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31/12/2020 | FRANCE | N°19MA05675

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 décembre 2020, 19MA05675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902820 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée

le 20 décembre 2019, sous le n° 19MA05675, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902820 du 12 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, sous le n° 19MA05675, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil Me B... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les observations de Me B... représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 28 décembre 1981 de nationalité arménienne, relève appel du jugement du 12 juillet 2019 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Il ressort tant des pièces du dossier que des termes de la décision contestée que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen de l'ensemble de la situation administrative, personnelle et familiale de M. C... avant de lui refuser l'admission au séjour. La circonstance que le préfet n'ait pas invoqué la nationalité russe de son épouse n'est pas de nature à établir que la décision en litige serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France le 5 février 2013 selon ses déclarations. Il n'est pas contesté qu'il y séjournait depuis près de cinq ans à la date de la décision en litige. Le requérant est marié, depuis le 17 juin 2017, à une ressortissante de nationalité russe avec laquelle il a deux enfants nés, sur le territoire national, les 22 avril 2015 et 12 novembre 2018. Un troisième enfant est né le 28 mars 2011 d'une union précédente de l'épouse de M. C.... Toutefois, ce dernier a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 22 mars 2016 qu'il n'a pas exécutée. Si par arrêté du 13 juin 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a retiré l'arrêté du 9 juillet 2018 dont l'épouse du requérant faisait l'objet portant refus de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination, ce retrait n'est pas de nature à établir que celle-ci bénéficiait pour autant d'un titre de séjour à la date de la décision querellée lui permettant de se maintenir légalement sur le territoire français. Si les certificats médicaux versés au débat démontrent que l'état de santé du père de M. C... nécessite une assistance quasi constante, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle aide ne pourrait pas lui être apportée par une autre personne que l'intéressé, notamment par l'un des autres membres de sa famille, tous titulaires, soit d'un titre de séjour, soit de la nationalité française. Si selon le certificat médical établi par un neurologue, le 31 janvier 2020, la mère du requérant souffre de troubles en rapport avec une maladie d'Alzheimer, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée, dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que ces troubles existaient à la date de cette décision. Ainsi, M. C... ne démontre pas qu'il ne pourrait pas reconstituer sa vie familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans, avec ses enfants lesquels pourront y poursuivre leur scolarité dès lors qu'ils sont actuellement scolarisés dans une école bilingue franco-arménienne et alors qu'il n'est pas établi que la nationalité russe de son épouse constituerait un obstacle à son installation en Arménie avec les autres membres de la famille. Les circonstances que l'appelant bénéficie d'une promesse d'embauche, du 24 avril 2018, en qualité d'ouvrier au sein d'une entreprise de travaux de rénovation et qu'il suivrait des cours de français auprès de l'association culturelle et linguistique franco-russe ne suffisent pas à démontrer son insertion socioprofessionnelle en France. Il en va de même des attestations de connaissances produites au dossier. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de M. C... en France, la décision contestée n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, rien ne fait obstacle à ce que M. C... reparte avec son épouse et leurs enfants dans son pays d'origine où ces derniers pourront poursuivre leur scolarité. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

7. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 6, M. C... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

8. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 2, 4 et 6, M. C... n'est pas fondé à invoquer à l'encontre de la décision en litige, le défaut d'examen de sa situation, la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes du dernier alinéa du I de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Par la décision contestée, le préfet des Bouches-du-Rhône a informé M. C... qu'à défaut d'exécution volontaire du présent arrêté à l'expiration du délai de trente jours, l'obligation de quitter le territoire français sera exécuté d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 4, d'une part, à la date de l'arrêté en litige, l'épouse de l'intéressé ne faisait plus l'objet d'une mesure d'éloignement à destination d'un pays autre que l'Arménie et, d'autre part, ne faisait état d'aucune circonstance qui s'opposait, bien qu'elle soit de nationalité russe, à son installation dans ce pays avec les autres membres de la famille. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée permettrait de renvoyer M. C... dans un pays différent de celui de sa conjointe et aurait pour effet de séparer les enfants de l'un de leurs parents en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 juillet 2018.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Coutier, premier conseiller,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.

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N° 19MA05675

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05675
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-31;19ma05675 ?
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