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08/06/2021 | FRANCE | N°20MA04660

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 08 juin 2021, 20MA04660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme F... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Garrigues et l'Etat à leur verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre de provision, une somme totale de 307 000 euros, en réparation des préjudices résultant pour eux de la délivrance d'un permis de construire en zone inondable, ainsi qu'une somme de 11 867,23 euros au titre des dépens correspondant

aux frais d'expertise.

Par une ordonnance n° 2002781 du 4 décembre 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme F... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Garrigues et l'Etat à leur verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre de provision, une somme totale de 307 000 euros, en réparation des préjudices résultant pour eux de la délivrance d'un permis de construire en zone inondable, ainsi qu'une somme de 11 867,23 euros au titre des dépens correspondant aux frais d'expertise.

Par une ordonnance n° 2002781 du 4 décembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Garrigues à verser à M. A... et Mme D... une provision d'un montant global de 105 000 euros tous intérêts confondus, ainsi qu'une somme de 11 867,23 euros au titre des frais de l'expertise judiciaire.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2020, la commune de Garrigues, représentée par la SCP Margall-d'Albenas, demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 4 décembre 2020 ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A... et Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... et Mme D... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le caractère sérieusement contestable de la créance :

- la délivrance du permis n'est pas fautive dans la mesure où le porter à connaissance du préfet de l'Hérault est parvenu en mairie le 30 décembre 2013, et non le 12 décembre, soit trois jours après la délivrance du permis de construire ;

- il n'est parvenu à la communauté de communes du pays de Lunel qui assure l'instruction des dossiers de permis de construire que le 29 juillet 2014 ;

- le point de savoir si l'abstention fautive de retirer le permis engage la responsabilité de la commune constitue une question de droit qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher ;

- subsidiairement, il n'est pas établi que les éléments figurant dans le porter à connaissance du préfet justifiaient un retrait du permis de construire délivré ;

- l'arrêté de permis de construire a été transmis au contrôle de légalité le 20 janvier 2014 sans que les services de l'Etat n'aient été alertés sur les risques du projet ;

- les consorts D...-A..., étaient informés du caractère inondable du terrain avant la finalisation de son acquisition ;

- ils ont procédé à la construction de leur piscine alors même qu'ils adressaient des courriers à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l'Hérault relatifs à l'aléa d'inondation affectant leur parcelle ;

- les informations portées à sa connaissance en 2011 ne permettent pas de caractériser la connaissance acquise d'un risque d'inondation sur la parcelle en cause ;

- il n'y a eu aucune carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale ;

- le maire n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 125-2 du code de l'environnement ;

En ce qui concerne le montant du préjudice :

- en ce qui concerne les travaux nécessaires à la protection de la parcelle, la demande de 55 000 euros doit être rejetée dès lors que l'expert estime que les travaux correspondant ne sont pas utiles ;

- subsidiairement, l'indemnisation devrait être ramenée à la somme de 12 787,60 euros ;

- en ce qui concerne la perte de valeur vénale du bien, elle n'est pas établie ;

- l'indemnisation du trouble de jouissance et du préjudice moral doit être ramenée à de plus juste proportions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2021, M. A... et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Garrigues ;

2°) par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué en ce qui concerne l'Etat :

- de condamner solidairement la commune de Garrigues et l'Etat à leur verser, à titre provisionnel, une somme de 67 000 euros assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation à compter de leur réclamation du 10 mars 2020, en réparation du préjudice lié aux travaux nécessaires pour réduire la vulnérabilité de la maison aux inondations ;

- de condamner solidairement la commune de Garrigues et l'Etat à leur verser, à titre provisionnel, une somme de 236 250 euros en réparation du préjudice lié à la perte de valeur vénale de leur bien après réalisation des travaux d'entretien et de mitigation, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation à compter de leur réclamation du 10 mars 2020 ;

- de condamner solidairement la commune de Garrigues et l'Etat à leur verser, à titre provisionnel, une somme de 40 000 euros en réparation du préjudice de jouissance et du préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation à compter de leur réclamation du 10 mars 2020 :

- de mettre à la charge solidaire de la commune de Garrigues et de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

- la commune a commis une faute en délivrant un permis de construire en violation de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et en s'abstenant de l'assortir de prescriptions ;

- la circonstance que les autorisations d'urbanisme soient instruites par la communauté de communes du pays de Lunel est sans incidence sur la responsabilité de la commune ;

- ils n'ont pas été avertis par le maire du risque d'inondation postérieurement à la délivrance du permis ;

- ils n'étaient pas davantage informés lorsqu'ils ont décidé la construction d'une piscine ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

- la responsabilité de l'Etat doit être engagée solidairement avec celle de la commune dès lors qu'en s'abstenant de procéder au contrôle de légalité de l'arrêté du permis de construire en cause et de le déférer au tribunal administratif, il a commis une faute lourde ;

- l'Etat ne les a pas informés du risque d'inondation pendant plusieurs mois ;

En ce qui concerne le montant du préjudice :

- le point 14 de l'ordonnance du premier juge n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne les travaux recommandés pour réduire la vulnérabilité ;

- une somme de 67 000 euros doit leur être octroyée au titre des travaux de mise en place de protection de la parcelle ;

- une somme de 236 250 euros doit leur être octroyée au titre de la perte de valeur vénale de leur bien ;

- une somme de 40 000 euros doit leur être octroyée au titre du trouble de jouissance et du préjudice moral ;

- les frais de l'expertise judiciaire, qui s'élèvent à la somme de 11 867,23 euros, doivent être mis à la charge de la commune de Garrigues et de l'Etat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2021, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités conclut au rejet de la requête et au rejet des conclusions incidentes.

Elle fait valoir que :

En ce qui concerne le principe de l'obligation :

- la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée pour une carence dans l'exercice du contrôle de légalité dès lors qu'il n'a commis aucune faute, dans la mesure où il n'est pas établi que le préfet s'est abstenu de contrôler la légalité du permis, qu'il n'est pas établi que ses services ont reçu l'entier dossier de permis et qu'au vu du seul arrêté de délivrance du permis, il n'était pas manifeste qu'il devait être refusé ;

- l'Etat n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 125-2 du code de l'environnement dès lors que le porter à connaissance du 12 décembre 2013 a été publié sans délai sur le site de la préfecture, et que des informations régulières sur l'avancement du PPRI ont été mis en ligne sur le site internet de la préfecture ;

En ce qui concerne le quantum :

- les aménagements, pour un montant de 55 000 euros, ne sont pas envisageables en zone rouge naturelle du PPRI ;

- les requérants ont obtenu une subvention pour les mesures de réduction de la vulnérabilité de leur maison dont ils n'indiquent pas le montant ;

- le chiffrage des mesures est intervenu alors que le garage n'a pas été construit conformément aux prescriptions du permis délivré ;

- les requérants n'ont pas adapté les travaux alors qu'ils ont eu connaissance dès septembre 2014 des risques d'inondation ;

- la demande d'indemnisation de la perte de valeur vénale du bien n'a pas pris en compte les mesures de sécurisation susceptibles d'être mises en place.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par lettre du 28 mai 2021, de ce que le juge des référés était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions de M. A... et Mme D... dirigées contre l'Etat, qui ont le caractère d'un appel provoqué, dès lors que leur situation ne serait pas aggravée par l'ordonnance rendue sur l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Chazan, président de la 9ème chambre, pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... et Mme D... sont propriétaires d'un terrain cadastré section B, parcelles n° 733, 736 et 742 sur la commune de Garrigues. Un permis de construire pour l'édification d'une maison d'habitation avec garage, pour une surface plancher de 136 m², leur a été délivré le 27 décembre 2013. Ils ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Garrigues et l'Etat à leur verser, à titre de provision, une somme totale de 307 000 euros, en raison notamment de la faute tenant à la délivrance d'un permis de construire en dépit du caractère inondable de leur terrain, ainsi qu'une somme de 11 867,23 euros au titre des frais d'expertise. La commune de Garrigues relève appel de l'ordonnance du 4 décembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à titre de provision une somme de 105 000 euros tous intérêts confondus, ainsi que la somme de 11 867,23 euros au titre des frais de l'expertise, à M. A... et Mme D..., lesquels demandent, par la voie de l'appel incident, la condamnation solidaire de la commune et de l'Etat à leur verser une somme provisionnelle totale de 343 250 euros.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

4. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

5. M. A... et Mme D... ont déposé une demande de permis de construire pour une maison d'habitation avec garage le 14 octobre 2013, et, le 27 décembre 2013, le maire de la commune de Garrigues leur délivrait le permis sollicité. M. A... et Mme D..., qui ont procédé à l'achat de leur terrain le 7 février 2014, ont appris par la suite que le terrain d'assiette du projet était classé en zone d'aléa fort en ce qui concerne les risques d'inondations.

6. D'une part, il résulte de l'instruction, que la commune de Garrigues a été associée dès l'année 2011 à l'" Etude de la définition des zones inondables (aléas) et des enjeux du bassin versant de la Bénovie ", par une réunion ayant eu lieu le 5 juillet 2011 et une visite sur site le 16 août 2011. Par lettre du 21 novembre 2013, la commune a été conviée à une réunion devant se tenir le 12 décembre 2013 sous l'égide de la direction départementale des territoires et de la mer, et portant sur le résultat de cette étude " à l'issue de laquelle un dossier, comprenant notamment les cartes de l'aléa se rapportant à votre commune, vous sera remis sur support papier et sur support numérique. (...) ". Cette lettre précisait également que " la démarche et le calendrier prévisionnel des futurs PPRI [plans de prévention des risques d'inondation] seront également abordés ". A la suite de cette réunion à laquelle la commune de Garrigues n'était pas représentée, le pli comprenant notamment la carte de l'aléa par commune a été envoyé le 20 décembre 2013 par lettre recommandée avec accusé de réception, et a été retiré par la commune le 30 décembre. Ainsi, compte tenu de ce que la commune était informée de l'existence d'études préliminaires en cours en vue de l'élaboration du futur plan de prévention des risques d'inondation et des termes explicites dans lesquels elle a été conviée à la réunion du 12 décembre 2013 en ce qui concerne son objet, à l'occasion de laquelle elle aurait pu prendre connaissance des informations nécessaires à une connaissance précise du risque d'inondation sur le terrain des consorts A... et D..., elle doit être regardée comme ayant été en mesure d'apprécier ce risque le 27 décembre 2013, date de délivrance du permis litigieux, sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de son abstention à participer à ladite réunion ou à faire diligence pour retirer le pli contenant de telles informations.

7. D'autre part, il ressort de l'étude confiée à la société Grontmij environnement présentée lors de la réunion du 12 décembre 2013, que le terrain des consorts A... et D... était classé en aléa fort d'inondation caractérisé, à cette date, par une hauteur d'eau inférieure à 0,5 m, qui s'est d'ailleurs révélée ultérieurement être en réalité de 0,9 m, associée à une vitesse d'écoulement supérieure à 0,5 m par seconde. Le compte-rendu de cette réunion indiquait également que les documents d'urbanisme devaient désormais s'abstenir de permettre l'urbanisation en zone d'aléa fort et que les autorisations individuelles ne devaient pas être délivrées, sauf en zone urbaine d'aléa modéré.

8. Dans ces circonstances, en délivrant le permis litigieux, alors même que la construction comportait un vide sanitaire de 60 cm, la commune de Garrigues a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Compte tenu de la clarté et de la précision des informations dont elle aurait dû prendre connaissance, et dont elle était en mesure d'apprécier la portée, elle ne saurait utilement se prévaloir de ce que les dossiers de permis de construire sont instruits par la communauté de communes du pays de Lunel, qui n'a elle-même été destinataire de ces informations qu'en juillet 2014.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Garrigues n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a jugé que, dans son principe, la créance dont se prévalent les consorts A... et D... à l'égard de la commune de Garrigues n'est pas sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Sur le montant de la provision :

10. Le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

11. A titre liminaire, il ne résulte pas de l'instruction que les consorts A... et D... aient été informés du caractère inondable de leur terrain avant son acquisition et qu'ainsi, s'étant exposés en toute connaissance de cause à ce risque, les préjudices subis ne seraient pas indemnisables.

12. En premier lieu, le premier juge, après avoir relevé qu'une subvention au titre du fonds de prévention des risques naturels majeurs, à laquelle sont éligibles M. A... et Mme D..., avait été liquidée le 9 juillet 2019, et dont le paiement était en cours, a rejeté la demande d'indemnisation à titre de provision du financement des travaux pour réduire la vulnérabilité de leur parcelle. En faisant état de cette circonstance, il s'est implicitement mais nécessairement fondé sur le caractère incertain du préjudice et a ainsi suffisamment motivé son ordonnance. En appel, les propriétaires de la parcelle ne font valoir aucun élément permettant d'évaluer le montant des travaux restant à leur charge. Dès lors, le montant de la provision demandée au titre du financement de ces travaux ne revêtant aucun caractère de certitude suffisant, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté leur demande sur ce point et leur demande incidente doit être rejetée.

13. En deuxième lieu, il apparaît de manière certaine que la valeur de l'investissement des consorts A... D... est réduite notamment du fait de l'impossibilité technique de soustraire la construction au risque d'inondation, des risques auxquels cette situation expose ses occupants et leurs biens, de l'impossibilité d'une reconstruction en cas de sinistre dû à une inondation et des limitations quant aux possibilités d'extension et à la possibilité de se clore du fait de la situation du terrain. Il apparaît également que le nombre et la qualité des acquéreurs susceptibles d'être intéressés par leur propriété, compte tenu de sa situation, est susceptible d'être réduit. Le rapport de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier et le rapport émanant d'un expert judiciaire produit en appel par les intimés, estiment respectivement la valeur du bien des intimés, pour lequel ils ont engagé 408 626 euros de frais, pour l'un à 122 587 euros et pour l'autre à 236 250 euros. Ces évaluations ne sont pas utilement contredites par l'analyse succincte de l'agence " La Franchise immobilière " qui retient une valeur comprise en 380 000 et 420 000 euros mais ne comporte aucune mention du risque d'inondation produite par la commune. Cependant, l'ampleur du préjudice ne peut, en l'état, être déterminée de manière non sérieusement contestable notamment en l'absence de mise en vente du bien des consorts A... et D.... En outre, ils ont déclaré la construction d'une piscine en juillet 2015 à une période où il apparaît qu'ils étaient dûment informés du caractère inondable de leur terrain, circonstance qui est susceptible d'avoir aggravé le préjudice dont ils demandent réparation. Dans ces conditions, en leur allouant une provision de 100 000 euros au titre de la perte de valeur vénale du bien, le premier juge n'a pas évalué la fraction non sérieusement contestable de ce préjudice de manière insuffisante ni excessive. Dès lors, tant l'appel principal de la commune que l'appel incident des consorts A... et D... doivent être rejetés.

14. Enfin, compte tenu des situations d'anxiété occasionnées par les risques d'inondation de leur parcelle, l'allocation provisionnelle par le premier juge aux consorts A... et D... d'une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles de jouissance n'est ni insuffisante, ni excessive.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Garrigues n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier l'a, par l'ordonnance attaquée, condamnée à verser à M. A... et Mme D... une provision de 105 000 euros tous intérêts confondus, ainsi qu'une somme de 11 867,23 euros correspondant aux frais et honoraires de l'expert judiciaire. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête de la commune de Garrigues, ainsi que les conclusions d'appel incident présentées devant la Cour par M. A... et Mme D....

Sur les conclusions dirigées par les consorts A... et D... contre l'Etat :

16. Les conclusions des consorts A... et D... dirigées contre l'Etat à la suite de l'appel principal de la commune de Garrigues ont le caractère d'un appel provoqué. Il résulte de ce qui précède qu'au terme de l'examen de l'appel principal formulé par la commune de Garrigues, leur situation n'est pas aggravée par la présente ordonnance. Il y a lieu, dès lors, de rejeter leurs conclusions d'appel provoqué comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... et Mme D..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Garrigues demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge seulement de la commune de Garrigues une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et Mme D... et non compris dans les dépens, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la commune de Garrigues est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... et Mme D... par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué sont rejetées.

Article 3 : La commune de Garrigues versera à M. A... et Mme D... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Garrigues, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et à M. C... A... et Mme F... D....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Fait à Marseille, le 8 juin 2021.

3

N°20MA04660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 20MA04660
Date de la décision : 08/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : AUDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-08;20ma04660 ?
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