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16/02/2021 | FRANCE | N°19MA05017

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 février 2021, 19MA05017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1701092 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2019 et le 25 mars 2020, M.

et Mme C..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1701092 du 25 septembre 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2019 et le 25 mars 2020, M. et Mme C..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 25 septembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Nice n'a pas répondu au moyen selon lequel la quantité de résine de cannabis dont M. C... a eu la libre disposition s'élève à 32 kilogrammes et non pas à 82 kilogrammes ;

- l'administration ne les a pas informés des conditions, mentionnées à l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, dans lesquelles elle a su que M. C... avait été condamné et pouvait être regardé comme ayant eu la libre disposition de produits stupéfiants ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- la quantité de résine de cannabis dont M. C... a eu la libre disposition n'est égale qu'au cinquième de quantité retenue, quatre autres personnes ayant été également condamnées dans le cadre du trafic de stupéfiants ;

- la quantité de résine de cannabis dont M. C... a eu la libre disposition s'élève à 32 kilogrammes et non pas à 82 kilogrammes, deux commandes de 30 kilogrammes et 20 kilogrammes ayant été interceptées avant qu'il ne les récupère.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 février 2020 et le 17 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre notamment de l'année 2012. Au cours de ce contrôle, l'administration a fait usage de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et a été informée de la condamnation de M. C... par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 octobre 2014 pour trafic de stupéfiants. Estimant qu'il avait eu la libre disposition d'une quantité de 82 kilogrammes de résine de cannabis devant être valorisée à la somme de 164 000 euros, elle a rehaussé la base imposable du même montant sur le fondement de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts et a ainsi assujetti M. et Mme C..., selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2012, et aux pénalités correspondantes. M. et Mme C... font appel du jugement du 25 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Nice a répondu, et de manière suffisante, au point 10 du jugement attaqué, au moyen soulevé par M. et Mme C... selon lequel la quantité de résine de cannabis dont M. C... avait la libre disposition s'élevait à 32 kilogrammes et non pas à 82 kilogrammes.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'article L. 82 C du même livre dispose que : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ".

4. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

5. L'administration a indiqué à M. et Mme C..., dans la proposition de rectification du 3 septembre 2015, qu'elle avait procédé à l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et qu'elle avait ainsi pu consulter le dossier pénal de M. C..., notamment l'arrêt du 27 octobre 2014 dont des extraits étaient reproduits. Ainsi, elle les a informés avec une précision suffisante de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle avait obtenus.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.

7. L'administration a indiqué, dans la proposition de rectification du 3 septembre 2015, l'année d'imposition, les impôts et contributions concernés et ainsi que la base d'imposition pour chacun d'eux. Elle a mentionné, de manière suffisamment précise, les motifs des rectifications envisagées, notamment en indiquant que la valorisation des produits stupéfiants, en particulier le prix de 2 000 euros pour un kilogramme de résine de cannabis, était fondée sur les prix fournis par trois organismes dont les noms étaient cités. En tout état de cause, la circonstance que l'administration n'aurait pas détaillé, dans la proposition de rectification, les modalités de mise en oeuvre de la demande de renseignements à l'autorité judiciaire est sans incidence sur la régularité de la motivation de la proposition de rectification.

8. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l'acquisition desdits biens à crédit (...) / 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : / a ; crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal (...) ". L'article 222-37 du code pénal dispose que : " (...) la détention, (...) l'acquisition illicites des stupéfiants sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 7 500 000 euros d'amende (...) ".

9. D'autre part, les constatations de fait qui sont le soutien nécessaire d'un jugement pénal définitif de condamnation statuant sur le fond de l'action publique sont revêtues de l'autorité absolue de chose jugée.

10. Par un arrêt du 27 octobre 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné M. C... pour un trafic " portant sur au moins 82 kilogrammes de résine de cannabis ". Il ressort de ce jugement qu'il a réceptionné une livraison de 18 kilogrammes le 10 août 2012 et une autre de 14 kilogrammes le 28 août 2012. En outre, ainsi qu'il ressort également de cet arrêt, M. C... était le destinataire de deux autres livraisons de 30 kilogrammes et de 20 kilogrammes de résine de cannabis. La circonstance qu'elles aient été interceptées respectivement à la frontière espagnole le 17 août 2012 et par des enquêteurs dans un véhicule en panne le 11 septembre 2012, avant qu'elles ne lui soient livrées, ne fait pas obstacle à ce que M. C... soit regardé, pour l'application des dispositions précédemment citées du code général des impôts, comme ayant eu la libre disposition de ces biens qu'il avait commandés et qu'il avait d'ailleurs parfois commencé à vendre à ses clients avant qu'il n'en ait eu la livraison.

11. En outre, il ne ressort pas de cet arrêt du 27 octobre 2014 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence que les autres participants à ce réseau de trafic de stupéfiants dont M. C... était le seul dirigeant auraient eu la libre disposition de la résine de cannabis importée en France. Ainsi, en l'absence de preuve contraire apportée par M. et Mme C..., ceux-ci sont donc présumés avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de cette quantité de 82 kilogrammes de résine de cannabis.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. et Mme C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 février 2021, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2021.

2

N° 19MA05017

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05017
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Interprétation

Analyses

19-04-01-02-03-05 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Évaluation forfaitaire du revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP DELPLANCKE - LAGACHE - MARTY - POZZO DI BORGO - ROMETTI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-16;19ma05017 ?
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