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11/10/2021 | FRANCE | N°20MA04018

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 11 octobre 2021, 20MA04018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D..., épouse C..., de nationalité philippine, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté n° 0603124373/APG du 21 novembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros pa

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D..., épouse C..., de nationalité philippine, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté n° 0603124373/APG du 21 novembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1906033 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me Traversini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 0603124373/APG du 21 novembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son avocat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'une erreur de fait en prétendant, à tort, qu'elle manifesterait une volonté de se soustraire aux règles de droit du pays dans lequel elle ambitionne de vivre, puisqu'elle n'a pas exécuté deux décisions de 2012 et de 2016 portant obligation de quitter le territoire français, alors que la plus récente de ces décisions, en date du 4 avril 2017 et non de 2016, a été annulée par le tribunal administratif de Nice par jugement n° 1701710 du 20 juillet 2017, jugement à la suite duquel elle a été maintenue sous autorisation provisoire de séjour pendant plus de deux années.

Par ordonnance du 28 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 août 2021 à 12h00.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... Taormina, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse C..., de nationalité philippine, relève appel du jugement n° 1906033 du 30 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté n° 0603124373/APG du 21 novembre 2019 pris à son encontre par le préfet des Alpes-Maritimes qui a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit:...7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2... ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale... 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier produites en abondance par Mme C... que celle-ci réside de manière continue sur le territoire français depuis la date de son arrivée, le 7 février 2005, soit depuis plus de quatorze ans à la date de l'arrêté querellé, qu'elle possède un domicile personnel, est titulaire d'un bail notamment à son nom dont elle règle seule le loyer, dispose de moyens de subsistance procurés notamment par une activité professionnelle officielle et régulière et maîtrise la langue française. Dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes a, par son arrêté en date du 21 novembre 2019, porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte disproportionnée et a, compte tenu de la qualité des éléments produits, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Mme C... qui doit, par conséquent, être regardée comme justifiant d'une insertion personnelle et professionnelle en France suffisamment ancienne, intense et stable pour lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est fondée à demander l'annulation de cette décision. Par suite, elle est en outre fondée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués, à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

5. L'exécution du présent arrêt implique, eu égard au motif d'annulation retenu, qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à Mme C... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie...perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... ". Aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " ...En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie...qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide... ".

7. Mme C... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Me Traversini demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à sa cliente si celle-ci n'avait pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, il y a lieu d'accueillir les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à son avocate la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui est susceptible de lui être confiée.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906033 du 30 septembre 2020 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté n° 0603124373/APG du 21 novembre 2019 du préfet des Alpes-Maritimes, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme A... D..., épouse C..., un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Traversini, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., épouse C..., à Me Traversini et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. B... Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 octobre 2021.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04018
Date de la décision : 11/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : TRAVERSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-11;20ma04018 ?
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