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18/02/2021 | FRANCE | N°20MA02162

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 18 février 2021, 20MA02162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) RGMB a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 octobre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602770 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18MA00802 du 12 avril 2019, la cour administrative d'appel de

Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) RGMB a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 octobre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602770 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18MA00802 du 12 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.

Par une décision n° 431641 du 1er juillet 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant cette même Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Les parties ont été informées, le 20 juillet 2020, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par un mémoire, enregistré le 19 août 2020, la SARL RGMB, représentée par Me A..., demande à la Cour de rejeter le recours présenté par le ministre de l'action et des comptes publics et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'identité juridique entre le bien acheté et le bien revendu était conservée dès lors que l'état de délabrement avancé du bien immobilier édifié sur le terrain acquis le rend impropre à un quelconque usage ;

- en tout état de cause, la circonstance qu'il y a une identité juridique entre l'acte d'acquisition et l'action de cession est sans incidence, dès lors qu'elle a acquis un bien immobilier en vue de sa revente conformément à la lettre de l'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006.

Par un mémoire, enregistré le 20 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance maintient les conclusions de son recours et se réfère aux moyens soulevés dans son mémoire produit dans le cadre du pourvoi en cassation ainsi qu'à ses écritures antérieures.

Par ordonnance du 21 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2020.

Un mémoire, présenté pour la société RGMB, a été enregistré le 2 février 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme B..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement du président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public.

Une note en délibéré, présentée pour la société RGMB, a été enregistrée le 8 février 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL RGMB, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis le 19 juillet 2012 un ensemble immobilier constitué d'un terrain sur lequel était implantée une maison d'habitation. Cet ensemble immobilier a fait l'objet, après son acquisition, d'une division en neuf parcelles, l'une constituée d'un terrain supportant la construction et les huit autres de terrains nus. Ces neuf parcelles ont été cédées en six lots entre le 18 novembre 2012 et le 30 juillet 2014. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle lui ont été réclamés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, dont elle avait fait application pour les opérations de cession de terrains à bâtir. Par un jugement du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge de ces impositions. Par un arrêt du 12 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement. Par une décision du 1er juillet 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en raison de l'erreur de droit commise par la Cour en jugeant que la SARL RGMB pouvait prétendre au bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts au seul motif que l'acquisition du bien cédé n'avait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant que ne faisait pas obstacle à la mise en oeuvre de ce régime la circonstance que les biens cédés comme terrains à bâtir n'avaient pas été acquis comme tels. Le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire devant la Cour.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 susvisée, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti.

5. Il résulte de l'instruction que les terrains à bâtir cédés par la SARL RGMB faisaient partie, au moment de leur acquisition, d'une seule et même unité foncière supportant une maison d'habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d'immeuble bâti et non de terrain à bâtir. La circonstance que la maison d'habitation n'a pas été démolie est à cet égard sans incidence sur le changement de qualification juridique des terrains entre leur acquisition et leur revente. Les biens cédés par la SARL RGMB n'ayant pas, au moment de leur acquisition, le caractère de terrain à bâtir mais celle d'un terrain bâti, la société ne pouvait se placer, pour vendre ces terrains, sous le régime de la taxation sur la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les cessions des parcelles pouvaient être placées, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société était redevable, sous le régime de la marge.

6. Il appartient toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL RGMB devant le tribunal administratif et devant la Cour.

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, qu'alors même qu'elle a acquis un bien immobilier en vue de sa revente, la SARL RGMB n'est pas fondée à soutenir qu'est sans incidence sur la mise en oeuvre des règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée prévues par les dispositions, citées au point 3, la circonstance que la qualification juridique du bien en cause a été modifiée entre son acquisition et sa vente.

8. En deuxième lieu, la SARL RGMB se prévaut de la doctrine référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 12 septembre 2012, selon laquelle : " 120 (...) on ne doit entendre par immeuble bâti qu'une construction qui se trouve en état d'être utilisée en tant que telle pour un usage quelconque sans qu'il soit nécessaire à cette fin d'y réaliser un immeuble neuf au sens de la définition exposée au 2° du 2 du I de l'article 257 du CGI, et ce, même si cette construction est destinée à être démolie par l'acquéreur. En sens inverse, dès lors qu'il est situé dans une zone où les constructions peuvent être autorisées, un immeuble dont l'état le rend impropre à un quelconque usage devra être assimilé à un terrain à bâtir (ruine résultant d'une démolition plus ou moins avancée, bâtiment rendu inutilisable par suite de son état durable d'abandon, immeuble frappé d'un arrêté de péril, chantier inabouti, etc...) / Remarque : La définition de l'article 257-I-2-2° du CGI englobe les constructions nouvelles, les surélévations et les remises à l'état neuf. ". Si la SARL RGMB fait valoir que l'état délabré de l'immeuble présent sur le terrain le rendait impropre à toute utilisation et que, de ce fait, le terrain ne devait pas être regardé comme un terrain bâti, les éléments produits, en particulier les documents photographiques et procès-verbal de constat d'huissier en date du 20 septembre 2012, font état de fissures mais n'établissent pas l'état de délabrement allégué de la maison implantée sur le terrain d'assiette en litige, la rendant impropre à un quelconque usage, permettant d'assimiler le terrain à un terrain à bâtir. La SARL RGMB n'entre ainsi pas dans les prévisions de l'instruction dont elle se prévaut.

9. En dernier lieu, la SARL RGMB ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de la réponse ministérielle " Vogel " publiée au Journal officiel du Sénat le 17 mai 2018, qui est en tout état de cause, postérieure à la période d'imposition en litige, ni du rapport n° 278 du sénateur Philippe Marini qui concerne l'acquisition et la revente d'un terrain à bâtir.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 31 119 euros au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 octobre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, et à demander l'annulation du jugement.

11. L'Etat n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SARL RGMB relatives aux frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 4 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 31 119 euros au titre de la période du 1er octobre 2012 au 31 octobre 2014, ainsi que les pénalités correspondantes, sont remis à la charge de la SARL RGMB.

Article 3 : Les conclusions de la SARL RGMB sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée RGMB.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 février 2021, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C..., premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2021.

6

N° 20MA02162

fa


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : MAUREL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 18/02/2021
Date de l'import : 27/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20MA02162
Numéro NOR : CETATEXT000043172739 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-18;20ma02162 ?
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