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08/07/2021 | FRANCE | N°20MA00804

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 08 juillet 2021, 20MA00804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS (société par actions simplifiée) SAP France Holding a demandé, en sa qualité de société intégrante tête de groupe, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 à raison du rehaussem

ent du résultat de sa filiale intégrée, la SAS SAP Labs France.

Par une ordonnance du 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS (société par actions simplifiée) SAP France Holding a demandé, en sa qualité de société intégrante tête de groupe, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 à raison du rehaussement du résultat de sa filiale intégrée, la SAS SAP Labs France.

Par une ordonnance du 10 novembre 2017, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis le dossier de la demande de la SAS SAP France Holding au tribunal administratif de Montreuil. Par une ordonnance du 24 novembre 2017, le président du tribunal administratif de Montreuil a transmis la requête au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. Par une ordonnance du 27 décembre 2017, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête au tribunal administratif de Marseille.

Par un jugement n° 1710344 du 6 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés à laquelle la SAS SAP France Holding a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 résultant de la réintégration, dans ses bénéfices au titre de cet exercice, d'une somme de 636 000 euros, ainsi que des pénalités correspondantes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2020 et 20 avril 2021, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement précité ;

2°) de remettre à la charge de la SAS SAP France Holding les impositions en litige et de la condamner au reversement de la somme de 1 200 euros qu'il a acquittée au titre des frais liés au litige.

Il soutient que :

- le tribunal a inversé la charge de la preuve dès lors que l'administration n'avait pas à procéder à une comparaison avec les prix pratiqués entre entreprises non liées, ni à proposer une méthode alternative pouvant se substituer à cette comparaison ;

- en outre, la société n'a fourni aucune justification susceptible d'établir que l'absence de refacturation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) par la SAS SAP Labs France à la société allemande SAP AG comportait pour elle une contrepartie suffisante et qu'elle aurait eu ainsi le caractère d'un acte de gestion commerciale normale ;

- par conséquent, en s'abstenant de refacturer la charge que représentait pour elle la CVAE augmentée de sa marge de 6 %, alors qu'elle y était tenue en application de stipulations contractuelles, la SAS SAP Labs France a réalisé un acte anormal de gestion indépendamment du niveau de prix de la prestation auquel elle aboutit, permettant de présumer l'existence d'un transfert de bénéfices, au sens de l'article L. 57 du code général des impôts, au profit de la société SAP AG, sans avoir au préalable à procéder à une comparaison de prix.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril 2020 et 6 mai 2021, la SAS SAP France Holding, représentée par le cabinet Arsène Taxand agissant par Me A..., demande à la Cour de rejeter la requête du ministre et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 17 mai 2021 et présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, n'a pas été communiqué en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me C... du cabinet Arsène Taxand, représentant la SAS SAP France Holding.

Considérant ce qui suit :

1. La société SAP Labs France, filiale à 100 % de la société de droit allemand SAP AG, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a réintégré dans son résultat fiscal, au titre de l'exercice clos en 2012, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, une somme de 636 000 euros correspondant au montant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) non refacturée à la société SAP AG augmentée de 6 %. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déchargé, en droits et pénalités, la SAS SAP France Holding, société intégrante tête de groupe, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.

Sur l'appel du ministre de l'action et des comptes publics :

2. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix payés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres fournisseurs dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des fournisseurs dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s'explique par la situation différente de ces fournisseurs, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer une présomption de transfert de bénéfices mais doit établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.

4. Pour établir l'existence d'un avantage consenti par la société SAP Labs France à sa société mère résidente fiscale en Allemagne, l'administration n'a pas procédé à des comparaisons attestant que le prix payé en contrepartie des prestations réalisées au profit de la société SAP AG était supérieur à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement avec des fournisseurs dépourvus de liens de dépendance. Elle ne peut dès lors se prévaloir d'une présomption de transfert de bénéfices. Toutefois, le service vérificateur a constaté que la SAS SAP Labs France s'est engagée, par un contrat de " Research and Development Services Agrement " entré en vigueur à compter du 1er janvier 2013, à fournir à la société allemande SAP AG des services d'aide dans les domaines de la conception, du développement et du soutien des produits informatiques ainsi que tous les services de consultant en relation avec de nouveaux produits informatiques développés par elle et avec d'autres modules d'informatique de la société SAP AG. L'article 7 de cette convention stipule en outre, dans son paragraphe 2, que " le paiement [de ces prestations] est le coût (y compris l'évaluation de l'administration, l'informatique et des installations) ainsi que six pour cent (6 %) de marge " tandis que son paragraphe 3 prévoit que " tous les impôts et droits de douane, à l'exception des impôts sur le revenu et sur les sociétés, seront supportés par [la société SAP AG] ". La CVAE acquittée par la société SAP Labs France ne constitue ni un impôt sur le revenu ni un impôt sur les sociétés, dont elle constitue d'ailleurs une charge déductible. Par suite, en constatant l'absence d'intégration du coût de cette imposition dans le prix facturé à la société SAP AG, l'administration établit l'existence d'un écart injustifié entre la valeur vénale de la prestation contractuellement fixée et le prix facturé, et a pu en déduire que la société SAP Labs France a, en renonçant à percevoir un élément de prix auquel elle avait contractuellement droit, consenti à sa société mère étrangère une libéralité. Est à cet égard sans incidence la circonstance que, selon le communiqué du 14 janvier 2010 du Conseil national de la comptabilité, la CVAE peut, en l'absence de précision des normes IAS 12, au choix de l'entreprise, être qualifiée de charge opérationnelle ou d'impôt sur les résultats, alors au demeurant que la société SAP Labs France l'a enregistrée dans un compte de charges courantes, et non dans un compte 69 concernant les impôts sur les résultats. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que cette insuffisance de prix était constitutive d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts.

5. En se bornant à soutenir que l'absence de refacturation de la CVAE résulte d'une obligation contractuelle et qu'elle a conditionné l'engagement de la société SAP AG, la société SAP France Holding ne justifie pas que ce transfert comportait pour la SAS SAP Labs France une contrepartie.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur la circonstance que l'administration fiscale, n'ayant pas procédé à une comparaison entre les prix facturés par la SAS SAP Labs France à la société SAP AG et ceux pratiqués entre entreprises indépendantes, ni proposé une méthode alternative pouvant s'y substituer, ne justifiait pas, comme il lui incombait, que l'absence de refacturation de la CVAE par la SAS SAP Labs France à la société SAP AG constituait un bénéfice indûment transféré à l'étranger au sens et pour l'application de l'article 57 du code général des impôts.

7. La cour administrative d'appel, dans le cadre de l'examen du litige par l'effet dévolutif de l'appel, n'étant saisie par la SAS SAP France Holding d'aucun autre moyen soulevé devant le tribunal administratif ni devant elle, le ministre de l'action et des comptes publics est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.

Sur les dépens :

8. Aucun dépens n'ayant été exposé en cours d'instance, les conclusions présentées à ce titre par la société SAP France Holding ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu de faire droit aux conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la SAS SAP France Holding.

10. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 précité font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société intimée demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles la SAS SAP France Holding a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 résultant de la réintégration, dans ses bénéfices au titre de cet exercice d'une somme de 636 000 euros, sont remises, en droits et pénalités, à la charge de cette société.

Article 3 : La SAS SAP France Holding reversera à l'Etat la somme de 1 200 euros qui lui a été accordée en première instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SAS SAP France Holding tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée SAP France Holding.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2021, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme B..., présidente assesseure,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2021.

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N° 20MA00804

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00804
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CABINET ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-08;20ma00804 ?
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