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24/01/2022 | FRANCE | N°20MA03352

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 24 janvier 2022, 20MA03352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société FPV Lucciana a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale solaire photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieu-dit " Chioso di Pineto ", sur le territoire de la commune de Lucciana, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 23 juillet 2018 contre cet arrêté, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer le permis

de construire sollicité ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société FPV Lucciana a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale solaire photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieu-dit " Chioso di Pineto ", sur le territoire de la commune de Lucciana, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 23 juillet 2018 contre cet arrêté, d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1801236 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre 2020 et le 19 avril 2021, la société FPV Lucciana, représentée Me Guiheux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé de lui délivrer un permis de construire une centrale solaire photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieu-dit " Chioso di Pineto ", sur le territoire de la commune de Lucciana, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 23 juillet 2018 contre cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse de lui délivrer le permis de construire sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a irrégulièrement procédé à une substitution de motifs alors que les conditions d'une telle opération n'étaient pas réunies ;

- les motifs retenus par le tribunal pour justifier de la légalité du refus sont erronés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société FPV Lucciana ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Guiheux, représentant la société FPV Lucciana.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 29 mai 2018, le préfet de la Haute-Corse a refusé de délivrer à la société FPV Lucciana un permis de construire une centrale solaire photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieu-dit " Chioso di Pineto ", sur le territoire de la commune de Lucciana.

La société FPV Lucciana relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal a estimé que le préfet de Haute-Corse avait fait valoir en défense devant lui que le refus de permis de construire était légalement justifié par le motif, autre que celui qu'il avait opposé à la société FPV Lucciana, de la méconnaissance de l'article 1.2 du règlement du plan de prévention des risques technologiques applicables aux constructions dans la zone rouge. Le tribunal ne s'est pas mépris sur la portée des écritures du préfet, et la seule communication des écritures du préfet a mis à même la société de présenter ses observations sur la substitution de cet autre motif aux motifs initiaux, quand bien même le préfet avait seulement fait référence aux " structures en verre " et non aux " grandes surfaces vitrées ou ... façades exposées ", et alors même que le préfet n'avait pas expressément présenté une demande de substitution de motifs (CE, 19 mai 2021, n° 435109, B, Commune de Rémire-Montjoly).

4. Il résulte de ce qui précède que le tribunal n'a commis aucune irrégularité.

Sur le fond :

5. Aux termes de l'article 1.2 du règlement du PPRT, applicable aux constructions situées dans la zone rouge : " sont interdits : le mobilier urbain vitré ; les structures en verre (serres, châssis...) ; les grandes surfaces vitrées de ou des façades exposées (vérandas, verrières...) ". Il ressort des pièces du dossier que la surface supérieure des panneaux photovoltaïques est composée de plaques de verre de sorte que le projet litigieux méconnaît les règles de construction ci-dessus définies, qui interdisent la création de structures en verre et de grandes surfaces vitrées, et pas seulement le mobilier dont la structure est essentiellement en verre. L'économie générale de ces dispositions ne conduit pas davantage à exclure les installations qui n'auraient pas la nature de bâtiments.

6. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique font obstacle à la délivrance d'un permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Le risque pour la sécurité publique au sens des dispositions précitées concerne aussi bien ceux auxquels les occupants de la construction ou les tiers peuvent être exposés que ceux que peut subir la construction elle-même.

7. S'agissant des risques technologiques, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est situé à proximité immédiate de l'établissement Butagaz, source du risque, au sein de la zone rouge du PPRT caractérisée par l'exposition de la vie humaine à des effets létaux compte tenu des aléas thermiques de niveau fort à très fort et de surpression de niveau faible à très fort. Compte tenu de la structure en verre composant les nombreux panneaux photovoltaïques de la centrale solaire, matériau de construction au demeurant interdit dans la zone rouge, et du risque pour la sécurité des biens et des personnes qu'est susceptible d'induire la fragmentation et la dispersion du verre en cas de surpression, et comme l'a jugé le tribunal qui n'a pas méconnu son office et a suffisamment caractérisé les risques encourus, le préfet a légalement pu refuser le permis en raison de l'atteinte que le projet est susceptible de porter à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

8. Il résulte de ce qui précède que la société FPV Lucciana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

9. L'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante au litige, les conclusions de la société FPV Lucciana fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société FPV Lucciana est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société FPV Lucciana et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.

2

N° 20MA03352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03352
Date de la décision : 24/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : VOLTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-24;20ma03352 ?
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