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19/11/2021 | FRANCE | N°20MA03862

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 19 novembre 2021, 20MA03862


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1908103 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1

4 octobre 2020, sous le n° 20MA03862, Mme D..., représentée par Me Harutyunyan, demande à la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1908103 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2020, sous le n° 20MA03862, Mme D..., représentée par Me Harutyunyan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en jugeant que son fils ne nécessitait plus de prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur d'appréciation des faits ;

- en jugeant qu'elle ne produisait " aucun élément " sur la disponibilité des soins en Arménie, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- et les observations de Me Capdefosse, substituant Me Harutyunyan, représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante arménienne née le 19 juillet 1983, a sollicité, le 1er juin 2018, le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée en qualité de parent d'enfant malade. Par un arrêté du 15 avril 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer l'autorisation demandée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de cet arrêté. Cette dernière relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Et aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11°/ A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. L'avis émis le 20 janvier 2019 par le collège de médecins de l'OFII précise que l'état de santé de E..., fils de l'appelante, nécessitait une prise en charge médicale, qu'un défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que cette prise en charge pouvait être réalisée dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins disponible, et enfin qu'au vu des éléments du dossier médical de l'intéressé, son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Il ressort également des pièces du dossier que le jeune E... est atteint d'une maladie cardiaque et plus précisément d'une cardiopathie congénitale à type de CIA, pour laquelle il a subi une intervention chirurgicale le 26 septembre 2017. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le docteur C..., dans son compte-rendu opératoire, a constaté que l'opération avait réussi sans complication et qu'il n'était pas nécessaire que E... subisse une autre intervention chirurgicale. Si celui-ci doit effectivement être suivi en cardio-pédiatrie, le médecin a conclu qu'il peut mener une vie strictement normale. Par ailleurs, ce suivi cardio-pédiatrique a été effectué jusqu'à présent par le docteur B... comme en témoignent les deux comptes rendus des 26 février 2018 et 4 février 2019 aux termes desquels il a estimé que l'évolution de sa maladie était satisfaisante et a prévu de revoir l'enfant tous les ans.

6. Les éléments produits en appel par Mme D... ne suffisent ni à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur l'état de santé de son fils et sur la disponibilité des soins en Arménie, ni à démontrer l'impossibilité pour lui de continuer son suivi cardio-pédiatrique dans ce pays. Les moyens invoqués tirés de l'inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste dans l'appréciation par le préfet des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

7. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7°/ A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

8. C'est à bon droit que les premiers juges, qui ont relevé que Mme D... est entrée sur le territoire au milieu de l'année 2016, à l'âge de 32 ans, avec son concubin et leurs deux enfants, qu'ils ont séjourné régulièrement en France sous couvert d'autorisations provisoires de séjour en qualité de parents d'enfant malade pendant deux ans et qu'ils sont désormais tous deux en situation irrégulière, ont considéré que l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône n'avait pas porté une atteinte excessive au droit de l'intéressée à mener une vie privée familiale normale. Il y a donc lieu d'écarter les mêmes moyens, repris en appel, par adoption des motifs du jugement attaqué.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son autorisation provisoire de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme D....

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions des article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me Harutyunyan.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2021.

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N° 20MA03862

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03862
Date de la décision : 19/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : HARUTYUNYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-19;20ma03862 ?
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