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31/05/2021 | FRANCE | N°21MA00517

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 31 mai 2021, 21MA00517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 août 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par un jugement n° 2004212 du 28 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de

Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 août 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Par un jugement n° 2004212 du 28 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 et de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une insuffisante motivation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans l'application des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour :

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistrée le 29 avril 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés en se rapportant à son mémoire de première instance.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre l'arrêté du 24 août 2020 du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes de la requête introductive d'instance de M. B..., enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 25 septembre 2020, qu'à l'appui du moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré d'une insuffisance d'examen de sa situation personnelle, M. B... faisait notamment état de l'absence de prise en compte par le préfet de l'Hérault de sa situation étudiante ainsi que de son état de santé. Dès lors, en constatant, pour écarter ce moyen, que la seule circonstance selon laquelle " le préfet ne précise pas les motifs de sa demande d'asile n'est pas de nature à révéler une insuffisance d'examen de sa situation personnelle d'ensemble ", le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier, alors que les arguments dont faisait état le requérant ne concernaient pas les motifs de sa demande d'asile, a insuffisamment motivé son jugement. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité pour ce motif et à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, l'arrêté vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. A... se disant B..., ressortissant guinéen né en 1992, se déclarant marié et sans charge de famille en France, s'est vu opposer un refus de séjour en qualité d'étranger malade le 17 janvier 2020. En outre, il mentionne qu'il a été débouté de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides par une décision du 28 décembre 2019 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 février 2020 et que sa demande de réexamen a été rejetée par l'Office le 13 mars suivant. L'arrêté indique, par ailleurs, que l'intéressé ne détient aucun droit au séjour au titre de l'asile, qu'il n'apporte aucun élément sur les craintes auxquelles il serait exposé en cas de retour en Guinée et qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, l'arrêté contesté n'est pas motivé de manière stéréotypée et le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation, manquant en fait, doit être rejeté.

5. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté, dans lequel sont notamment indiqués, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les conditions d'entrée et de séjour de M. B..., les étapes de la procédure de la demande d'asile qu'il a présentée, sa situation familiale, le précédent refus de séjour dont il a fait l'objet le 17 janvier 2020 et l'appréciation des risques de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine où il n'a pas démontré l'absence d'attaches familiales, que le préfet de l'Hérault a

procédé à l'examen de la situation personnelle du requérant. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à sa situation, tels notamment les actes de naissance de ses deux enfants résidant avec leur mère en Guinée, un certificat de scolarité, un certificat de non excision de sa fille et un autre d'excision de son épouse ainsi qu'une attestation de son épouse, n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation. Ce moyen sera donc écarté.

6. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. B... fait valoir qu'il s'est inscrit à l'université de Montpellier en troisième année de licence Administration économique et sociale (AES), qu'il est bénévole dans plusieurs associations où il donne entière satisfaction et qu'il mène une lutte active contre l'excision. Toutefois, ces seules circonstances, alors que, d'une part, l'entrée en France de l'intéressé est relativement récente à la date de l'arrêté attaqué et que, d'autre part, son épouse et sa fille sont restées en Guinée, où il ne démontre pas l'impossibilité pour sa famille d'être reconstituée, ne sont pas de nature à faire regarder M. B... comme ayant déplacé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France de telle sorte qu'en prenant une mesure d'éloignement à son encontre, le préfet aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et alors que ces circonstances ne témoignent pas davantage d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle, le moyen soulevé à ce titre et celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 24 août 2020 l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions d'annulation dirigées contre la décision fixant le pays de destination :

9. D'une part, aux termes de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

10. Si M. B... fait valoir que la Cour nationale du droit d'asile a tenu pour établi, malgré le rejet de son recours dirigé contre le refus opposé par l'OFPRA à sa demande l'asile, son engagement contre l'excision en Guinée ainsi que son récit relatif à son combat pour protéger sa jeune enfant âgée de cinq ans d'une telle mutilation, les craintes de persécutions et de

représailles de la part de sa famille, opposée à son engagement, qu'il soutient encourir en cas de retour dans son pays d'origine, ne sont quant à elles démontrées par aucune pièce du dossier, de telle sorte qu'il ne peut être regardé comme étant exposé personnellement et actuellement en cas de retour en Guinée à des traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations précitées. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que sa fille vit sous la protection d'une ONG " Les amis du monde " en Guinée, cette seule circonstance ne suffit pas à établir la réalité des craintes de représailles alléguées. Dans ces conditions, en fixant les pays à destination desquels l'intéressé pourra être reconduit, et notamment en n'excluant pas la Guinée de ceux-ci, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni davantage commis d'erreur d'appréciation. Les moyens soulevés en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

Sur les conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier (...) alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ".

12. Le requérant soutient que la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français l'empêche, alors qu'il souhaite protéger sa jeune enfant de la menace d'excision qui pèse sur elle en Guinée, de revenir de façon légale sur le territoire français avec cette dernière. Toutefois, en l'absence de circonstance humanitaire justifiant qu'il ne fasse pas l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français, cette seule circonstance n'est pas de nature à faire regarder le préfet, en prononçant une telle mesure et en lui fixant une durée de six mois, comme ayant commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 24 août 2020 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de ces décisions et, par voie de conséquence, celles présentées en première instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans les circonstances de l'espèce, celles présentées sur le même fondement devant la Cour.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2004212 du 28 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président

- Mme D... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2021.

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N° 21MA00517

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00517
Date de la décision : 31/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-31;21ma00517 ?
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