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28/12/2021 | FRANCE | N°18MA02180

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 28 décembre 2021, 18MA02180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Valoris a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 1er avril 2016 par laquelle le maire de Garons a refusé de faire droit à sa demande de raccordement au réseau d'électricité.

Par un jugement n° 1601772 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, la société Valoris, représentée par Me Audouin, demande à la Co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 mars 2018 ;

2°) d'annuler la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Valoris a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 1er avril 2016 par laquelle le maire de Garons a refusé de faire droit à sa demande de raccordement au réseau d'électricité.

Par un jugement n° 1601772 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, la société Valoris, représentée par Me Audouin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 1er avril 2016 par laquelle le maire de Garons a refusé de faire droit à sa demande de raccordement au réseau d'électricité ;

3°) d'enjoindre au maire de Garons d'autoriser ce branchement au réseau d'électricité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Garons la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Nîmes a omis de se prononcer sur le moyen relatif à l'erreur de droit commise par le maire de Garons, l'article 2 AUE 2 du règlement du plan local d'urbanisme n'ayant pas vocation à s'appliquer dès lors que l'installation classée qu'elle exploite n'est pas une " construction nouvelle " ;

- le tribunal administratif a procédé à des substitutions de motifs, sans demande préalable de l'administration ;

- la décision du maire de Garons est insuffisamment motivée, notamment en droit ;

- aucune disposition législative ou réglementaire ne permet de subordonner le raccordement au réseau d'électricité à la réalisation d'une opération d'ensemble ;

- l'installation classée qu'elle exploite ne comporte aucun bâtiment et le branchement au réseau d'électricité est uniquement destiné au fonctionnement d'une bascule, qui n'est pas une construction au sens du code de l'urbanisme ;

- l'article 2 AUE 2 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas applicable dès lors que l'installation classée qu'elle exploite n'est pas une " construction nouvelle " au sens des dispositions de cet article.

Par un mémoire distinct, enregistré le 28 décembre 2018, la société Valoris, représentée par Me Audouin, a demandé à la Cour, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Par une ordonnance du 8 avril 2019, la présidente de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, la commune de Garons, représentée par Me Gras, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Valoris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Valoris ne sont pas fondés ;

- la décision contestée pouvait également être prise sur le fondement de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme ;

- la décision contestée pouvait également être prise sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales relatif à la police municipale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 24 août 2021, la présidente de la Cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Audouin, représentant la société Valoris, et de Me Germe, représentant la commune de Garons.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 1er avril 2016, le maire de Garons a rejeté la demande de la société Valoris tendant au raccordement au réseau d'électricité de l'installation classée pour la protection de l'environnement qu'elle exploite sur le territoire de cette commune, lieu-dit Fangaronne, dans le secteur classé 2AUEa au règlement du plan local d'urbanisme. La société Valoris relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 1er avril 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le tribunal administratif de Nîmes a indiqué, dans les visas du jugement, que la société Valoris soutenait que le règlement du plan local d'urbanisme ne lui était pas opposable dès lors que, dans le secteur 2AUEa, seules les " nouvelles constructions " doivent être réalisées dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble. Il a ensuite, aux points 3 à 5, justifié l'obligation pour la société Valoris d'avoir recours à une opération d'aménagement d'ensemble en indiquant qu'au 1er décembre 2010, lors de la première déclaration de l'installation classée pour la protection de l'environnement, les dispositions alors applicables des articles IV NA 1 et IV NA 2 du plan d'occupation des sols comportaient déjà une telle obligation et que les dispositions de l'article 2AUE 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicables à la date de la décision du 1er avril 2016 l'ont maintenue. Ainsi, le tribunal administratif de Nîmes a répondu de manière suffisante au moyen selon lequel l'installation classée que la société Valoris exploite ne serait pas une " nouvelle construction " au sens de l'article 2AUE 2.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient la société Valoris, la commune de Garons a demandé au tribunal administratif de Nîmes, dans son mémoire enregistré le 19 juin 2017, d'ajouter ou de substituer deux fondements complémentaires à sa décision du 1er avril 2016, notamment celui relatif aux dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, à présent codifié à l'article L. 111-12 du même code. Ainsi, la société Valoris, qui a d'ailleurs dans son mémoire en réplique enregistré le 6 juillet 2017 répondu à cette demande de substitution, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait procédé d'office à une substitution de motifs.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, la décision du 1er avril 2016, qui précise que le plan local d'urbanisme de la commune n'autorise l'implantation d'une installation classée pour la protection de l'environnement qu'à la condition qu'elle procède de la réalisation préalable d'une opération d'ensemble et qu'aucun raccordement ne peut être autorisé en dehors d'une telle opération, a entendu se référer à l'article 2AUE 2 de la zone dans laquelle est située l'installation exploitée par la société Valoris. Il a ainsi permis à la requérante de connaître les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le maire de Garons pour refuser le raccordement électrique sollicité. Ainsi, alors même que les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme ne sont pas visées, cette décision satisfait donc à l'obligation de motivation prescrite par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En deuxième lieu, la société Valoris soutient qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne permet de subordonner le raccordement au réseau d'électricité à la réalisation d'une opération d'ensemble.

6. Aux termes de l'article 2AUE 2 du plan local d'urbanisme de la commune de Garons approuvé le 19 juin 2012 : " Les occupations et utilisations du sol suivantes sont admises sous conditions : (...) Dans le secteur 2AUEa : les nouvelles constructions et les aménagements doivent respecter les " Orientations d'Aménagement " (Cf. pièce n° 3 du PLU) et être réalisés dans le cadre d'une seule et même opération d'aménagement d'ensemble (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que l'installation classée pour la protection de l'environnement exploitée par la société Valoris était présente sur le site avant l'approbation du plan local d'urbanisme le 19 juin 2012. Elle ne constitue donc pas, en tout état de cause, une construction nouvelle au sens des dispositions précitées. Le maire de Garons ne pouvait pas dès lors, et en tout état cause, refuser le raccordement à l'électricité sur le fondement de ces dispositions de l'article 2AUE 2 précité.

8. La commune de Garons estime toutefois que la décision en litige est fondée en application des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme.

9. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

10. D'une part, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'urbanisme. : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ". Il résulte de ces dispositions que le maire peut s'opposer, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, et alors même que l'infraction pénale constituée par la construction sans autorisation serait prescrite, à un raccordement définitif aux réseaux publics des bâtiments, locaux ou installations dont la construction ou la transformation n'a pas été régulièrement autorisée ou agréée selon la législation en vigueur à la date de leur édification ou de leur transformation, ni régularisée depuis lors. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société Valoris, l'installation classée pour la protection de l'environnement en litige, qui traite des déchets inertes issus du bâtiment et des travaux publics, comporte des bâtiments mobiles permanents pour lesquels il est constant qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune autorisation d'urbanisme. Cette installation est donc soumise aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 du code de l'urbanisme. L'allégation selon laquelle le branchement au réseau électrique ne serait destiné qu'au fonctionnement d'un " pont-bascule " n'est pas établie. Par suite, la société Valoris n'est pas fondée à soutenir que l'installation qu'elle exploite ne comportant aucune installation soumise aux dispositions du code de l'urbanisme, le maire de Garons ne pouvait refuser le branchement au réseau électrique qu'elle sollicitait. Cette substitution de base légale n'a pour effet de priver la société Valoris d'aucune garantie et l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Il y a donc lieu de faire droit à la substitution de motif demandée par la commune de Garons

12. Il résulte de ce qui précède que la société Valoris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Garons, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société Valoris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Valoris une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Garons au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Valoris est rejetée.

Article 2 : La société Valoris versera une somme de 2 000 euros à la commune de Garons au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Valoris et à la commune de Garons.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.

N° 18MA02180 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02180
Date de la décision : 28/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-06 Police. - Polices spéciales. - Police de l'utilisation des sols.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : AUDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-28;18ma02180 ?
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