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14/12/2021 | FRANCE | N°20MA02444

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 décembre 2021, 20MA02444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté pris à son encontre le 30 septembre 2019 par le préfet de l'Hérault, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa demande dans un délai d'un mois et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'auto

risant à travailler.

Par un jugement no 1905731 du 30 décembre 2019, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté pris à son encontre le 30 septembre 2019 par le préfet de l'Hérault, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa demande dans un délai d'un mois et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement no 1905731 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, M. B... A..., représenté par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du

30 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté pris à son encontre le 30 septembre 2019 par le préfet de l'Hérault, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault à titre principal de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " et subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir statué sur le moyen tiré du défaut d'examen réel et complet de la demande de titre de séjour au regard de la convention franco-sénégalaise ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa demande de titre de séjour ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait et d'appréciation concernant l'inadéquation entre ses qualifications et l'emploi sur lequel il a postulé ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 25 juin 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

26 juin 2020.

Une ordonnance du 25 juin 2021 a clos l'instruction au 23 juillet 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal et de l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration :

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais, né le 16 septembre 1992, est entré régulièrement en France le 18 octobre 2016 sous couvert d'un visa étudiant. Il a bénéficié d'un titre de séjour mention " étudiant " valable du 16 octobre 2017 au 15 octobre 2018, renouvelé jusqu'au

30 juin 2019. L'intéressé a sollicité le 5 février 2019 un changement de statut en qualité de salarié. Par une décision du 30 septembre 2019, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer ce titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du jugement du 30 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté pris à son encontre par le préfet de l'Hérault, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (...). / Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales (...) ". Aux termes du sous-paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, modifié par l'avenant signé le 25 février 2008 : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " / (...) L'étranger se voit délivrer l'une des cartes prévues aux 1° ou 2° du présent article sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives (...) ". L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que la situation de l'emploi au sens des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 5221-20 du code du travail peut être valablement opposée aux ressortissants sénégalais auxquels est offert un emploi dans un métier ne figurant pas à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté attaqué, que

M. A... a sollicité un changement de statut en qualité de salarié en se prévalant d'un contrat à durée indéterminée avec la société Cristal-net pour un poste d'agent qualifié de service dans la filière exploitation niveau AQS2. La demande d'autorisation de travail de la société Cristal-net pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger, dans le département de l'Hérault, mentionne cette qualification. Le préfet a qualifié cet emploi de chef d'équipe au motif que la société Critslal-net a déposé une offre d'emploi pour embaucher un chef d'équipe nettoyage industriel pour le département du Gard, et a opposé à M. A... la situation de l'emploi dans ce département. Cependant, l'emploi d'agent qualifié de service dans la filière exploitation, au titre duquel M. A... a expressément présenté sa demande, est assimilable à un de ceux limitativement énoncés à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais, en particulier au poste d'agent d'entretien et d'assainissement, comme l'intéressé le fait valoir. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'irrégularité du jugement et les autres moyens invoqués par le requérant, celui-ci est fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en fondant sa décision sur l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article R. 5221-20 du code du travail en lui opposant la situation de l'emploi pour refuser le titre de séjour sollicité.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 30 septembre 2019 et à demander l'annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation prononcée ci-dessus du refus de délivrance d'un titre de séjour implique seulement que le préfet réexamine la situation de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et dans l'attente, de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et les dépens :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mazas, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 décembre 2019 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 septembre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative à Me Mazas, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Mazas, au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.

N° 20MA024446


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 14/12/2021
Date de l'import : 28/12/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA02444
Numéro NOR : CETATEXT000044516111 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;20ma02444 ?
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