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07/06/2021 | FRANCE | N°19MA03079

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 07 juin 2021, 19MA03079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux actes introductifs d'instance, Mme A... J..., épouse F..., Mme C... J..., et Mme B... H..., veuve J..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de les décharger de l'obligation de payer la somme de 13 421 euros réclamée par une mise en demeure du 21 septembre 2017 au titre du reliquat des redevances dues à l'association syndicale autorisée (ASA) du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas, de condamner l'ASA à leur verser la somme de 13 215 euros en réparation du préjudice qu'ell

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux actes introductifs d'instance, Mme A... J..., épouse F..., Mme C... J..., et Mme B... H..., veuve J..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de les décharger de l'obligation de payer la somme de 13 421 euros réclamée par une mise en demeure du 21 septembre 2017 au titre du reliquat des redevances dues à l'association syndicale autorisée (ASA) du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas, de condamner l'ASA à leur verser la somme de 13 215 euros en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait du défaut d'entretien des ouvrages traversant leur propriété, et d'annuler la décision du 21 novembre 2017 par laquelle le président de l'ASA a refusé de faire droit à leurs demandes, ainsi que de modifier l'article 6 des statuts de l'ASA et de conclure une convention avec elles.

Par un jugement nos 1708457 et 1800487 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes des consorts J... après les avoir jointes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 juillet et le 23 septembre 2019, les consorts J..., représentées par la SCP Claire Le Bret-Desaché, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 mai 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de faire droit à leurs conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas et de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il a jugé la première affaire sans attendre les observations en défense des services de l'Etat et qu'il n'a pas joint les deux instances avec une troisième instance en cours devant le tribunal administratif de Marseille ;

- le jugement attaqué est irrégulier car il est entaché de dénaturation, d'erreur de qualification juridique et d'erreur de droit ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la tardiveté opposée à leurs conclusions à fin de décharge les prive de tout recours, ce qui méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le tribunal administratif a fait une " fausse application " du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- cette tardiveté ne pouvait leur être opposée, dès lors que la créance réclamée était dépourvue de base légale ;

- elles disposent de droits contractuels en vertu d'une convention du 3 août 1953 et d'un courrier du 27 octobre 1997 ;

- l'intégration de leurs parcelles dans le périmètre de l'ASA est illégale ;

- elle ne leur est pas opposable ;

- l'ASA de Saint-Chamas et de Miramas n'a pas d'existence légale car l'arrêté préfectoral modifiant le périmètre de l'association n'a pas été précédé d'une enquête publique ;

- les inondations récurrentes affectant leurs parcelles trouvent leur origine dans un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public ;

- elles se réfèrent à l'intégralité des moyens soulevés en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et de Miramas, représentée par la SCP Lesage D... Gouard-Robert, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par les consorts J... ;

2°) de mettre à leur charge la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance indemnitaire des requérantes est prescrite ;

- les moyens qu'elles soulèvent ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales ;

- l'ordonnance n° 2006-504 du 1er juillet 2004 ;

- le décret du 18 décembre 1927 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 21 juin 1865 ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas.

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts J... sont propriétaires de plusieurs parcelles relevant du domaine de Beauprette, à Grans.

2. Par une lettre du 21 septembre 2017, le comptable public a mis Mme A... J... en demeure de payer la somme de 13 421 euros, correspondant au solde des redevances d'irrigation dues à l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas au titre des années 2014 à 2017.

3. Par un courrier du 19 septembre 2017, le conseil des consorts J... a demandé au président de l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas de les décharger de l'obligation de payer la somme de 13 421 euros évoquée au point 2, de modifier l'article 6 des statuts de l'ASA, de signer avec elles une convention, d'effectuer des travaux sur les ouvrages traversant leur propriété et de leur verser la somme de 13 215 euros en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi du fait du défaut d'entretien de ces ouvrages. Le président de l'ASA a refusé d'y faire droit par un courrier du 20 novembre 2017.

4. Par deux actes introductifs d'instance, les consorts I... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 novembre 2017, de les décharger de l'obligation de payer la somme de 13 421 euros, et de condamner l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas à leur verser la somme de 13 215 euros. Les consorts J... font appel du jugement du 3 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes après les avoir jointes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, la circonstance que l'Etat n'ait pas produit de mémoire en défense devant le tribunal administratif dans l'instance n° 1708457 est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

6. En deuxième lieu, la jonction de deux requêtes pendantes devant la même juridiction, qui ne peut avoir d'influence sur le sens des décisions à prendre sur chacune d'entre elles, ne constitue jamais une obligation pour le juge. L'absence de jonction des deux instances sur lesquelles le tribunal administratif a statué avec une troisième instance en cours devant lui n'est constitutive d'aucune irrégularité.

7. En troisième lieu, les requérantes n'avaient pas contesté la régularité de la notification de l'arrêté préfectoral du 16 février 2011 mettant en conformité les statuts de l'ASA, qu'elles avaient elles-mêmes produit en première instance. En outre, le tribunal administratif a estimé au point 7 du jugement attaqué que les requérantes avaient eu connaissance acquise de la délibération prise courant 2012 arrêtant les bases de la répartition des dépenses. Il n'a donc pas commis d'insuffisance de motivation sur ce point.

8. En quatrième lieu, le tribunal administratif n'avait pas à évoquer expressément une pièce particulière, quand bien même les requérantes l'auraient tenue pour essentielle à leur argumentation.

9. En cinquième lieu, le tribunal administratif a jugé de façon circonstanciée, au point 8 du jugement attaqué, que les redevances dues par les intéressées avaient pour seule base légale la délibération arrêtant les bases de la répartition des dépenses, et que les moyens tirés d'actes contractuels antérieurs étaient ainsi inopérants. Ces motifs sont exempts d'insuffisance de motivation.

10. Enfin, si les requérantes font valoir, par une confusion entre moyens d'appel et cas d'ouverture du recours en cassation, que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique des faits et de dénaturation, ces moyens se rapportent en réalité au bien-fondé du jugement et sont sans incidence sur sa régularité.

Sur la décharge de l'obligation de payer les redevances d'irrigation :

11. Le tribunal administratif a jugé, aux points 3 à 5 du jugement attaqué, que les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 13 421 euros étaient tardives en application de l'article 54 du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006, dès lors que les paiements partiels successifs manifestaient la connaissance acquise des titres exécutoires émis à leur encontre le 14 avril 2014, le 20 avril 2015, le 6 juillet 2016 et le 4 avril 2017.

12. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait fait " une fausse application des dispositions du décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 " n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

13. En deuxième lieu, l'éventuel mal-fondé de la créance est, contrairement à ce que soutiennent les consorts J..., sans incidence sur la tardiveté.

14. En troisième lieu, rien ne faisait obstacle à ce que les requérantes sollicitent la décharge, fût-elle partielle, de l'obligation de payer les sommes mises à leur charge avant l'expiration du délai imparti par l'article 54 du décret du 3 mai 2006. L'impossibilité de contester le bien-fondé de la créance à l'occasion d'un acte ultérieur de poursuite n'a pas privé les requérantes du droit au recours, contrairement à ce qu'elles soutiennent. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

15. Enfin, cette tardiveté justifiait également par elle-même le rejet des conclusions dirigées contre la décision du 20 novembre 2017 en tant qu'elle refuse de les décharger de l'obligation de payer la somme correspondante.

Sur les conclusions relatives au refus de modifier les statuts de l'ASA et à la conclusion d'une convention :

16. La convention passée le 3 août 1953 entre le syndicat du corps des arrosants de Saint-Chamas et l'indivision J... prévoit l'extension des droits d'arrosage de l'indivision J... pour l'équivalent de 25 hectares, ainsi que le transport, en contrepartie du paiement d'une redevance, d'un débit de 65 litres par seconde depuis le bassin de répartition du Merle résultant de droits détenus par ailleurs par l'indivision J.... Cette dernière s'engageait par ailleurs à payer la somme de 900 000 anciens francs à titre de droit d'entrée dans le syndicat. Les associations syndicales autorisées sont des établissements publics administratifs, assurant un service public administratif, à l'égard desquels les propriétaires intéressés sont placés dans une situation légale et réglementaire. Celle-ci exclut toute relation contractuelle dont les consorts J... entendraient se prévaloir. La convention du 3 août 1953, quelle que soit la forme que ses signataires ont entendu lui donner, constitue l'acte par lequel l'indivision J... a volontairement adhéré au syndicat devenu l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et de Miramas. Cette adhésion n'était soumise à aucune formalité en application de l'article 71 du décret du 18 décembre 1927 alors en vigueur. Il suit de là que les statuts modifiés de l'ASA approuvés par l'arrêté préfectoral du 16 février 2011, qui prévoient à l'article 6 que l'ASA dispose d'un droit d'eau du domaine de Beauprette provenant du canal de Boisgelin de 65 litres par seconde - ses ouvrages mettant ensuite ce tirage à disposition dudit domaine -, et en annexe que sont incluses dans le périmètre de l'ASA les parcelles cadastrées section E n° 194 et E n° 218 pour une superficie souscrite de 25 hectares, sont conformes à l'acte d'adhésion de l'indivision J....

17. En conséquence, les requérantes ne sont fondées ni à soutenir que les parcelles en question ne seraient pas incluses dans le périmètre de l'ASA, ni qu'elles y auraient été illégalement incluses à l'occasion de la modification des statuts de l'ASA en 2011, ni que cette inclusion ne leur serait pas opposable, ni que l'ASA serait dépourvue d'existence légale dès lors que ces deux parcelles auraient été incluses dans son périmètre sans enquête publique. Ces moyens sont en outre insusceptibles de venir au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2017 en tant qu'elle refuse la modification de l'article 6 des statuts de l'ASA ou de conclure une nouvelle convention avec les consorts J....

18. Enfin, le tribunal administratif a écarté le moyen relatif au courrier du 27 octobre 1997 du président de l'ASA par des motifs appropriés, figurant au point 8 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter en appel.

Sur les conclusions relatives à l'entretien des ouvrages :

19. Les requérantes font valoir que le mauvais entretien du canal traversant certaines parcelles est à l'origine d'inondations récurrentes sur leur propriété. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, s'il résulte de l'instruction, notamment des constats d'huissier réalisés le 4 août 2011 et le 16 juillet 2013, que les parcelles cadastrées section E n° 205 et E n° 281 ont subi des inondations au cours des étés 2011 et 2013, ces constats ne permettent pas d'établir de manière certaine que ces inondations seraient imputables à un défaut d'entretien du canal, ni à un vice de conception de celui-ci, alors que le procès-verbal établi en 2011 ne fait état d'aucun désordre affectant l'ouvrage et que l'inondation du 15 juillet 2013 résulte de la chute d'un arbre ayant provoqué une brèche dans la rive gauche du canal, laquelle a été réparée par l'ASA dix jours plus tard. Le témoignage de l'agriculteur exploitant la parcelle E n° 281, qui n'évoque qu'un seul épisode d'inondation, en 2013, confirme que les inondations récurrentes dont se plaignent les consorts J... ne sont pas établies. Les fuites récurrentes sur la parcelle E n° 205 dont il fait état ne sont pas davantage établies par les pièces du dossier. L'examen des photographies figurant au constat d'huissier du 15 décembre 2017 ne révèle pas de défaut d'entretien des ouvrages, d'autant plus qu'elles ont été prises lors de la période précédant les travaux habituels de faucardage avant la remise en eau des ouvrages. Il n'y a ainsi ni manquement de l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas à son obligation d'entretenir les ouvrages, ni dommage dont les requérantes seraient susceptibles d'obtenir réparation, que ce soit sous la forme d'une indemnité ou d'une injonction adressée à l'administration.

20. Il résulte de ce qui précède que les consorts J... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

21. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge des consorts J... le versement de la somme de 2 000 euros à l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

22. En revanche, l'association syndicale n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par les consorts J... sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts J... est rejetée.

Article 2 : Les consorts J... verseront à l'ASA du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... J..., épouse F..., à Mme C... J..., à Mme B... H..., veuve J..., et à l'association syndicale autorisée du corps des arrosants de Saint-Chamas et Miramas.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. E... et Mme G..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2021.

2

No 19MA03079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03079
Date de la décision : 07/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Associations syndicales - Questions propres aux différentes catégories d'associations syndicales - Associations syndicales d'irrigation.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité encourue du fait de l'exécution - de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-07;19ma03079 ?
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