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28/10/2021 | FRANCE | N°19MA03129

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 28 octobre 2021, 19MA03129


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Villa Arpège a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des cotisations supplémentaires de contribution sur les revenus locatifs auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de la retenue à la source qui lui a

été réclamée au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Villa Arpège a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des cotisations supplémentaires de contribution sur les revenus locatifs auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de la retenue à la source qui lui a été réclamée au titre des années 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1701994, 1701995 du 23 mai 2019, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande n° 1701994 à concurrence du dégrèvement de 20 870 euros prononcé en cours d'instance, et par l'article 2 a rejeté le surplus des conclusions de cette demande ainsi que les conclusions de la demande n° 1701995.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2019, la SCI Villa Arpège, représentée par Me Filippi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de ses demandes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités demeurant en litige, ainsi que leur restitution, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale ne démontre pas l'existence d'un acte anormal de gestion correspondant à la mise à disposition gratuite à un tiers de la villa dont elle est propriétaire ;

- c'est à tort que la déduction des dotations aux amortissements lui a été refusée ;

- elle ne pouvait être assujettie à la contribution sur les revenus locatifs dès lors que la villa ne peut être regardée comme achevée depuis plus de quinze ans au moins au 1er janvier des années d'imposition ;

- selon les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-IF-TFB-10-60-10 n° 70, les bâtiments ayant fait l'objet d'une reconstruction ou d'une addition de construction peuvent bénéficier de l'exonération ;

- à titre subsidiaire, elle ne pouvait être soumise à la contribution sur les revenus locatifs qu'à raison des loyers effectivement perçus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Villa Arpège ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Filippi, représentant la SCI Villa Arpège.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Villa Arpège, qui est propriétaire d'une villa située à Vallauris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a constaté que la SCI Villa Arpège, initialement constituée en vue de la mise à disposition gratuite de ses associés de ses biens immobiliers, n'avait pas déclaré les loyers correspondant à la location saisonnière de la villa, et a par ailleurs estimé que la société avait commis un acte anormal de gestion en renonçant à percevoir des loyers en contrepartie de la mise à disposition de la villa en dehors des périodes de location. La SCI Villa Arpège a ainsi été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, à des cotisations supplémentaires de contribution sur les revenus locatifs et à la retenue à la source au titre des années 2012 et 2013. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne l'acte anormal de gestion :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. Ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve.

3. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que la SCI Villa Arpège n'a pas déposé les déclarations de ses résultats des exercices clos en 2012 et 2013 dans les trente jours de la réception d'une mise en demeure. Elle a ainsi régulièrement été taxée d'office à l'impôt sur les sociétés. Il appartient par suite à la SCI Villa Arpège, qui a la charge de prouver l'exagération des impositions qu'elle conteste, de démontrer que les faits invoqués par l'administration ne relevaient pas d'une gestion anormale.

4. Il résulte de l'instruction que la villa dont la SCI Villa Arpège est propriétaire, d'une surface déclarée de 215 m², comportant notamment deux salons, six chambres avec salle de bains, une terrasse, une piscine et un garage, dispose d'une vue panoramique sur la mer. L'administration fiscale, au regard notamment des consommations d'eau, d'électricité et de services de télécommunication facturées, a estimé qu'en dehors des périodes de location saisonnière, la société avait mis la villa à la disposition gratuite d'un tiers, sans que l'absence de perception de loyers par l'intéressée ne soit justifiée par l'intérêt de sa propre exploitation, en a déduit que cette renonciation à recettes était constitutive d'un acte anormal de gestion. Pour établir le montant des recettes à réintégrer, en conséquence, aux résultats de la SCI Villa Arpège, l'administration, en l'absence de comparables pertinents sur le marché locatif local, a déterminé la valeur locative de la villa par voie d'appréciation directe, en appliquant un taux de rendement de 5 % à la valeur vénale de cet immeuble. Elle a, par ailleurs, déduit de ces recettes et des loyers non déclarés les charges comptabilisées.

5. La SCI Villa Arpège, qui ne critique pas les modalités de détermination du résultat mises en œuvre par l'administration dans les termes rappelés au point précédent, conteste le principe même de la rectification, en soutenant que l'administration ne démontre pas l'existence d'un acte anormal de gestion. Toutefois, la requérante, qui supporte la charge de la preuve, ainsi qu'il a été dit précédemment, se borne à faire valoir que les consommations d'eau et d'électricité sont nécessitées par l'entretien régulier de la villa, et que les factures relatives aux télécommunications correspondent à des forfaits ou à des appels techniques, et non à une consommation réelle des services par un occupant. Ces éléments se sont pas suffisants pour démontrer que la villa n'aurait pas été occupée en dehors des périodes de location, alors que l'administration a relevé l'existence d'une consommation d'eau importante et régulière au cours des deux années considérées et d'une consommation d'électricité régulière au cours de l'année 2013, qui ne sauraient être expliquées par le seul entretien de la villa, et la facturation de communications téléphoniques hors forfait pour des montants variables sur deux des trois lignes téléphoniques de la villa, dont il n'est pas établi qu'elles correspondraient exclusivement à des appels automatiques de télésurveillance. Par ailleurs, alors que l'administration a relevé que Mme A..., dont il n'est ni allégué ni démontré qu'elle aurait été salariée de la SCI Villa Arpège au cours de la période considérée, a déclaré être domiciliée à l'adresse de la villa, la société requérante n'établit pas que l'intéressée n'aurait occupé qu'un studio indépendant en produisant une attestation rédigée par cette dernière et un procès-verbal de constat dressé par un huissier postérieurement à la vérification de comptabilité. Enfin, si la SCI Villa Arpège démontre que la villa a été offerte à la location au cours des années considérées, cette circonstance ne fait pas obstacle à son occupation en dehors des périodes de location.

En ce qui concerne les amortissements :

6. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise (...) ". En vertu de ces dispositions, seuls peuvent être regardés comme réellement effectués au titre d'un exercice les amortissements qui ont été effectivement portés dans les écritures comptables de l'entreprise avant l'expiration du délai de déclaration des résultats de cet exercice.

7. Il est constant que la société requérante n'a pas établi ses écritures comptables et ses comptes annuels dans le délai légal de déclaration. C'est donc à bon droit que l'administration n'a pas pris en compte, pour la détermination des résultats imposables taxés d'office, les amortissements mentionnés dans les déclarations déposées tardivement, sans qu'y fassent obstacle les circonstances, au demeurant non établies, que la charge fiscale en résultant pour la société requérante serait disproportionnée et que les amortissements seraient justifiés.

Sur la contribution sur les revenus locatifs :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 234 nonies du code général des impôts : " I.- Il est institué une contribution annuelle sur les revenus retirés de la location de locaux situés dans des immeubles achevés depuis quinze ans au moins au 1er janvier de l'année d'imposition, acquittée par les bailleurs (...). / (...) III. - Sont exonérés de la contribution les revenus tirés de la location : (...) / 11° Des logements qui ont fait l'objet de travaux de réhabilitation définis par décret, lorsque ces travaux ont été financés à hauteur d'au moins 15 % de leur montant par une subvention versée par l'Agence nationale de l'habitat, pour les quinze années suivant celle de l'achèvement des travaux (...) ".

9. Si la SCI Villa Arpège, qui ne conteste pas que la villa a été achevée au plus tard au 31 décembre 1997, soutient qu'eu égard à l'importance des travaux qu'elle a réalisés depuis l'acquisition de l'immeuble en 2000, elle ne pouvait être assujettie à la contribution sur les revenus locatifs, la seule circonstance que le montant des travaux comptabilisé pour 1 837 122 euros n'a pas été remis en cause par l'administration fiscale ne suffit pas à démontrer qu'elle n'entrait pas dans le champ de la contribution. Le moyen doit donc être écarté.

10. En deuxième lieu, une société propriétaire qui renonce sans contrepartie à percevoir des recettes qu'une gestion normale de son bien immobilier lui aurait procurées doit être regardée comme ayant retiré un revenu de la location de ce bien au sens de l'article 234 nonies précité du code général des impôts. Par suite, les recettes que la SCI Villa Arpège a volontairement renoncé à percevoir devaient être comprises dans ses bases d'imposition à la contribution sur les revenus locatifs, contrairement à ce qui est soutenu.

11. En dernier lieu, la SCI Villa Arpège n'est pas fondée à invoquer la doctrine administrative référencée BOI-IF-TFB, laquelle a trait non pas à la contribution sur les revenus locatifs mais à la taxe foncière sur les propriétés bâties et ne contient ainsi aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Villa Arpège n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement des intérêts moratoires dus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de la SCI Villa Arpège est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Villa Arpège et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 octobre 2021.

4

N° 19MA03129

nc


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Amortissement.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Contributions et taxes - Parafiscalité - redevances et taxes diverses.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 28/10/2021
Date de l'import : 16/11/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA03129
Numéro NOR : CETATEXT000044314606 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-28;19ma03129 ?
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