La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2020 | FRANCE | N°17MA05071

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 décembre 2020, 17MA05071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 août 2015 par lequel le maire de Junas a refusé de lui délivrer un permis de construire relatif à l'extension et à la restructuration du " Domaine de Christin ".

Par un jugement n° 1503449 du 31 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 décembre 2017, 30 octobre 2018 et 27 mars 2019, M. B.

.., représenté par la SCP Berenger - Blanc - Burtez - Doucede et Associés, demande à la Cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 août 2015 par lequel le maire de Junas a refusé de lui délivrer un permis de construire relatif à l'extension et à la restructuration du " Domaine de Christin ".

Par un jugement n° 1503449 du 31 octobre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 décembre 2017, 30 octobre 2018 et 27 mars 2019, M. B..., représenté par la SCP Berenger - Blanc - Burtez - Doucede et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 août 2015 du maire de Junas ;

3°) d'enjoindre au maire de Junas de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite dans le délai de huit jours sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Junas une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir été signé conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, en ce que le tribunal s'est borné à examiner le moyen relatif à l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France alors que l'arrêté en litige repose sur trois motifs et en ce que le tribunal n'a pas justifié sa décision en faisant apparaître le mal-fondé de tous les moyens invoqués par le requérant alors que l'autorité administrative n'était pas liée par l'avis de l'architecte des Bâtiments de France ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que cet arrêté s'analyse en réalité comme un retrait d'une autorisation tacite ;

- le maire n'était pas lié par l'avis de l'architecte des Bâtiments de France dès lors qu'il n'existe aucune covisibilité entre le projet et le Mas de Christin ;

- l'avis de l'architecte des Bâtiments de France est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit ;

- le motif tiré du caractère insuffisant du dossier de demande de permis de construire est illégal dès lors que ce dossier était complet ;

- le motif tiré de ce que le projet litigieux méconnaît les dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme relatives aux clôtures ne justifie pas le refus de permis en litige ;

- le motif tiré de ce que le hangar litigieux destiné en partie à la location de chevaux est contraire à la vocation de la zone A du plan local d'urbanisme est illégal ;

- le motif tiré de ce que la piscine projetée n'est pas nécessaire à l'activité agricole méconnaît l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le motif tiré de ce que l'extension projetée en vue du logement des exploitants n'est pas nécessaire à l'exploitation agricole est illégal ;

- le motif tiré de ce que les gîtes ruraux projetés ne seraient pas nécessaires à l'exploitation agricole méconnaît l'article A 2 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2018 et 14 février 2019, la commune de Junas, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B..., et de Me F..., représentant la commune de Junas.

Une note en délibéré présentée par la commune de Junas a été enregistrée le 12 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 août 2015, le maire de Junas a refusé de délivrer à M. B... un permis de construire en vue de l'extension de l'un des quatre logements existants, de la démolition et de la reconstruction de deux hangars agricoles adossés à un bâtiment existant, de la création de cinq gîtes ruraux dans le volume des bâtiments existants et de l'édification de clôtures avec deux portails d'accès, d'une piscine ainsi que de deux bâtiments agricoles sur un terrain dénommé " Domaine de Christin " situé en zone A au plan local d'urbanisme et à proximité du Mas de Christin, monument inscrit au titre des monuments historiques. M. B... fait appel du jugement du 31 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. B... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. En second lieu, les premiers juges ont estimé que, le maire de Junas étant en situation de compétence liée pour prendre l'arrêté de refus contesté, les autres moyens dirigés à son encontre étaient dès lors inopérants. En statuant ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble de arguments soulevés par M. B... à l'appui de ses moyens a répondu à l'intégralité de ceux-ci. Son jugement n'est ainsi entaché d'aucune omission à statuer.

Sur la recevabilité de la demande devant le tribunal :

5. Il résulte des articles L. 621-31, L. 621-32 du code du patrimoine et R. 424-14 et R. 423-68 du code de l'urbanisme que le pétitionnaire doit, avant de former un recours pour excès de pouvoir contre un refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit et faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région d'une contestation de cet avis. L'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'ABF. Lorsque le préfet confirme l'avis défavorable de l'ABF, l'autorité compétente n'a pas à se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire et le délai de recours contentieux contre le refus de permis de construire court à compter de la notification de la décision du préfet confirmant l'avis défavorable de l'ABF.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a saisi le 19 octobre 2015 d'un recours contre l'avis défavorable émis le 22 juillet précédent par l'architecte des Bâtiments de France sur son projet le préfet du Gard, lequel l'a transmis, en application de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, désormais codifié à l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, au préfet de la région Languedoc-Rousssillon, seul compétent. La requête de l'intéressé contre l'arrêté du 26 août 2015 a été enregistrée au greffe du tribunal le 26 octobre 2015, postérieurement à l'introduction du recours prévu à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, et alors même que le préfet de région n'avait, à cette date, pas encore statué sur le recours du requérant, la demande de M. B... était, contrairement à ce que soutient la commune, recevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. En premier lieu, d'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme, le permis de construire est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction et selon l'article R. 423-19 du même code le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". L'article R. 423-23 dudit code dispose que : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour les demandes (...) de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire (...) ". L'article R. 424-1 du même code précise que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire (...) tacite. ". En vertu de l'article R. 424-10 du même code, la décision accordant ou refusant le permis est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal ou par transmission électronique. Enfin, l'article R. 423-47 du même code dispose que : " Lorsque les courriers sont adressés au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé est réputé en avoir reçu notification à la date de la première présentation du courrier. ".

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé son dossier de demande de permis de construire le 30 mai 2015 auprès de la mairie de Junas, ainsi qu'en atteste le récépissé de dépôt de demande adressé par la commune au pétitionnaire, récépissé qui fixait par ailleurs le délai d'instruction de la demande à trois mois, conformément aux dispositions de droit commun de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme. Ce n'est que par lettre du 2 juillet 2015 que le maire de Junas a sollicité de M. B... la production de pièces afin de compléter son dossier de demande, soit après l'expiration du délai d'un mois à compter du dépôt de la demande prévue par les dispositions de l'article R. 423-22 précité. Il s'ensuit, le dossier de permis de construire devant être réputé complet à compter de sa réception en mairie, que le délai d'instruction de la demande a commencé à courir à compter du 30 mai 2015. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'attestation des services postaux du 9 mars 2016, laquelle fait foi jusqu'à preuve du contraire qui n'est en l'espèce pas apportée, que le pli contenant l'arrêté en litige du 26 août 2015 a été présenté pour la première fois le lendemain au domicile de M. B.... Ainsi, le requérant, qui est réputé avoir reçu notification de cet arrêté le 27 août 2015 et ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il a effectivement retiré ce pli le 8 septembre 2015, n'est pas fondé à soutenir qu'il était devenu titulaire d'un permis de construire tacite à l'expiration du délai d'instruction de trois mois indiqué dans le récépissé.

9. D'autre part, il résulte des articles L. 424-2, R. 424-3 et R. 424-4 du code de l'urbanisme que, s'il incombe à l'architecte des Bâtiments de France d'adresser au demandeur d'un permis de construire dont la délivrance est soumise à son accord copie de son avis lorsque celui-ci est défavorable ou favorable mais assorti de prescriptions et d'informer alors le demandeur qu'il ne pourra pas se prévaloir d'un permis tacite, la non-exécution de cette formalité, dont le seul objet est l'information du demandeur, ne peut avoir pour effet l'acquisition d'un permis tacite.

10. Il résulte de ce qui précède que si M. B... soutient que l'avis défavorable du 22 juillet 2015 de l'architecte des Bâtiments de France ne lui avait toujours pas été notifié le 26 août 2015, date de l'édiction de l'arrêté en litige, cette circonstance n'était pas de nature à faire naître à son profit un permis de construire tacite.

11. Il découle de ce qui vient d'être dit aux points 9 et 10 que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 26 août 2015 doit s'analyser comme le retrait d'un permis de construire tacite. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors en vigueur et aujourd'hui repris à l'article L. 121-1 du code des relations entre l'administration et le public est inopérant.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire (...) tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente ". Selon le premier alinéa de l'article R. 425-1 du même code : " Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (...), le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France ". Aux termes de l'article L. 621-31 du code du patrimoine : " Lorsqu'un immeuble est adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable (...) ". Selon l'article L. 621-30 du même code : " (...) Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument (...) ".

13. Il est constant que le projet de M. B... a pour objet l'extension et la restructuration du " Domaine de Christin " situé une distance de moins de 500 mètres du Mas de Christin, monument inscrit au titre des monuments historiques. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et de la configuration des lieux que le projet est, au moins en partie, visible depuis le Mas de Christin. Il suit de là que dès lors que le projet est situé dans le champ de visibilité du Mas de Christin au sens des dispositions citées ci-dessus du code du patrimoine, le projet était soumis, contrairement à ce que soutient M. B..., à l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France.

14. En troisième lieu, pour opposer un refus à M. B..., le maire de Junas s'est fondé sur l'avis défavorable émis par l'architecte des Bâtiments de France, l'incomplétude du dossier de demande et le non-respect des prescriptions des articles A 2 et A 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

15. Tout d'abord, l'architecte des Bâtiments de France a motivé son avis défavorable par la mauvaise qualité et l'indigence des pièces graphiques permettant de mesurer l'impact des interventions dans leur environnement, par les incohérences entre le descriptif et les pièces graphiques concernant les clôtures et les portails non dessinés, par l'absence de mesures d'intégration paysagère des hangars projetés et enfin, par la volumétrie générale du projet en contradiction avec la qualité des anciens communs du Mas de Christin. En vertu de l'article R. 424-14 précité du code de l'urbanisme, l'avis du 21 décembre 2015 pris par le préfet de la région Languedoc-Roussillon et statuant sur le recours administratif préalable obligatoire formé par le requérant s'est substitué à l'avis initial de l'architecte des Bâtiments de France. Par suite, les moyens par lesquels M. B..., pour demander l'annulation de l'arrêté du maire du 26 août 2015, excipe de l'illégalité de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, doivent être écartés comme inopérants. Ils doivent, cependant, être regardés comme soulevés à l'encontre de l'avis préfectoral du 21 décembre 2015 qui s'est approprié en l'espèce les motifs de l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier de demande que les pièces graphiques produites étaient d'une qualité correcte et en nombre suffisant pour permettre de mesurer l'impact des constructions à édifier dans leur environnement et ledit dossier permettait de porter une appréciation sur les clôtures et portails. Il suit de là que les deux premiers motifs de son avis sont entachés d'erreur de fait. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, la co-visibilité ne concerne ni les bâtiments agricoles A et B envisagés situés sur une partie du terrain d'assiette beaucoup plus éloignée du Mas de Christin, en contre-bas et cachés derrière le bâtiment principal existant du Domaine de Christin, ni l'extension envisagée du bâtiment d'habitation et que, d'autre part, les hangars adossés à l'existant dont il est prévu la démolition et la reconstruction ne porteront pas atteinte au Mas de Christin avec lequel ils sont en co-visibilité dès lors qu'elle est extrêmement réduite par les hauts murs d'enceinte du domaine et la dense végétation qui les sépare, qui ne laisse qu'entre-apercevoir vaguement entre les troncs, les branches et les feuilles, et seulement à bonne distance, un petit morceau de façade et de toiture. Enfin, et alors même que comme il vient d'être dit les hangars A et B ne seront pas visibles depuis le Mas de Christin, en tout état de cause, il ressort de la notice que l'ossature métallique de ces deux bâtiments sera de teinte gris pierre, les charpentes auront deux pentes à 30 %, les couvertures seront en tôles recouvertes de tuiles vieillies, les façades seront composées de parties maçonnées enduit gris pierre et bardage bois vertical lasuré naturel, les portes seront réalisées avec le même bardage bois. Dans ces conditions, le préfet de la région Languedoc-Roussillon a commis des erreurs d'appréciation en estimant que le projet ne prévoyait pas de mesures d'intégration paysagère pour les hangars projetés et que la volumétrie générale du projet est en contradiction avec la qualité des anciens communs du Mas de Christin. Il suit de là que c'est à tort que le maire de Junas s'est fondé sur son avis défavorable.

16. Ensuite, il ressort du dossier de demande de permis que les pièces de celui-ci, et notamment les pièces graphiques et la notice descriptive et paysagère, étaient suffisantes nonobstant l'importance du projet pour permettre au service instructeur d'apprécier le respect des dispositions de l'article A 11 relatif à l'aspect extérieur des constructions et aménagements de leurs abords du règlement du plan local d'urbanisme. Ce deuxième motif de refus est, par suite, entaché d'illégalité.

17. Par ailleurs, le préambule du chapitre I du règlement du plan local d'urbanisme relatif à la zone agricole indique : " Caractère de la zone : Il s'agit d'une zone naturelle à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Elle est réservée au maintien et au développement d'activités agricoles et doit, à ce titre, être protégée de toute occupation ou utilisation des sols non directement nécessaire à ce type d'activités. Seules sont autorisées les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole ". Aux termes de l'article A 2 relatif aux occupations et autorisations du sol soumises à des conditions particulières : " Sont autorisées sous condition, les occupations et utilisations du sol suivantes : Les bâtiments agricoles s'ils sont nécessaires à l'exploitation (...) Les extensions et l'aménagement des construction à usage d'habitation nécessaires à l'exploitation agricole, dans la limite de 60m² de SHON supplémentaire ( ...) Dans le cadre d'exploitations agricoles constituées, la création de gites ruraux réalisés dans le volume des bâtiments d'exploitation existants (... ) De plus, dans les zones inondables délimitées aux plans de zonage du PLU sont autorisées (...) les piscines au niveau du terrain naturel sous réserve qu'un balisage permanent du bassin soit mis en place afin d'assurer en cas d'inondation légère, la sécurité des personnes et des services de secours (...). ".

18. S'agissant du hangar, adossé au mas existant, devant être reconstruit après démolition et affecté, non seulement à l'élevage et à la production de foin mais aussi à la location de chevaux, le maire de Junas, qui n'a pas contesté dans sa décision la réalité de l'activité agricole du pétitionnaire constituée notamment par l'élevage de chevaux, a commis une erreur de droit en opposant à l'intéressé le caractère commercial de son activité de location de chevaux dès lors que celle-ci en constitue le prolongement.

19. S'agissant de l'extension de 60 m² d'un logement existant de 70 m² afin de permettre le logement des exploitants, soit M. et Mme B..., il ressort des pièces du dossier que, outre ce logement, il existe déjà sur le Domaine de Christin un logement de 220 m², un studio de 27 m² et un troisième logement de 98 m². Ainsi, eu égard à la surface habitable existante sur le site pour assurer une présence humaine permanente nécessaire au poulinage, l'extension projetée n'est pas nécessaire à l'exploitation agricole. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que ce motif est entaché d'erreur d'appréciation.

20. S'agissant de la création de cinq gites ruraux dans le volume des bâtiments existants, il ressort des pièces du dossier que, alors que le Domaine de Christin acheté par M. B... abritait anciennement une exploitation viticole laissée à l'abandon par les anciens propriétaires le pétitionnaire a effectué le 24 mars 2015 une déclaration en vue de la création d'activités agricoles nouvelles (viticulture et élevage de chevaux) et a obtenu à compter du 1er mars de la même année l'inscription au Répertoire des Entreprises et des Etablissements du transfert de son activité d'élevage de chevaux de Neufchatel en Bray à Junas. Eu égard à la faible consistance de l'activité agricole du requérant à la date de l'arrêté en litige, celui-ci ayant déclaré dans la fiche de renseignement complémentaire à tout projet de construction en zone agricole avoir un cheptel uniquement de douze chevaux, l'intéressé ne peut être regardé comme ayant une exploitation agricole constituée au sens et pour l'application de l'article A 2 précité du règlement du plan local d'urbanisme. Il suit de là que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le maire de Junas s'est fondé sur ce motif pour rejeter sa demande de permis de construire en tant qu'elle porte sur la création de cinq gites ruraux.

21. S'agissant de la construction d'une piscine de 28 m² d'emprise au sol, le maire s'est borné à opposer au pétitionnaire les dispositions du préambule de la zone A en considérant que sa construction est contraire à ces dispositions qui n'admettent que les constructions nécessaires à l'exploitation agricole. Toutefois, en l'espèce le préambule du chapitre I " zone agricole " se borne à fixer un objectif et ne comporte aucune disposition de portée réglementaire dont la méconnaissance serait susceptible d'être opposée à une demande d'autorisation d'urbanisme. Il suit de là que le maire de Junas a commis une erreur de droit en opposant au pétitionnaire un tel motif.

22. Enfin, aux termes de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à l'aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords : " (...) En général les clôtures sont déconseillées dans ces secteurs. Dans tous les cas, elles devront être le plus discrètes possible. Les clôtures maçonnées sont interdites sauf si elles constituent un ensemble homogène avec les constructions et installations constituant le " corps de ferme ". ".

23. M. B... projette d'édifier des clôtures composées d'un grillage rigide vert de 1,30 m de hauteur, avec deux portails d'accès métalliques respectivement de 4 m de large x 2,50 m de hauteur, le portail situé au Nord du domaine étant coulissant tandis que celui situé à l'Est est composé de deux ouvrants " à la française " avec, aux abords, des murs pleins. Pour refuser au requérant l'autorisation ainsi sollicitée d'édifier ces constructions, le maire de Junas a retenu qu'aux abords des clôtures maçonnées projetées autour du portail d'entrée Est, il n'y a pas de constructions ou d'installations constituant un " corps de ferme " avec lequel ces parties de clôtures maçonnées seraient susceptibles de constituer un ensemble homogène et que, par ailleurs, les clôtures et portails projetés, au vu de leurs dimensions et de leurs caractéristiques, ne sont pas dans leur ensemble de nature discrète. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier de demande que le projet ne prévoit pas de clôtures maçonnées au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article A 11 mais des clôtures en grillage rigide vert, les seules parties maçonnées étant les poteaux implantés de part et d'autre du portail, poteaux dont la fonction exclusive est de supporter les ventaux de ce dernier. Il suit de là que ce premier motif est illégal. D'autre part, il ressort également du dossier de demande de permis que les clôtures, au regard de leur matériau en grillage rigide ajouré, de leur couleur verte qui leur permettra de se fondre avec la végétation dense existante, et leur dimension réduite quasiment au maximum puisque leur hauteur sera de 1,30 m seulement seront les plus discrètes possibles. De même, les deux portails dont les dimensions de 4 mètres de large par 3,20 m de hauteur n'ont rien de disproportionné et sont réduites à ce qu'impose l'entrée de véhicules et leur matériau métallique de couleur uni, tout à fait comparable d'ailleurs au portail du Mas de Christin, seront suffisamment discrets eux aussi pour s'intégrer dans ce secteur à vocation agricole. Ce motif est, par suite, entaché d'erreur d'appréciation.

24. En dernier lieu, et à supposer que le moyen soit soulevé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Junas a entaché son refus d'un détournement de pouvoir.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et eu égard aux seuls motifs de refus opposés par le maire à la demande de M. B..., que celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que ledit maire a refusé de l'autoriser à édifier les hangars A et B, les clôtures et portails, la piscine et à procéder à la démolition et à la reconstruction du hangar adossé au corps principal du mas existant devant être affecté à une activité de location de chevaux et à demander, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêté du 26 août 2015 dans cette mesure tout comme celle du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 octobre 2017 également dans la même mesure.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

26. Eu égard aux motifs de l'arrêt, son exécution n'implique pas nécessairement que le maire de Junas délivre au requérant un certificat de permis de construire en application de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme mais uniquement qu'il procède à un nouvel examen de la demande de M. B... concernant l'édification des hangars A et B, les clôtures et portails, la piscine et la démolition et la reconstruction du hangar adossé au corps principal du mas existant devant être affecté à une activité de location de chevaux. Il y a lieu par suite d'enjoindre audit maire de procéder à ce nouvel examen dans un délai d'un mois sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chaque parties les frais par elle exposés.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 26 août 2015 du maire de Junas est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. B... de permis en ce qui concerne l'édification des hangars A et B, des clôtures et portails, de la piscine et la démolition et la reconstruction du hangar adossé au corps principal du mas existant devant être affecté à une activité de location de chevaux et le jugement du 31 octobre 2017 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de M. B... dans la même mesure.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Junas de procéder, dans un délai d'un mois, à un nouvel examen de la demande de permis de construire de M. B... concernant l'édification des hangars A et B, des clôtures et portails, de la piscine et la démolition et la reconstruction du hangar adossé au corps principal du mas existant.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Junas.

Copie en sera adressée au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme C..., président assesseur,

- Mme Giocanti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2020.

N° 17MA05071 10


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis tacite - Existence ou absence d'un permis tacite - Absence.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Frédérique SIMON
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP BERENGER - BLANC - BURTEZ - DOUCEDE et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 29/12/2020
Date de l'import : 23/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17MA05071
Numéro NOR : CETATEXT000042885555 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-29;17ma05071 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award