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23/12/2020 | FRANCE | N°19MA02247

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 décembre 2020, 19MA02247


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai 2019, 20 et 30 novembre 2020, la SAS des Cinémas de la Rosière, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a autorisé la SARL Cernay Ciné à créer un établissement de spectacles cinématographiques de six salles et 1 082 places à l'enseigne CGR à Grasse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SARL Cernay Ciné la so

mme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mai 2019, 20 et 30 novembre 2020, la SAS des Cinémas de la Rosière, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a autorisé la SARL Cernay Ciné à créer un établissement de spectacles cinématographiques de six salles et 1 082 places à l'enseigne CGR à Grasse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SARL Cernay Ciné la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il ne ressort pas de sa décision que la Commission aurait été régulièrement composée, ni que l'ensemble des pièces visées par l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée aurait été adressé aux membres ;

- la décision méconnait l'article R. 212-7-2 du code du cinéma et de l'image animée en ce que le pétitionnaire ne dispose pas de la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet, étant précisé qu'une partie de ce terrain appartient au domaine public et n'a fait l'objet ni de désaffectation, ni de déclassement ;

- le projet autorisé méconnaît les critères fixés par l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, en particulier en ce qui concerne, d'une part, l'objectif d'accroissement de l'offre culturelle et, d'autre part, celui de l'aménagement culturel, eu égard à l'insuffisance des places de parking, à l'insuffisance de l'étude des flux et aux atteintes portées à l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2019, la SARL Cernay Ciné, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS des Cinémas de la Rosière une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2020, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par la SELARL Aleo-Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS des Cinémas de la Rosière une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SARL Cernay Ciné.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS des Cinémas de la Rosière demande à la Cour d'annuler la décision du 19 février 2019 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a autorisé la SARL Cernay Ciné à créer un établissement de spectacles cinématographiques de six salles et 1 082 places à l'enseigne CGR à Grasse.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la procédure :

2. Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obligation à la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique d'attester que la convocation de ses membres a été régulièrement effectuée et qu'elle a été accompagnée de l'envoi, dans les délais, des documents nécessaires à ses délibérations. Si, dans son mémoire reçu le 20 novembre 2020, la société requérante fait valoir que les pièces du dossier ne permettent pas de s'assurer de la régularité de la procédure, elle n'invoque aucune circonstance de nature à faire douter de ladite régularité, alors même qu'étant partie à la procédure suivie devant la Commission, elle était à même d'étayer son moyen. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que l'ordre du jour et les dossiers d'instruction ont été régulièrement communiqués aux membres de la Commission avec les convocations à la réunion.

En ce qui concerne la maîtrise foncière :

3. Aux termes de l'article R. 212-7-2 du code du cinéma et de l'image animée : " La demande d'autorisation d'aménagement cinématographique est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la SARL Cernay Ciné a déposé sa demande d'autorisation en qualité de futur exploitant du projet litigieux. Les parcelles d'implantation de ce projet appartiennent à la commune de Grasse et à la société publique locale Pays de Grasse développement, lesquelles ont toutes deux autorisé, comme l'établissent deux attestations du 13 juillet 2018 figurant au dossier, la SARL Cernay Ciné à déposer une demande d'exploitation auprès de la commission départementale d'aménagement cinématographique en qualité de future exploitante. L'affectation des parcelles en cause au projet est, en outre, prévue par le projet d'aménagement de la zone Martelly dont elles relèvent. Dans ces conditions, alors même que le conseil municipal de la commune n'aurait pas délibéré sur le projet en cause, ni à ce stade, procédé à la désaffectation du domaine public, la Commission a pu légalement considérer que la société pétitionnaire justifiait de la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet, pour l'application de l'article R. 212-7-2 précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces prescriptions doit être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement cinématographique :

5. Aux termes de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants :/ 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants :/ a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ;/ b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ;/ c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ;/ 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants :/ a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ;/ b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ;/ c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ;/ d) L'insertion du projet dans son environnement ;/ e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme./ Lorsqu'une autorisation s'appuie notamment sur le projet de programmation cinématographique, ce projet fait l'objet d'un engagement de programmation cinématographique souscrit en application du 3° de l'article L. 212-23. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation sollicitée ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.

7. Contrairement aux affirmations de la société requérante, il ressort du procès-verbal de la Commission nationale qu'elle a apprécié les effets du projet sur l'ensemble de la zone de chalandise, et pas seulement sur le territoire de la commune de Grasse.

8. Il ressort des pièces du dossier que le projet en cause remplacera le cinéma Le Studio disposant de deux salles représentant 230 places et dont la programmation comportait majoritairement des films d'art et essai. Si le projet actuel, qui porte sur 1 082 places, prévoit une programmation en art et essai proportionnellement moindre, il procédera néanmoins à une augmentation des séances de cette nature de 800 à 1 800. Par ailleurs, le projet aura également pour objet d'accroitre l'offre de films généralistes. Dans ces conditions, la décision attaquée ne méconnait pas l'objectif de diversité de l'offre culturelle.

9. S'il ressort des pièces du dossier que, dans la zone de chalandise, le taux de fréquentation par personne est légèrement supérieur à la moyenne nationale, qui est de 5,4 par an pour les communes de 45 000 à 55 000 habitants, il en est très inférieur sur le territoire de la commune de Grasse, dont la population se situe dans cette catégorie, n'atteignant qu'un taux de 0,4 par an. Par ailleurs, le parc de stationnement public comprend actuellement 557 places et de nombreuses places seront créées dans la future zone Martelly laquelle est largement desservie par les transports en commun. En tout état de cause, la société requérante n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de son affirmation selon laquelle les conditions de circulation ne seraient pas adéquates ou que l'étude de flux serait insuffisante. Enfin, la seule circonstance que la façade du futur cinéma soit en verre n'établit pas que le bâtiment serait " inadapté en Provence ". Dans ces conditions, la décision attaquée ne méconnait pas non plus les objectifs d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS des Cinémas de la Rosière n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 19 février 2019 de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.

Sur les frais du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande de la SAS des Cinémas de la Rosière, ni l'Etat, ni la SARL Cernay Ciné n'ayant la qualité de partie perdante à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS des Cinémas de la Rosière une somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions, à verser à la SARL Cernay Ciné. Il n'y a, en revanche, pas lieu de faire droit aux conclusions de la Commission nationale d'aménagement cinématographique fondées sur les mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS des Cinémas la Rosière est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la SAS des Cinémas la Rosière la somme de 2 000 euros, à verser à la SARL Cernay Ciné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la Commission nationale d'aménagement cinématographique fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS des Cinémas la Rosière, à la SARL Cernay Ciné et à la ministre de la culture.

Copie en sera délivrée à la Commission nationale d'aménagement cinématographique et au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020, où siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. D..., président assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.

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N° 19MA02247


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

09-05-02 Arts et lettres. Cinéma.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 23/12/2020
Date de l'import : 16/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA02247
Numéro NOR : CETATEXT000042737753 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-23;19ma02247 ?
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