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28/12/2021 | FRANCE | N°20MA01768

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 28 décembre 2021, 20MA01768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901560 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enre

gistrée le 6 mai 2020, Mme C..., représentée par Me Almairac, demande à la Cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901560 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, Mme C..., représentée par Me Almairac, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 14 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de résident dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de renouveler la carte de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 31 octobre 2018 est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre l'arrêté contesté ;

- cet arrêté est également entaché d'un vice de procédure, en raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- plusieurs motifs de l'arrêté sont entachés d'une erreur de fait ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du a du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 24 août 2021, la présidente de la Cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante tunisienne née le 18 juillet 1991, a sollicité le 28 novembre 2016 le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Elle relève appel du jugement du 14 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2018 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".

3. L'arrêté du 31 octobre 2018 mentionne les articles 3 et 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que, notamment, le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise la nationalité de Mme C..., fait état de son mariage le 29 juillet 2011 en Tunisie avec un ressortissant de nationalité française, M. D..., et indique que la vie commune avec son conjoint français est rompue. Par suite, nonobstant la circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas repris, dans une partie de sa motivation, le nom de M. D... mais a cité un nom inexact, l'arrêté du 31 octobre 2018 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation rappelée au point 3, que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à un examen particulier de la situation de Mme C... avant de prendre l'arrêté contesté.

5. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du a du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nice aux points 4 et 5 de son jugement.

6. En quatrième lieu, le moyen relatif aux erreurs de fait dont serait entachée la motivation de l'arrêté contesté doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nice au point 6 de son jugement.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Mme C... s'est mariée en Tunisie avec un ressortissant français le 29 juillet 2011 et s'est rendue en France le 22 novembre 2012. Cependant, M. D... indique, ainsi qu'il ressort du rapport du 27 septembre 2017 de l'enquête de communauté de vie, que son épouse n'est alors restée en France qu'une durée de six mois et les pièces produites par Mme C... ne permettent pas d'établir le caractère habituel de son séjour en France avant sa dernière entrée, le 26 mars 2016, soit deux ans et sept mois avant la date de l'arrêté contesté. En outre, la communauté de vie du couple, qui n'a pas eu d'enfant, est rompue et Mme C..., qui ne fait pas état de la situation de ses parents et ne produit aucun élément permettant de connaître l'étendue de sa fratrie, n'établit pas qu'elle n'aurait plus de famille en Tunisie. Elle n'établit pas davantage que Mme B... C..., à supposer que celle-ci soit sa sœur, séjournerait de manière régulière en France. La circonstance que Mme C... exerce un emploi de vendeuse dans une boulangerie depuis l'année 2018 ne suffit pas à lui ouvrir droit au séjour, eu égard notamment à la brièveté de la résidence habituelle en France et à l'absence de précision sur la situation de ses parents et des membres de sa fratrie. Par suite, alors même que d'autres membres de sa famille telles des tantes ou des cousines seraient français et résideraient en France, l'arrêté contesté du préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent donc être écartés. Pour les mêmes motifs, Mme C... n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En dernier lieu, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché l'arrêté contesté en raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nice aux points 10 et 11 du jugement attaqué.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Le présent arrêt n'implique donc aucune mesure d'exécution et les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être ainsi rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser au conseil de Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me Aline Almairac.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.

N° 20MA01768 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01768
Date de la décision : 28/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Droit au respect de la vie privée et familiale.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-28;20ma01768 ?
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