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02/11/2021 | FRANCE | N°21MA00192

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 02 novembre 2021, 21MA00192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003020 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a, à l'article 1er, annulé cet arrêté du 10 juin 2020 et, à l'article 2, enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme B.

.. un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003020 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a, à l'article 1er, annulé cet arrêté du 10 juin 2020 et, à l'article 2, enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme B... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2021, sous le n° 21MA00192, le préfet du Gard demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes.

Il soutient que l'arrêté contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Chabbert Masson, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Gard ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 juin 1990 ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 5 janvier 1980, de nationalité marocaine, déclare être entrée en France en juillet 2007. Elle a sollicité, en dernier lieu le 12 juin 2019, un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Cette demande a fait l'objet d'un arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet du Gard relève appel du jugement du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes qui a, à l'article 1er, annulé cet arrêté du 10 juin 2020 et, à l'article 2, enjoint au préfet de délivrer à Mme B... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Lorsque l'autorité compétente envisage de prendre une mesure de refus d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, qui prive un étranger du droit au séjour en France, il lui incombe notamment de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée. S'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manœuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures à ces manœuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée irrégulièrement en France à une date indéterminée. Elle ne peut se prévaloir d'un séjour régulier sur le territoire national pour la période comprise entre septembre 2009 et octobre 2012 en raison de l'obtention frauduleuse de sa carte de séjour en qualité de parent d'enfant français. Elle justifie cependant y résider depuis l'année 2013, soit une durée de séjour d'un peu plus de six ans à la date de la décision contestée. Par ailleurs, elle est mère de trois enfants dont le premier est né le 28 juillet 2000 son père étant décédé au Maroc le 17 août 2000, le deuxième le 31 décembre 2008 qui a été reconnu par un ressortissant français dont la filiation paternelle a été annulée, pour fraude, par un jugement du tribunal de grande instance de Nîmes et le troisième le 27 mai 2013. En raison de la fausse déclaration de nationalité de son deuxième enfant, le préfet du Gard a pris à son encontre, le 28 mars 2013, un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme B... a fait l'objet d'une deuxième mesure d'éloignement le 1er septembre 2016 qu'elle n'a pas exécutée. Elle réside chez sa fille aînée, laquelle est titulaire d'un titre de séjour et d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un poste d'employée à domicile. Ces circonstances, en l'absence de tout autre lien familial en France, ne sauraient ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée qui ne démontre pas être dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans. Rien ne s'oppose au surplus à ce que ses deux enfants mineurs l'accompagnent au Maroc et y poursuivent leur scolarité. Ainsi, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Gard est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 10 juin 2020 au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté du 10 juin 2020 du préfet du Gard :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée a été signée au nom du préfet du Gard par M. Lalanne, secrétaire général de la préfecture du Gard et titulaire d'une délégation de signature du 27 août 2018 régulièrement publiée le jour même au recueil des actes administratifs spécial n° 30-2018-113, à l'effet de signer notamment tous actes, arrêtés, décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département du Gard. Dès lors, cette décision n'est pas entachée d'incompétence.

8. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " et aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du même code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 4, Mme B... ne justifie pas résider en France de manière habituelle depuis plus de dix ans. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure tenant au défaut de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté.

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des motifs de l'arrêté en litige que le préfet du Gard n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de Mme B....

11. Pour les mêmes motifs indiqués au point 4, le préfet du Gard n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.

12. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. L'appelante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant à l'égard de sa fille majeure. Par ailleurs, comme il a été dit au point 4, l'intéressée ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que ces deux enfants mineurs poursuivent leur scolarité au Maroc. Dans ces circonstances, le préfet du Gard n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 13, Mme B... n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

15. Les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 4, 7 et 11.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Gard est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 10 juin 2020 refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme B... et lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

17. Le présent arrêt, qui confirme l'arrêté en litige, n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées en première instance par Mme B....

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes par Mme B... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Gard et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Alès.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 novembre 2021.

2

N° 21MA00192

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00192
Date de la décision : 02/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-02;21ma00192 ?
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