour conclure à l'annulation de l'ordonnance attaquée et du compte rendu d'évaluation litigieux, prendre acte de ce que son compte rendu n'a pas été visé, opposer les effets de la clôture de l'instruction aux moyens en défense de la ministre opposés pour la première fois en réponse au moyen relevé d'office, et indiquer qu'il a bien soulevé l'erreur de droit et qu'en tout état de cause il soulève présentement ce moyen.

Par un mémoire, enregistré le 17 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête d'appel, en affirmant que le moyen relevé d'office n'est pas fondé, le défaut de signature ne montrant que l'inachèvement du processus d'évaluation, et à titre subsidiaire, qu'un tel défaut de visa, constitutif d'une erreur de droit, n'est pas soulevé en tant que tel par le requérant et ne constitue pas un moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- l'arrêté du 28 janvier 2013 relatif aux modalités d'organisation de l'évaluation des agents de l'Etat affectés dans les directions départementales interministérielles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., attaché d'administration de l'Etat, chef du service urbanisme et connaissance des territoires de la direction départementale des territoires et de la mer des

Alpes-de-Haute-Provence, relève appel de l'ordonnance du 1er juillet 2020 par laquelle la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation du compte rendu d'entretien professionnel tenu le 4 décembre 2018 par son supérieur hiérarchique direct.

2. L'article 17 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction en vigueur à la date de la mesure en litige, dispose que " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. ". Mais, aux termes de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984, " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. ".

3. Aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat :

" Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu./Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct.

/La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance. ". L'article 4 du même décret ajoute que :

"Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. /Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. /Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. /Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier ". Selon l'article 6 du même décret : " L'autorité hiérarchique peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. /

Ce recours hiérarchique est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l'agent du compte rendu de l'entretien ". L'article 1er de l'arrêté du 28 janvier 2013 relatif aux modalités d'organisation de l'évaluation des agents de l'Etat affectés dans les directions départementales interministérielles dispose pour sa part que : " Sauf dispositions dérogatoires prévues par leurs statuts particuliers, ils bénéficient chaque année d'un entretien professionnel conduit par leur supérieur hiérarchique direct et donnant lieu à compte rendu. ".

4. Il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées que, sauf dispositions statutaires contraires, le fonctionnaire de l'Etat a droit chaque année à un entretien professionnel, conduit par son supérieur hiérarchique direct qui signe le compte rendu de cet entretien, lequel comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de l'agent sur laquelle l'autorité hiérarchique, par son visa et ses éventuelles observations, exerce son contrôle.

5. Il ressort des pièces du dossier que le 4 décembre 2018, M. A... a bénéficié d'un entretien professionnel conduit par le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-de-Haute-Provence, son supérieur hiérarchique direct, qui en a signé le compte rendu le

21 décembre 2018. S'il ne résulte ni des mentions portées sur ce compte rendu, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, autorité hiérarchique de M. A..., aurait visé ce document ou aurait manifesté, d'une autre manière, l'intention de s'en approprier le contenu en y apposant son visa afin de porter lui-même son appréciation sur la valeur professionnelle de l'agent, et si, en première instance, le préfet indiquait qu'à la date d'introduction de la demande contentieuse, il n'avait pas encore visé ce compte rendu, il n'est pas contesté que depuis lors, ce compte rendu ne l'a pas été. M. A... fait du reste valoir, sans être davantage contredit, que depuis son affectation à la direction départementale des territoires et de la mer le 1er mai 2015, aucun de ses comptes rendus d'entretiens professionnels n'a été visé de son autorité hiérarchique. Dans ces conditions, le compte rendu d'entretien professionnel en litige étant la seule mesure portant appréciation sur la valeur professionnelle de M. A... au titre de l'année 2017 à lui avoir été notifiée, le 26 décembre 2018, et s'analysant donc comme une décision administrative susceptible de recours, ainsi que l'acte l'indique lui-même par la mention des voies et délais de recours, l'intéressé est recevable à en demander l'annulation, nonobstant le défaut de visa de l'autorité hiérarchique. C'est donc à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande comme dirigée contre une simple mesure préparatoire. Il y a ainsi lieu de l'annuler et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. A....

6. En application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de

M. A..., une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°1901581 du tribunal administratif de Marseille en date du

1er juillet 2020 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.

N° 20MA033642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03364
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-06-01 Fonctionnaires et agents publics. - Notation et avancement. - Notation.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP TOMASI GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-01;20ma03364 ?
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