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18/12/2020 | FRANCE | N°18MA05002

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 18 décembre 2020, 18MA05002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Puyvert a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire, ensemble la décision du 23 juin 2016 du maire de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté et d'enjoindre au maire de réexaminer sa demande de permis de construire sous condition de délai et d'astreinte.

Par le jugement n° 1602416 du 28 septembre 2018, le tribunal administra

tif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 8 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Puyvert a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire, ensemble la décision du 23 juin 2016 du maire de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté et d'enjoindre au maire de réexaminer sa demande de permis de construire sous condition de délai et d'astreinte.

Par le jugement n° 1602416 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018 et par des mémoires complémentaires enregistrés les 20 juillet, 3 septembre et 21 septembre 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 septembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2016 du maire de la commune de Puyvert, ensemble la décision de rejet du 23 juin 2016 de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Puyvert de réexaminer sa demande dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Puyvert la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la motivation de la décision en litige est insuffisante et contradictoire ;

- le projet de révision du plan local d'urbanisme de la commune n'était pas suffisamment avancé à la date de la décision en litige au sens de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ;

- la délivrance du permis de construire sollicité n'est pas susceptible de compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme ;

- le classement de sa parcelle en espace vert paysager à préserver EV est illégal ;

- la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir et de détournement de procédure.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 juin et 13 août 2020, la commune de Puyvert, représentée par la SCP d'avocats CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me C... représentant la commune de Puyvert et Me F... représentant M. E....

Une note en délibéré présentée par la commune de Puyvert a été enregistrée le 14 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a déposé le 17 décembre 2015 auprès du maire de la commune de Puyvert une demande de permis de construire afin d'édifier un entrepôt artisanal d'une surface créée de 192 m² sur un terrain d'une superficie de 1 574 m², cadastré B n° 1931, situé au lieu-dit la Valette sur le territoire communal. Par arrêté en litige du 8 mars 2016, le maire de Puyvert a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire et a rejeté le 23 juin 2016 le recours gracieux de M. E... tendant au retrait de cet arrêté. Le tribunal administratif de Nîmes, par un jugement dont M. E... relève appel, a rejeté la demande de ce dernier tendant à l'annulation de cet arrêté du 8 mars 2016, ainsi que de la décision du 23 juin 2016 de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'article L. 424-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable prévoit notamment qu'il peut être sursis à statuer sur toute demande concernant des constructions dans le cas prévu à l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme. Le 3ème alinéa de l'article L. 153-11 prévoit dans sa rédaction applicable au litige que : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ". Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme (PLU) pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution. La faculté ouverte par ces dispositions législatives à l'autorité compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire, de surseoir à statuer sur cette demande, est subordonnée à la double condition que l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du plan local d'urbanisme et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle l'autorité doit statuer, un état d'avancement suffisant. Par ailleurs, si le projet d'aménagement et de développement durable n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte les orientations d'un tel projet, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si une construction serait de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.

3. Pour opposer un sursis à statuer à la demande de M. E... par le premier arrêté en litige du 8 mars 2016, le maire s'est fondé sur la circonstance que "la construction projetée se situe dans la zone Na du futur PLU réservée à l'extension de la zone artisanale et que la construction d'un entrepôt compromet l'exécution du futur plan local d'urbanisme". Le premier arrêté en litige du 8 mars 2016 mentionne que le conseil municipal, dans son projet de PADD, a souhaité notamment permettre l'extension de la zone artisanale Na tout en contenant l'étalement urbain selon les prescriptions du schéma de cohérence territoriale (SCoT) Sud Lubéron.

4. Il ressort des pièces du dossier que la délibération prescrivant la révision du PLU de la commune a été adoptée par le conseil municipal de Puyvert le 23 septembre 2015, qu'une réunion publique s'est tenue le 18 février 2016 et que le débat sur le PADD s'est tenu le 24 février 2016, soit avant l'édiction de l'arrêté litigieux du 8 mars 2016. Le PADD débattu le 24 février 2016 comportait trois ambitions précises, notamment celle n° 2 de "conforter le développement économique et des services pour un village attractif et dynamique". Cette ambition n° 2 comprend une double orientation, l'orientation n° 1 à savoir permettre un développement mesuré de la zone artisanale de La Valette en cohérence avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) Sud Lubéron, qui exige une surface totale maximale de 2,77 hectares et qui demande que cette zone, composée actuellement d'un secteur mixte habitat/activité, soit restructuré pour n'y développer que de l'activité et l'orientation n° 2 à savoir affirmer la vocation artisanale de la zone d'activité de La Valette et permettre un développement mesuré de la zone artisanale actuelle par une extension limitée. L'ambition n° 3 du PADD, celle de "préserver l'environnement et le paysage pour un cadre de vie de qualité", comprend l'orientation n° 1 "de préserver la valeur et la qualité des grands paysages, valoriser le territoire" et de "pérenniser les paysages agricoles". Si ce PADD comprend pour chaque orientation une cartographie des futurs zonages, de tels documents graphiques ont pour seul objet de déterminer les principales orientations des différents secteurs de la commune sans délimiter le zonage des terrains à l'échelle parcellaire, sans qu'il soit besoin dès lors de savoir si la cartographie du secteur de La Valette élaborée dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durable (PADD) du PLU était suffisamment précise pour vérifier si la parcelle terrain d'assiette du projet était destinée à être exclue ou non de cette zone artisanale. Ces documents graphiques ne permettaient pas ainsi à eux seuls d'établir qu'à la date de la décision en litige, le terrain d'assiette du projet de M. E..., situé à la limite de la zone artisanale de La Valette, était destiné à être classé soit en zone Na destinée à l'extension de la zone artisanale qui s'étend au nord de cette parcelle conformément à l'orientation n° 2, soit en zone A dans la zone agricole qui s'étend au sud comme le soutient la commune conformément à l'orientation n° 1. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, un projet de règlement ait été défini pour ce secteur. Surtout, il ressort de la motivation contradictoire de la seconde décision en litige du 23 juin 2016, qui rejette le recours gracieux du requérant, que la commune a décidé entretemps de changer le zonage de la parcelle de M. E... et de le classer désormais comme un espace vert paysager à préserver au titre de la qualité des paysages sur le fondement de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable. Cette évolution de la réflexion de la commune sur le zonage de la parcelle terrain d'assiette du projet démontre que, à la date de la décision en litige du 8 mars 2016, l'état d'avancement des travaux d'élaboration de la révision du PLU ne permettait pas de déterminer si le projet de construction litigieux d'un entrepôt artisanal dans cette zone était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision de sursis à statuer en litige méconnaît le 3ème alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme et à demander l'annulation du premier arrêté en litige du 8 mars 2016. Cette annulation entraîne par voie de conséquence l'annulation de la deuxième décision en litige du 23 juin 2016 de rejet du recours gracieux de M. E....

5. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les autres moyens invoqués par M. E... ne sont pas de nature, en l'état de l'instruction, à entraîner également l'annulation des décisions en litige.

6. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté du 8 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Puyvert a opposé un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire, ensemble sa décision du 23 juin 2016.

Sur les conclusions aux fins de réexaminer sa demande de permis de construire :

7. Le présent arrêt implique nécessairement que le maire de la commune de Puyvert se prononce à nouveau, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la demande de permis de construire de M. E.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Puyvert la somme de 2 000 euros à verser à M. E... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 28 septembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 mars 2016 du maire de la commune de Puyvert, ensemble sa décision du 23 juin 2016 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Puyvert de se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire de M. E... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Puyvert versera à M. E... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Puyvert sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Puyvert.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme Simon, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

4

N° 18MA05002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05002
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Sursis à statuer.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : HEQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-18;18ma05002 ?
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