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19/11/2021 | FRANCE | N°19MA03306

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 19 novembre 2021, 19MA03306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Vents de Lozère ", l'association " A Contre Vents ", l'association " les Robins des Bois de la Margeride ", Mme DS... CX..., M. H... E..., M. DI... E..., Mme CR... CS..., M. DL... E..., M. DY..., Mme DC... BJ..., M. DM... BJ..., Mme BS... CB..., M. CJ... BM..., Mme DB... BM..., M. AP... CI..., Mme DN... W..., M. AJ... Z..., Mme AL... R..., Mme CL... M..., M. K... M..., Mme Q... CT..., M. J... CT..., Mme DE... BD..., M. S... E..., M. BY... E..., Mme AE... E..., M. DP... AK..., Mme AU... AK..., M. AX

... BH..., M. G... AC..., Mme DG... AC..., M. P... CH..., Mme C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Vents de Lozère ", l'association " A Contre Vents ", l'association " les Robins des Bois de la Margeride ", Mme DS... CX..., M. H... E..., M. DI... E..., Mme CR... CS..., M. DL... E..., M. DY..., Mme DC... BJ..., M. DM... BJ..., Mme BS... CB..., M. CJ... BM..., Mme DB... BM..., M. AP... CI..., Mme DN... W..., M. AJ... Z..., Mme AL... R..., Mme CL... M..., M. K... M..., Mme Q... CT..., M. J... CT..., Mme DE... BD..., M. S... E..., M. BY... E..., Mme AE... E..., M. DP... AK..., Mme AU... AK..., M. AX... BH..., M. G... AC..., Mme DG... AC..., M. P... CH..., Mme CN... CY..., Mme BU... AB..., M. BY... AB..., M. Y... DO..., M. D... DO..., Mme AG... CK..., Mme DT... CQ..., M. DF... CQ..., Mme DV... CQ..., M. CE... CQ..., M. G... CV..., Mme DD... CV... CP..., Mme T... CV..., M. DM... DR..., Mme DU... DR..., M. S... X..., Mme BX... X..., Mme CM... X..., M. G...-DL... EB..., Mme BU... X..., Mme BA... X..., M. BG... N..., Mme BO... DH..., Mme BF... DW..., Mme EA... AQ... BQ..., M. CF... AQ..., M. O... DX..., Mme DT... DX..., Mme C... DX..., Mme AS... DX..., M. CO... AR..., Mme AW... BI..., Mme BK... BI..., Mme T... BR..., M. AH... BR..., Mme AV... BR..., M. A... AZ..., Mme AN... AZ..., M. AH... BN..., Mme BC... BN..., M. AY... DK..., Mme BK... DK..., M. DA... BL..., M. AF... BL..., Mme CC... BE..., M. BV... BE..., M. AP... AM..., M. AT... BZ..., M. G... AD..., Mme AW... AD..., M. DC... AD..., Mme DJ... AD..., Mme AW... CP..., M. CA... CP..., Mme CU... L..., M. F... L..., M. BP... U..., M. DI... AA..., M. AT... AA..., Mme BB... AA..., Mme CZ... B..., M. DQ... B..., Mme BT... B..., M. AO... B..., M. AX... CD..., Mme BW... CD..., Mme T... DZ... V..., M. K... V..., Mme CG... AI... et M. DL... CW... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2016 par lequel le préfet de Lozère a délivré à la société EDF Renouvelables France un permis de construire un parc éolien comprenant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Servières, le permis de construire tacite délivré le 4 janvier 2016 à cette société, I... que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1701493 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a, à l'article 1er, annulé cet arrêté du 15 novembre 2016, I... que la décision implicite rejetant le recours gracieux et, à l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 19 juillet 2019, 30 octobre 2020 et 25 juin 2021 sous le n° 19MA03306, la société EDF Renouvelables France représentée par Me Elfassi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 mai 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association " Vents de Lozère " et autres devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge de chacun des intimés la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les demandeurs de première instance ne justifient pas d'un intérêt à agir ;

- à titre principal, le site d'implantation de son projet ne constitue pas un " espace, paysage et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard " au sens des dispositions de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme ;

- le tribunal s'est borné à relever une visibilité des éoliennes depuis certains points de vue sans caractériser en quoi cette visibilité serait incompatible avec l'environnement montagnard ;

- à titre subsidiaire, les mesures d'implantation sont suffisantes pour éviter toute atteinte au paysage ;

- le tribunal s'est fondé à tort sur l'avis du commissaire enquêteur qui est entaché d'erreurs de fait ;

- le site d'implantation du projet ne méconnaît pas l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- l'avis de l'autorité environnementale n'est pas requis dans le cadre de la demande de permis de construire.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 mai et 24 août 2021, l'association " Vents de Lozère " et autres, représentés par Me Jakubowicz-Ambiaux concluent au rejet de la requête de la société EDF Renouvelables France et demandent à la Cour de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir contre l'arrêté contesté ;

- les moyens soulevés par la société EDF Renouvelables France ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales qui n'a pas produit d'observation.

Le mémoire présenté pour la société EDF Renouvelables France, enregistré le 24 septembre 2021, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me Durand substituant Me Elfassi, représentant la société EDF Renouvelables France et de Me Grisel, représentant l'association " Vents de Lozère " et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La société EDF EN France, devenue EDF Renouvelables France a déposé le 18 décembre 2014, auprès du préfet de Lozère, une demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien dénommé " Lou Paou 2 ", composé de cinq éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Servières. Par arrêté du 15 novembre 2016, le préfet lui a délivré un permis de construire ce parc éolien. La société EDF Renouvelables France relève appel de l'article 1er du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté du 15 novembre 2016.

Sur les règles applicables au litige :

2. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 susvisée : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° (...) les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets I... autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ;(...) ".

3. En application de ces dispositions, les permis de construire en cours de validité au 1er mars 2017 et portant sur des projets d'installation d'éoliennes terrestres constituent des autorisations environnementales au sens des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, relevant, en application de l'article L. 181-17, d'un contentieux de pleine juridiction.

4. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond applicables aux autorisations environnementales au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

Sur les deux motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif :

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme :

5. Aux termes de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. ".

6. Sans préjudice des autres règles relatives à la protection des espaces montagnards, ces dispositions prévoient que dans les espaces, milieux et paysages caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols doivent être compatibles avec les exigences de préservation de ces espaces. Pour satisfaire à cette exigence de compatibilité, les documents et décisions cités ci-dessus doivent comporter des dispositions de nature à concilier l'occupation du sol projetée et les aménagements s'y rapportant avec l'exigence de préservation de l'environnement montagnard prévue par la loi.

7. En l'espèce, les cinq aérogénérateurs projetés d'une hauteur de mât de quatre-vingt-cinq mètres doivent être implantés à proximité du parc éolien existant " Lou Paou I ", dans les contreforts de la zone montagneuse de la Margeride, sur les parties sommitales nord du massif de la Boulaine, au lieu-dit " Lou-Brujas ", sur le territoire de la commune de Servières. Ce projet s'inscrit dans l'unité paysagère " Vallée du rebord sud de la Margeride ". Selon l'avis favorable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) du 30 septembre 2016, il s'agit d'un milieu naturel montagneux où se juxtaposent des sommets tabulaires et des vallées fortement encaissées. Du point de vue de l'occupation des sols, le paysage environnant se caractérise par une alternance de parcelles boisées denses, de parcelles ouvertes et un environnement de tradition agricole. Le projet s'implante dans l'étage montagnard principalement à pineraies et forêts mélangées. Il constitue I... un paysage caractéristique du patrimoine naturel montagnard au sens des dispositions de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme.

8. Toutefois, l'aire d'étude immédiate du projet en litige se trouve en dehors de tout périmètre de protection du milieu naturel, seule la ZNIEFF de type II des " Causses de Marjevols et de Mende " concernant une partie de la zone du projet sur la frange ouest sur une surface de seulement 1,28 km². L'étude d'impact précise également que la zone du projet ne concerne aucun espace naturel sensible (ENS). En vue immédiate dans un rayon de 500 m autour du projet, depuis la RD 50, les éoliennes sont reculées et n'altèrent pas les perceptions. Depuis le village de Servières, qui est un site sensible au projet éolien, le photomontage montre que la vision du parc n'est que très partielle et fortement atténuée par le relief. L'impact visuel depuis le hameau de Villeneuve est modéré à faible. Par ailleurs, la seule circonstance que le parc éolien en cause serait, à l'instar de celui à proximité duquel il sera implanté, visible depuis les deux sites classés du château de Cougoussac distant de 3,7 km et du château Lagrange situé à 2,7 km ne permet pas d'établir que le projet aurait, en dépit de la hauteur des éoliennes en litige, un impact paysager notable. Depuis le Mont Mima, les deux parcs " Lou Paou 1 " et " Lou Paou 2 " s'alignent à l'horizon de manière très éloignée. L'impact visuel depuis le Truc de Fortunio situé à 5 km est faible dès lors que ces deux parcs sont visibles en contre plongée et n'émergent plus dans le ciel comme pour les autres points de vue. Ils se fondent dans ce grand paysage. Enfin, le projet " Lou Paou 2 " ne se trouve pas dans la zone tampon du site des Causses-Cévennes, classé au patrimoine mondial de l'Unesco en 2011, distant d'une dizaine de kilomètres, de sorte qu'aucun point de l'aire d'influence visuelle ne se trouve dans ce site. Si les intimés se prévalent de l'étude des sensibilités paysagère et naturaliste au regard de l'éolien industriel en Lozère réalisée en 2011 par le cabinet Cassini à la demande de la direction départementale du territoire de la Lozère (DDT), qui a considéré qu'il convenait d'éviter l'implantation d'éoliennes sur la crête principale de la Boulaine et privilégier les crêtes inférieures, comprises entre 1100 et 1200 m d'altitude, moins importantes à l'échelle du grand paysage, cette étude mentionne toutefois qu'il s'agit d'un document de travail et que la zone propice au développement de l'éolien n'est pas encore définitive et validée. Cette étude est par ailleurs dépourvue de toute valeur normative. Au surplus, elle conclut que ce secteur serait apte à recevoir des machines supplémentaires selon une densification cohérente et qualitative. De même, l'avis défavorable du commissaire enquêteur ne s'impose pas à l'autorité administrative.

9. Par suite, il ressort des points 7 et 8 que le permis de construire en litige préserve les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard.

En ce qui concerne la violation de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

10. L'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains I... qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

11. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus.

12. Comme dite aux points 7 et 8, si le site d'implantation du projet de parc éolien " Lou Paou 2 " présente un intérêt paysager, son impact visuel n'est pas de nature à porter une atteinte excessive aux paysages de ce site, en méconnaissances des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de ce qui précède que la société EDF Renouvelables France est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le permis de construire en litige, le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur les deux moyens tirés de la violation des articles L. 122-9 et R. 111-27 du code de l'urbanisme.

14. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association " Vents de Lozère " et autres devant le tribunal administratif de Nîmes et devant la Cour.

Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté du préfet de la Lozère du 15 novembre 2016 et la décision implicite de rejet du recours gracieux :

En ce qui concerne l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale :

15. L'association " Vents de Lozère " et autres soutient que l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale entache d'illégalité l'autorisation annulée. Toutefois, ce moyen est dénué de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut dès lors qu'être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme :

16. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions (...) ". L'article R. 431-10 du code précité dispose que : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; (...) ".

17. Si l'association " Vents de Lozère " et autres soutiennent que, d'une part, le dossier de permis de construire précise que le choix de la machine n'est pas définitivement arrêté et d'autre part, que l'arrêté de permis de construire ne prescrit pas le diamètre du rotor ou la hauteur du mât, ce qui ne permet pas d'analyser correctement les impacts du projet sur les chiroptères, il résulte du dossier de permis de construire, plus particulièrement du plan de masse et du résumé non technique que sont précisés la hauteur du mât de 85 mètres, I... que le diamètre de rotor de 82 M. I... ce moyen manque en fait.

En ce qui concerne la violation de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme :

18. Selon l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ".

19. Il résulte du plan PC2 figurant dans le dossier de demande de permis de construire en litige qu'aucune construction ne sera érigée sur l'emprise de la voie communale n° 3. Les seuls travaux concernant cette voix porteront sur le passage, en sous-sol, des câbles assurant le raccordement électrique entre les éoliennes E11 et E12 lesquels ne constituent pas une construction au sens des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme. Par suite, le dossier précité n'avait pas à comporter l'accord de de la commune de Servières en application de ces dispositions.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'autorisation de lotissement :

20. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. "

21. Une éolienne ne constituant pas un bâtiment, aucune autorisation de lotissement n'était nécessaire quand bien même des baux emphytéotiques auraient été passés sur certaines parcelles faisant partie de deux unités foncières distinctes et que ces baux opèreraient I... des divisions en jouissance en créant des lots à bâtir.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme :

22. L'article L. 111-11 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ".

23. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

24. Selon l'étude d'impact, le parc éolien en litige permettra à la fois de distribuer l'électricité produite vers le réseau public et de desservir les installations de ce parc pour ses besoins propres. L'étude d'impact du projet prévoit que les travaux de raccordement au réseau de transport de l'électricité seront effectués via le poste de livraison de Mende sous maîtrise d'ouvrage de la société bénéficiaire ERDF. Par ailleurs, l'association " Vents de Lozère " et autres n'établissent pas que le projet en litige nécessiterait une extension ou un renforcement du réseau public d'électricité. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

25. Aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. " L'article R. 244-1 du code de l'aviation civile prévoit que : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation I... que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. (...) ".

26. Le moyen tiré de ce que l'édification d'un parc éolien composé de machines ayant une hauteur en bout de pale de 126 mètres est soumise à l'autorisation de construction prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile et de ce que le permis de construire tenant lieu de cette autorisation doit assurer le respect des règles d'urbanisme et de celles prises pour l'application de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile est dénué de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

27. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

S'agissant des nuisances sonores :

28. Il ressort de l'étude d'impact que des dépassements des émergences réglementaires en période nocturne sur certains secteurs ont été constatés. Cependant, cette étude mentionne que des mesures de bridages et d'arrêt temporaire des éoliennes seront à mettre en place, les principes de solutions étant décrits dans l'étude acoustique de l'annexe 8 pour ramener le parc à une conformité réglementaire.

S'agissant des atteintes à la ressource en eau :

29. L'association " Vents de Lozère " et autres ne peuvent utilement se prévaloir d'un impact sur le captage de Champclos qui n'était pas en service à la date de l'arrêté contesté I... qu'il ressort de l'avis du 25 juillet 2016 de l'ARS. En tout état de cause, dans ce même avis, l'ARS a estimé que son avis favorable du 9 février 2015 s'appliquait également à l'ouvrage de Champclos sous réserve d'une prescription imposant un contrôle indépendant du chantier avec un suivi par un hydrogéologue compétent et validé par un rapport de fin de travaux remis à l'ARS. Par ailleurs, l'étude d'impact conclut que seules deux éoliennes, sur les sept, se situent en bordure de bassins versants de deux captages, les cinq autres éoliennes ne dégageant aucun enjeu hydrogéologique sur les sources captées et qu'aucun impact quantitatif ou qualitatif significatif ne peut être attendu au niveau de ces sources. Des mesures de prévention des pollutions accidentelles en phase de chantier sont prévues telles que la vidange des engins qui sera effectuée hors site, dans un espace adapté, l'absence de stockage d'hydrocarbures sur les bassins versants des sources, la réalisation de l'entretien du matériel uniquement sur les aires étanches équipée d'un dispositif de collecte. Par suite, l'atteinte à la ressource en eau n'est pas établie.

En ce qui concerne l'atteinte aux chiroptères en violation de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme :

30. Il ressort de l'étude d'impact que des mesures de réduction du risque de collision avec les chiroptères sont prévues, plus particulièrement par le bridage des éoliennes aux moments des pics d'activités, saisonnier et nocturne, des chauves-souris et en fonction des conditions climatiques particulières, à savoir pendant 3 heures, 1/2 heure après le coucher du soleil et pendant 3 heures avant la 1/2 h précédant le lever de soleil, du 10 juin au 20 octobre de la première année d'exploitation, pour des vents dont la vitesse est inférieure ou égale à 5,5 mètres par seconde et pour des températures supérieures ou égales à 10°. En outre, un suivi de la mortalité des chiroptères sera assuré afin d'évaluer cette mesure pendant les premières années de fonctionnement du parc. A la suite de ces mesures, l'impact sur la Grande Noctule est estimé faible. Dès lors, l'arrêté contesté ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme mentionnées au point 5.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-3 du code de l'urbanisme :

31. Aux termes de l'article L. 122-3 du code de l'urbanisme : " Les installations et ouvrages nécessaires aux établissements scientifiques, à la défense nationale, aux recherches et à l'exploitation de ressources minérales d'intérêt national, à la protection contre les risques naturels, à l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public et aux services publics autres que les remontées mécaniques ne sont pas soumis aux dispositions de la présente section si leur localisation dans ces espaces correspond à une nécessité technique impérative ou, dans le cas des communications électroniques, est nécessaire pour améliorer la couverture du territoire.". Parmi les articles de cette section, l'article L. 122-9 du code de l'urbanisme dispose que : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ".

32. Ces dispositions se bornent à soustraire de l'application de l'article L. 122-9 les équipements répondant à une nécessité technique impérative. Or une telle nécessité n'a jamais été évoquée en l'espèce par le pétitionnaire ni l'administration. En outre, la seule circonstance qu'il s'agisse d'une zone de montagne ne fait pas obstacle par principe à l'implantation d'un parc éolien.

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme :

33. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme: " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. "

34. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

35. Il résulte des points 8, 12, 29 et 30 que le projet en litige ne porte pas atteinte aux paysages, à la ressource en eau et aux chiroptères. I... l'arrêté contesté n'avait pas à prévoir de mesures spéciales concernant la distance d'implantation des éoliennes par rapport au captage d'eau et à leurs fondations, la hauteur des éoliennes pour limiter l'impact paysager et la distance entre le couvert et le bas des pales de façon à limiter les risques de collisions avec les chiroptères.

36. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et la fin de non-recevoir opposée par la société EDF Renouvelables, que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté préfectoral du 15 novembre 2016 et la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre.

Sur les frais liés au litige :

37. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société EDF Renouvelables France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'association " Vents de Lozère " et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Vents de Lozère " et autres la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société EDF Renouvelables France et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de de Nîmes du 21 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association " Vents de Lozère " et autres devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : L'association " Vents de Lozère " et autres verseront à la société EDF Renouvelables France, la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société EDF Renouvelables France, à Mme DC... BJ..., nommée en qualité de représentant unique et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2021.

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N° 19MA03306

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : ELFASSI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 19/11/2021
Date de l'import : 30/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA03306
Numéro NOR : CETATEXT000044359174 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-19;19ma03306 ?
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