La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2021 | FRANCE | N°18MA04994

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 05 mars 2021, 18MA04994


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Marlain a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 19 mai 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Caussols a, d'une part, constaté que la convention d'occupation du domaine public concernant les locaux de l'auberge communale était arrivée à échéance le 30 septembre 2012 et qu'elle était sans droit, ni titre depuis cette date et, d'autre part, décidé que ces locaux devront être libérés au plus tard le 6 juillet 2015.

Par un jugement n° 1502

847 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Marlain a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 19 mai 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Caussols a, d'une part, constaté que la convention d'occupation du domaine public concernant les locaux de l'auberge communale était arrivée à échéance le 30 septembre 2012 et qu'elle était sans droit, ni titre depuis cette date et, d'autre part, décidé que ces locaux devront être libérés au plus tard le 6 juillet 2015.

Par un jugement n° 1502847 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 novembre 2018 et 31 août 2020, sous le n° 18MA04994, la Sarl Marlain, représentée par Me A... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 septembre 2018 ;

2°) d'annuler cette délibération du 19 mai 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Caussols la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la qualification des locaux de dépendance du domaine public est erronée dès lors que d'une part, la commune a prononcé la désaffectation de la salle considérée comme mairie par une délibération du 14 septembre 1973 et, d'autre part, les activités de commerce exploitées dans le reste du bâtiment ne constituent pas un service public ;

- ces locaux n'ont pas été spécialement aménagés en vue de remplir une mission de service public ;

- à supposer que les locaux appartiennent au domaine public, ils ont fait l'objet d'un déclassement depuis lors ;

- le tribunal a estimé à tort qu'il ne pouvait y avoir de tacite reconduction ;

- la requérante n'étant pas occupante sans droit ni titre, la commune ne pouvait résilier la convention en cours sans justifier d'un motif d'intérêt général ou d'une faute suffisamment grave, ce qu'elle ne démontre pas ;

- elle se devait de respecter une procédure contradictoire avec mise en demeure de résiliation ;

- la résiliation en litige est donc fautive.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 avril 2019 et 9 septembre 2020, la commune de Caussols, représentée par la Serarl Landot et Associés conclut au rejet de la requête de la Sarl Marlain et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête de la Sarl Marlain est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la Sarl Marlain ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la Sarl Marlain et de Me D... pour la commune de Caussols, en présence de M. B... maire de la commune de Caussols.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Caussols a installé, dans l'immeuble qui a abrité jusqu'au 1er octobre 1973 sa mairie, un commerce de restaurant-bar-boulangerie-épicerie et de location de chambres meublées. Elle a loué ces locaux à M. C... dans le cadre d'un contrat de concession de biens communaux conclu le 10 octobre 1975 qui lui faisait obligation de respecter un cahier des charges signé le 26 avril 1975. Par un acte notarié en date du 8 mars 1984, M. C... a acheté à la commune de Caussols le fonds de commerce exploité sous l'enseigne " Auberge de Caussols ". A la suite de cette acquisition, un bail à loyer commercial a été conclu le 8 mars 1984 avant d'être résilié par anticipation et remplacé, le 16 juin 2004, par un nouveau bail à loyer commercial d'une durée de neuf ans, se terminant le 30 septembre 2012. La Sarl Marlain a acquis, le 28 avril 2008, le fonds de commerce de M. C... et s'est ainsi trouvée subrogée dans les droits de M. C.... Par la délibération du 19 mai 2015, le conseil municipal de la commune de Caussols a, d'une part, constaté que la convention d'occupation du domaine public concernant les locaux de l'auberge communale était arrivée à échéance le 30 septembre 2012 et que la Sarl Marlain était sans droit, ni titre depuis cette date et, d'autre part, décidé que ces locaux devront être libérés au plus tard le 6 juillet 2015. La Sarl Marlain relève appel du jugement du 28 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 19 mai 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dont la partie législative est issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ". L'article L. 2141-1 du code précité dispose que : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement. ". Aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 21 avril 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juillet 2006.

3. Quelle que soit la qualification donnée par les parties à une convention par laquelle une personne publique confère à une personne privée le droit d'occuper un bien dont elle est propriétaire, l'appartenance de celui-ci au domaine public était, avant l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques, dont la partie législative est issue de l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, subordonnée, sauf si le bien était directement affecté à l'usage du public, à la double condition qu'il ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Caussols, petit village de 229 habitants, est propriétaire de l'immeuble dit " Auberge de Caussols " loué à la Sarl Marlain. Avant le 14 septembre 1973, une pièce de cet immeuble était réservée aux services de la mairie et était ainsi affectée à un service public administratif et spécialement aménagée à cet effet, constituant ainsi une dépendance du domaine public communal. Par ailleurs, selon le cahier des charges signé le 26 avril 1975, les locaux concédés à M. C... pour une durée de dix ans, par un contrat de concession du 10 octobre 1975 comprenaient aussi un four à cuire le pain et les ustensiles nécessaires à la panification, deux salles de restaurant, un bar et une cuisine situés au rez-de-chaussée, ainsi que quatre pièces situées au premier étage. L'article 2 de ce cahier des charges imposait au concessionnaire de tenir ouvert, toute l'année, un débit de tabacs et une épicerie, pour permettre, dans l'intérêt général, l'approvisionnement quotidien des habitants de la commune. Il devait, également, selon l'article 3 de ce cahier, assurer la réception et la distribution des télégrammes et avis d'appel des Postes et Télécommunication et payer une redevance annuelle à la commune en vertu de l'article 4 du cahier des charges précité. L'article 3 ajoutait que l'obligation deviendrait caduque si " l'Administration des Postes confiait cette distribution à un facteur rural distributeur ou à tout autre agent de son choix ". Une délibération du même jour mentionnait que le concessionnaire assumera les obligations précitées inscrites dans le cahier des charges, ainsi que le fonctionnement de la cabine téléphonique. Dès lors, la commune de Caussols a entendu affecter ce bâtiment à une activité de service public à l'intention de ses habitants, leur permettant un approvisionnement en produits de première nécessité en vue de pallier l'absence d'initiative privée et un accès aux services postaux qui n'étaient pas assurés par les opérateurs nationaux, ledit bâtiment étant spécialement aménagé à cet effet par la présence de divers équipements nécessaires à son exploitation, dont notamment un four à pain et une cabine téléphonique. Ainsi elle a confié au concessionnaire une mission de service public. Sont sans incidence les circonstances que le cahier des charges et la délibération du 14 septembre 1973 ne font pas référence à une appartenance au domaine public ni à un service public alors que, au demeurant, ce cahier mentionne l'intérêt général de l'approvisionnement quotidien des habitants de la commune, et que le service chargé du contrôle de légalité n'a formulé aucune objection sur les " baux commerciaux ". Il en va de même de la délibération du 14 novembre 1982 qui a pour objet la vente du fonds de commerce communal à M. C... alors même qu'elle ferait référence à " un fonds de commerce " et mentionnerait que la gérance de ce fonds a été confiée à de nombreux gérants, sans grand profit pour la commune. Si la société Marlain soutient que la commune ne produit aucun acte d'incorporation des locaux dans le domaine public ainsi qu'une délibération montrant sa volonté d'ériger l'activité de bar-restaurant de " l'Auberge de Caussols " en service public, une telle volonté ressort du cahier des charges signé le 26 avril 1975 et de la délibération du même jour approuvant ce cahier et autorisant le maire à signer l'acte de concession, sans qu'il soit nécessaire pour la collectivité de prendre une décision de classement dans le domaine public en ce sens. Les circonstances que, d'une part, une délibération du 14 septembre 1973 a prononcé la désaffectation de la salle considérée comme mairie dans l'immeuble communal à usage de bar-restaurant et que, d'autre part, la commune a signé, le 16 juin 2004, un " bail commercial " avec M. C..., ne sauraient avoir eu pour effet d'entraîner le déclassement implicite du domaine public de l'immeuble, lequel est en tout état de cause impossible. Par suite, à la date de la délibération contestée et en l'absence de mesure expresse de déclassement les concernant spécialement, ces locaux continuaient à constituer une dépendance du domaine public communal.

5. Il ressort de la convention conclue le 16 juin 2004 que celle-ci ne comportait aucune clause de tacite reconduction, dont l'existence ne saurait être établie par la circonstance qu'elle mentionne que " le bailleur donne à bail à loyer commercial, conformément aux articles L. 145-1 à L. 145-60 du code du commerce au preneur ". Sa durée étant de neuf années qui ont commencé à courir rétroactivement à compter du 1eroctobre 2003 pour se terminer le 30 septembre 2012, la commune de Caussols a pu légalement estimer que la Sarl Marlain était sans droit ni titre à la date de la délibération contestée. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait procédé à une résiliation fautive au cours de la convention sans justifier d'un motif d'intérêt général, d'une faute suffisamment grave ou du respect d'une procédure contradictoire avec mise en demeure préalable.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Caussols, que la Sarl Marlain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 19 mai 2015.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Caussols, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la Sarl Marlain demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Sarl Marlain la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Caussols et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Sarl Marlain est rejetée.

Article 2 : La Sarl Marlain versera à la commune de Caussols une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Marlain et à la commune de Caussols.

Délibéré après l'audience du 19 février 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2021.

2

N° 18MA04994

nl


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : AONZO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 05/03/2021
Date de l'import : 16/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA04994
Numéro NOR : CETATEXT000043240781 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-03-05;18ma04994 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award