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13/07/2021 | FRANCE | N°21MA01412-21MA01426

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 13 juillet 2021, 21MA01412-21MA01426


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 19MA00852 du 15 février 2021, la cour, faisant droit à la demande de l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes, a annulé le jugement n° 1605166 du 12 décembre 2018 du tribunal administratif de Nice et la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes refusant d'exercer les pouvoirs prévus à l'article L. 752-23 du code de commerce, enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de faire procéder au constat de l'exploitation illicite de la surface de vente du magasin e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un arrêt n° 19MA00852 du 15 février 2021, la cour, faisant droit à la demande de l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes, a annulé le jugement n° 1605166 du 12 décembre 2018 du tribunal administratif de Nice et la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes refusant d'exercer les pouvoirs prévus à l'article L. 752-23 du code de commerce, enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de faire procéder au constat de l'exploitation illicite de la surface de vente du magasin exploité sous l'enseigne " Conforama " au sein du centre commercial Nice One dans un délai de quinze jours à compter de la date de réouverture des magasins de vente et centres commerciaux, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, et de mettre en oeuvre les pouvoirs prévus à l'article L. 752-23 du code de commerce pour mettre effectivement fin à l'exploitation illicite de cette surface de vente en tant qu'elle excède 2 000 mètres carrés, dans un délai de six mois à compter de la même date, sous astreinte de 5 000 euros par jour d'ouverture des surfaces illicitement exploitées.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 13 avril, le 25 mai et le 2 juin 2021 sous le numéro 21MA01412, la société Nice One, représentée par la SELARL Létang avocats, demande à la cour :

1°) de déclarer non avenu son arrêt du 15 février 2021 ;

2°) de rejeter la requête présentée par l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes.

Elle soutient que :

- elle est recevable à former tierce opposition ;

- le ministère de l'économie et des finances, qui a renseigné une adresse électronique inexacte pour utiliser l'application Télérecours, n'a pas reçu les notifications effectuées dans l'instance n° 19MA00852, de sorte que le principe du contradictoire a été méconnu ;

- l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée à la SCCV Pia Stade de Nice lui a été transférée ;

- son preneur ne pourra plus exploiter la surface commerciale donnée à bail ;

- l'exploitation de la surface concernée a été autorisée par une décision du 19 septembre 2019 de la commission départementale d'aménagement commercial des Alpes-Maritimes, dont la cour n'avait pas connaissance ;

- les services de l'Etat avaient informé la SCCV Pia Stade de Nice qu'une nouvelle autorisation d'exploitation commerciale n'était pas nécessaire pour procéder aux modifications alors envisagées.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'arrêt du 15 février 2021 n'avait pas préjudicié aux droits de la société Nice One, faute pour celle-ci d'être titulaire d'une autorisation d'exploitation commerciale.

Un mémoire a été enregistré le 4 mai 2021 en réponse à cette mesure d'information pour la société Nice One.

Par des observations en défense, enregistrées le 25 et le 31 mai 2021, l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Nice One ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Nice One n'est pas recevable à former tierce opposition ;

- les moyens qu'elle soulève ne sont pas fondés.

Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a présenté des observations, enregistrées le 22 mai 2021.

La requête a été communiquée à la SCCV Pia Stade de Nice, qui n'a pas produit d'observations.

La clôture de l'instruction a été fixée au 7 juin 2021 par une ordonnance du même jour.

De nouvelles observations ont été enregistrées pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 2 juillet 2021.

II.- Par une requête, enregistrée le 13 avril 2021 sous le numéro 21MA01426, la société Nice One, représentée par la SELARL Létang avocats, demande à la cour de surseoir à l'exécution de son arrêt du 15 février 2021.

Elle reprend les moyens de la requête enregistrée sous le numéro 21MA01412 et soutient en outre que l'exécution du jugement attaqué l'expose à des conséquences difficilement réparables.

Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a présenté des observations, enregistrées le 25 mai et le 2 juillet 2021.

La requête a été communiquée à l'association En toute franchise département des Alpes-Maritimes et à la SCCV Pia Stade de Nice, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, notamment son article 38 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- les observations de Me E..., représentant la société Nice One, et de Me A..., substituant Me C..., avocat de l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes ;

- et les observations de Mme D..., en qualité de représentante du préfet des Alpes-Maritimes et du ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 21 mars 2012, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a autorisé la SCCV PIA Stade de Nice à créer un ensemble commercial d'une surface de 22 700 mètres carrés au sein du projet " Nice Stadium ". Ce centre commercial a ouvert le 16 février 2016. Par un courrier du 4 octobre 2016, l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes a demandé au préfet des Alpes-Maritimes, d'une part, de faire constater les infractions au code de l'urbanisme et de transmettre les procès verbaux au ministère public, et d'autre part, de faire constater l'exploitation illicite d'une surface de vente et de mettre en oeuvre les pouvoirs prévus à l'article L. 752-23 du code de commerce.

2. Par un jugement n° 1605166 du 12 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence conservé par le préfet à la suite du courrier du 4 octobre 2016.

3. Par un arrêt n° 19MA00852 du 15 février 2021, la cour, saisie de l'appel de l'association, a annulé le jugement du 12 décembre 2018 et la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes. La cour a en outre enjoint au représentant de l'Etat de faire procéder au constat de l'exploitation illicite de la surface de vente du magasin exploité sous l'enseigne " Conforama " dans un délai de quinze jours à compter de la date de réouverture des magasins de vente et centres commerciaux d'une surface supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, et de mettre en oeuvre les pouvoirs prévus à l'article L. 752-23 du code de commerce pour mettre effectivement fin à l'exploitation illicite de cette surface de vente en tant qu'elle excède 2 000 mètres carrés, dans un délai de six mois à compter de la même date, sous astreinte de 5 000 euros par jour d'ouverture des surfaces illicitement exploitées.

4. Par deux requêtes, enregistrées sous les numéros 21MA01412 et 21MA01426, qu'il y a lieu de joindre, la société Nice One forme tierce opposition à cet arrêt et en demande le sursis à exécution.

Sur la tierce opposition :

5. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".

6. D'une part, la société Nice One fait valoir que la SCCV Pia Stade de Nice, qui a construit le centre commercial attenant au stade Allianz Riviera sous couvert du bail à construction conclu le 6 mars 2014 avec la société Nice Eco Stadium, a vendu le centre en l'état d'achèvement et cédé le bénéfice du bail à construction le 10 avril 2014 aux sociétés Natixis Lease Immo, La Banque postale crédit entreprises et Finamur. Le même jour, ces trois sociétés ont à leur tour donné le centre commercial en crédit-bail immobilier à la société Nice One, en l'autorisant à signer avec les exploitants des baux commerciaux qui ont en réalité le caractère de contrats de sous-location. La société Nice One déduit de ces opérations qu'elle serait devenue titulaire de l'autorisation délivrée à la SCCV PIA Stade de Nice.

7. Contrairement à ce que soutient la société Nice One, qui n'est au demeurant pas propriétaire du centre commercial en question, l'autorisation d'exploitation commerciale prévue à l'article L. 752-1 du code de commerce ne présente pas le caractère d'un droit réel qui l'attacherait nécessairement à la propriété de l'immeuble concerné. En outre, les opérations mentionnées au point précédent sont intervenues à une date où le dernier alinéa de l'article L. 752-15 du code de commerce prévoyait que de telles autorisations n'étaient ni cessibles, ni transmissibles. Contrairement aussi à ce que soutient la société Nice One, l'entrée en vigueur de l'article 38 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui a mis fin à cette interdiction en abrogeant le dernier alinéa de l'article L. 752-15, n'a nullement eu pour effet de transférer de plein droit les autorisations en cours de validité de certaines personnes à d'autres, telles que le crédit-preneur d'un centre commercial. La société Nice One n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle aurait bénéficié du transfert de l'autorisation délivrée le 21 mars 2012 à la SCCV Pia Stade de Nice.

8. D'autre part, la société Nice One fait valoir que l'exploitation du magasin " Conforama " pour une surface de vente de 5 500 mètres carrés a été autorisée par une décision du 3 octobre 2019 de la commission départementale d'aménagement commercial des Alpes-Maritimes.

9. Il ressort cependant des termes mêmes de cette décision, en particulier de ceux de son dispositif, que celle-ci se borne à autoriser une extension de 3 833 mètres carrés de surface de vente correspondant aux cellules du centre commercial alors vacantes. Elle ne porte pas sur les cellules commerciales en cours d'exploitation. Si, ainsi que l'indique la société requérante, une décision d'autorisation est illégale lorsqu'elle porte sur l'extension de surfaces commerciales irrégulièrement exploitées, il ne peut s'en déduire qu'elle aurait pour effet de régulariser ces dernières. La décision du 3 octobre 2019 n'autorise donc pas l'exploitation du magasin " Conforama ".

10. Il suit de là que la société Nice One, contrairement à ce qu'elle prétend, n'est pas titulaire d'une autorisation d'exploitation commerciale portant sur les surfaces de vente en litige. Si elle précise enfin que l'arrêt du 15 février 2021 est susceptible de faire obstacle à la poursuite de son exploitation par son preneur, la société Conforama France, une telle circonstance ne permet pas de regarder cet arrêt comme préjudiciant à ses propres droits, au sens des dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative citées au point 5.

11. La société Nice One n'est donc pas recevable à former tierce opposition contre l'arrêt du 15 février 2021. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée.

Sur la demande de sursis à exécution :

12. Par la présente décision, la cour statue sur la tierce opposition dirigée contre l'arrêt du 15 février 2021. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt sont sans objet.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Nice One le versement de la somme de 2 000 euros à l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 21MA01412 de la société Nice One est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA01426.

Article 3 : La société Nice One versera à l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nice One, à l'association En toute franchise du département des Alpes-Maritimes, à la SCCV Pia Stade de Nice et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.

N°s 21MA01412 - 21MA01426 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01412-21MA01426
Date de la décision : 13/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition - Recevabilité - Notion de droit lésé.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-13;21ma01412.21ma01426 ?
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