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21/01/2021 | FRANCE | N°20MA00075

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 21 janvier 2021, 20MA00075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019, par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a enjoint de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une année, et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1906303 du 28 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Pro

cédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2020, M. C..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2019, par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a enjoint de quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une année, et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1906303 du 28 novembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 28 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros TTC en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement attaqué qui écarte le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir et méconnait la liberté constitutionnelle de se marier ainsi que l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait en outre l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus d'accorder un délai de départ volontaire méconnait l'article 7 de la directive " retour " qui impose d'accorder un délai approprié allant de sept à trente jours. Les dispositions de droit interne doivent être interprétées conformément à cette directive et l'irrégularité du séjour n'est pas suffisante pour justifier l'absence de délai ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une année est illégale, alors que l'absence d'intention matrimoniale n'est pas démontrée ;

- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement doit être annulée, car il encourt des risques dans son pays d'origine sur le fondement de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'assignation à résidence sera annulée, par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement sans délai.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 26 novembre 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales a enjoint à M. C..., ressortissant algérien, de quitter le territoire national sans délai, a assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence. M. C... relève appel du jugement du 28 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". En l'espèce, pour écarter le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir, le magistrat désigné du tribunal, après avoir rappelé les termes de l'article L. 511-1 I 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que, par un courrier du 4 novembre 2019, le Procureur de la République de Perpignan avait décidé, sur le fondement de l'article 175-2 du code civil, de surseoir à la célébration du mariage de l'intéressé avec une ressortissante française pour une durée d'un mois renouvelable en se fondant sur des pièces faisant apparaître, outre le fait que cette dernière s'était présentée en mairie avec des marques de coups sur le visage, des déclarations contradictoires du couple de nature à démontrer que le projet n'était pas fondé sur une intention matrimoniale sérieuse et que le certificat médical attestant qu'elle pratique la boxe ne permet pas de regarder le préfet comme ayant agi avec précipitation ou comme l'ayant déloyalement convoqué dans le seul but de prévenir le mariage. Ces motifs permettaient de comprendre les raisons pour lesquelles le moyen en cause était écarté et le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

4. En premier lieu, les moyens selon lesquels l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir et méconnait la liberté constitutionnelle de se marier ainsi que l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par adoption des motifs aux points 3 et 4 du jugement qui n'appellent pas de précision en appel.

5. En second lieu, le requérant qui est arrivé en France le 20 octobre 2018, soit depuis treize mois seulement à la date de la décision attaquée, et dont le caractère réel et sérieux de l'intention matrimoniale avec une ressortissante française a été remis en cause par un courrier du procureur de la République de Perpignan du 4 novembre 2019 qui a décidé, sur le fondement de l'article 175-2 du code civil, de surseoir à la célébration du mariage, ne démontre pas avoir fixé en France l'ensemble de ses intérêts privés et personnels.

6. Par suite, les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement doivent être rejetées.

En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du CESEDA, en vigueur à la date de la décision attaquée : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / [...] Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : [...] / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : [...] / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité... ". Il ressort de la décision attaquée que le préfet se fonde non seulement sur le fait que l'intéressé se maintient irrégulièrement sur le territoire national depuis le 20 août 2019, mais aussi sur le fait qu'il ne présente pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité, ce qui permettait au préfet de ne pas accorder de délai de départ volontaire en application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 II du CESEDA. Si le requérant soutient qu'il convient de faire une interprétation conforme de cette disposition au regard de la directive " retour ", il ne démontre, ni même n'allègue que cette dernière aurait été mal transposée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le refus d'accorder un délai de départ volontaire est illégal et doit être annulé.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

8. Le moyen tiré de l'existence de risques dans son pays d'origine sur le fondement de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, par adoption des motifs aux points 8 et 9 du jugement, qui n'appellent pas de précision en appel.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français d'une année :

9. Aux termes de l'article L. 511-1 du CESEDA : " III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour[...]La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. / L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour... ". En l'espèce, l'arrêté précise qu'une interdiction de retour d'une année est édictée à l'encontre de l'intéressé notamment car il ne justifie pas d'un billet de retour dans son pays d'origine, car il a été débouté de sa demande d'asile et car il ne démontre pas avoir en France des liens personnels et familiaux anciens et stables. Et il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision d'interdiction de retour d'une année serait motivée par l'absence d'intention matrimoniale ou la volonté de faire obstacle à son mariage avec une ressortissante française.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

10. Ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7, les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement sans délai doivent être rejetées. Par suite, le moyen selon lequel la décision d'assignation à résidence doit être annulée, par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D....

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 janvier 2021.

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N° 20MA00075

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00075
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-21;20ma00075 ?
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