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14/12/2021 | FRANCE | N°20MA01614

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 décembre 2021, 20MA01614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à

compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, et de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904914 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2020, M. A..., représenté par Me Bazin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du

18 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui est pas applicable dès lors qu'il est entré en France muni d'un visa ;

- la substitution de base légale effectuée l'a privé d'une garantie parce qu'il n'a pas pu faire valoir son intégration en France ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée :

- la décision est disproportionnée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par décision du 21 février 2020, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A....

Le préfet des Bouches-du-Rhône a été mis en demeure de produire une défense le

9 juin 2021.

Par ordonnance du 9 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juillet 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Ury.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 6 juillet 2001, interpellé à Vitrolles le 7 septembre 2019 pour vol à l'étalage, relève appel du jugement du 18 novembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier qui rejette sa requête dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 8 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur l'obligation de quitter le territoire national :

2. En premier lieu, la décision contestée comporte dans ses visas et motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière du requérant au regard des stipulations conventionnelles et des dispositions législatives et réglementaires applicables. Plus particulièrement, la décision contestée mentionne la situation personnelle de l'intéressé, les conditions de son séjour en France, et comporte l'appréciation de l'administration sur celles-ci, lui permettant ainsi de connaître les motifs du refus qui lui est opposé. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée ou qu'elle serait stéreotypée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ".

4. D'une part, si l'arrêté du 8 septembre 2019 s'est fondé sur le 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à tort puisque M. A... était régulièrement entrée en France sous couvert d'un visa, le préfet a demandé devant les premiers juges une substitution de base légale sur le fondement du 2° de cet article. Dès lors que ces dispositions prévoient des garanties équivalentes, que le préfet dispose d'un même pouvoir d'appréciation, que l'intéressé a été mis en mesure de produire ses observations, contrairement à ce que soutient M. A..., cette substitution de base légale ne l'a privé d'aucune garantie.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4, que

M. A... qui est entré en France le 24 juillet 2017 sous couvert d'un visa de trente jours alors qu'il était mineur, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la validité de son visa de court séjour, sans solliciter, à sa majorité intervenue le 6 juin 2019, la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'à l'expiration de son visa l'intéressé était encore mineur, le préfet des Bouches-du-Rhône était fondé en application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à prendre l'arrêté attaqué lui faisant obligation de quitter le territoire national.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que M. A... ne réside sur le territoire français que depuis le 24 juillet 2017 alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de seize ans en Algérie, qu'il est célibataire et sans enfants et sans aucune attache familiale sur le territoire national. Si le requérant fait valoir qu'il a été abandonné en France par son père qui est retourné seul avec sa sœur en Algérie à l'expiration du visa de court séjour délivré le 24 juillet 2017, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de sa famille demeure en Algérie. En faisant valoir sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance en tant que mineur isolé et qu'il bénéficie depuis le 5 juillet 2019 d'un contrat d'accueil provisoire jeune majeur de la part du département de l'Hérault et qu'il suit une formation de " CAP électricien ", le requérant ne justifie pas de son insertion dans la société française. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de

l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle M. A....

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...)".

9. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a examiné l'ensemble des critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision est par suite suffisamment motivée en présence des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement.

10. En deuxième lieu, l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il ressort des termes de la décision attaquée, que le préfet a relevé que M. A..., en situation irrégulière, est entré récemment en France le 24 juillet 2017, qu'il est célibataire sans enfants et dépourvu d'attaches en France, alors que toute sa famille réside en Algérie, et mentionne qu'il a, la veille, été interpellé pour un vol à l'étalage. Dès lors, les motifs invoqués par le préfet sont de nature à justifier légalement dans son principe et dans sa durée la décision attaquée d'interdiction de retour d'une durée de deux ans.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant à fin d'injonction ainsi que celles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2021.

N° 20MA016142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01614
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-01-01 Procédure. - Voies de recours. - Appel. - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BAZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;20ma01614 ?
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