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15/12/2020 | FRANCE | N°19MA01106

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 15 décembre 2020, 19MA01106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui payer les sommes de 30 000 euros, de 27 500 euros et de 185 000 euros à titre de réparation respectivement de la perte de valeur vénale de sa propriété, de la perte de loyers et de la perte de constructibilité résultant des infiltrations d'eaux pluviales provenant de la rue Pessicart à Nice, et de condamner la métropole Nice Côte d'Azur au paiement de la somme de 7 544,15 euros au titre des frais d'exp

ertise.

Par un jugement n° 1604615 du 8 janvier 2019, le tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui payer les sommes de 30 000 euros, de 27 500 euros et de 185 000 euros à titre de réparation respectivement de la perte de valeur vénale de sa propriété, de la perte de loyers et de la perte de constructibilité résultant des infiltrations d'eaux pluviales provenant de la rue Pessicart à Nice, et de condamner la métropole Nice Côte d'Azur au paiement de la somme de 7 544,15 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1604615 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. C... et mis à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur les frais d'expertise liquidés à la somme de 7 544,15 euros par l'ordonnance du président du tribunal du 3 juin 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars et le 5 décembre 2019,

M. E... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2019 en tant qu'il n'a pas condamné la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme totale de 242 500 euros en réparation de divers préjudices ;

2°) de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui payer les sommes de

30 000 euros, de 27 500 euros et de 185 000 euros à titre de réparation respectivement de la perte de valeur vénale de sa propriété, de la perte de loyers et de la perte de constructibilité résultant des infiltrations d'eaux pluviales provenant de la rue Pessicart à Nice ;

3°) de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur la somme de 9 272,80 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en raison de l'humidité dans une des chambres de son habitation liée à un caniveau fuyard, il justifie d'une perte de chance de vendre sa propriété pour un prix de 650 000 euros laquelle n'a été cédée qu'à la valeur de 620 000 euros, et par suite, il est fondé à réclamer une réparation de 30 000 euros ; il a perdu la possibilité de retirer des revenus fonciers de sa villa à hauteur de 27 500 euros ; il établit une perte de constructibilité de sa villa qui sera justement indemnisée à hauteur de 185 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 6 juin et le 23 décembre 2019, la métropole Nice Côte d'Azur, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... une somme de 2 000 de frais d'instance.

Par la voie de l'appel incident elle demande à la Cour de cantonner sa responsabilité dans le sinistre à hauteur de 50% des sommes perçues par le requérant au titre de la réparation des désordres.

Elle soutient qu'en raison du défaut d'étanchéité du mur de la villa et de l'absence d'un système de ventilation dans la pièce humide, elle est fondée à demander un partage égal des responsabilités dans la survenance du sinistre. Pour le surplus, elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 6 décembre 2019 a clos l'instruction au 31 décembre 2019

à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la code général des collectivités locales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me D..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire à Nice d'une villa avec un rez-de-chaussée et un étage, composée de deux appartements trois pièces pour une surface habitable de 148 m². Une pièce à usage de chambre située au rez-de-chaussée et en contrebas du trottoir qui jouxte la villa, a présenté une forte humidité. Par une ordonnance n° 1302365 du 9 septembre 2013, le juge des référés du tribunal a ordonné à la demande de M. C... et au contradictoire de la commune de Nice et de la métropole Nice Côte d'Azur, une expertise à fin notamment de déterminer l'origine et les causes des désordres constatés. L'expert a déposé son rapport, le 20 janvier 2015. Par une ordonnance n° 1502328 du 15 avril 2016, le juge des référés du tribunal a condamné la métropole Nice Côte d'Azur à verser à M. C..., à titre de provision, une somme de

11 148,80 euros au titre de la réfection de la chambre située au rez-de-chaussée et des frais engagés pour assurer sa défense. Par la suite, M. C... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui payer les sommes de 30 000 euros, de 27 500 euros et de 185 000 euros à titre de réparation respectivement de la perte de valeur vénale de sa propriété, de la perte de loyers et de la perte de constructibilité résultant des infiltrations d'eaux pluviales provenant de la rue Pessicart à Nice, et de condamner la métropole Nice Côte d'Azur au paiement de la somme de 7 544,15 euros au titre des frais d'expertise. M. C... fait appel du jugement n° 1604615 du 8 janvier 2019 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté sa requête tendant à faire condamner la métropole Nice Côte d'Azur à lui payer la somme globale de 247 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les conclusions incidentes de la métropole de Nice Côte d'Azur tendant à ce qu'elle soit exonérée de sa responsabilité à hauteur de 50% au titre de la réparation des désordres :

2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise rendue le

20 janvier 2015, que le caniveau d'écoulement des eaux pluviales situé sous le trottoir de la villa de M. C... n'est pas étanche si bien que les eaux pluviales se déversent sur le mur de la villa. Il en a découlé une humidité anormale dans une chambre qui se situe en contrebas du trottoir pour être partiellement encastrée dans le sol, sur une surface de 2m². Ce défaut de l'ouvrage public a donc causé les désordres constatés dans cette pièce, ce qui entraîne la responsabilité du maître de cet ouvrage. Par une ordonnance n° 1502328 du 15 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a condamné la métropole de Nice Côte d'Azur à verser à M. C... une provision de 11 148,40 euros en réparation des préjudices résultant des désordres subis par la propriété de l'intéressé. Cette décision de référé-provision est devenue définitive. La métropole Nice Côte d'Azur n'est pas recevable à demander, pour la première fois en appel et par voie incidente, sa réformation dans le cadre du présent litige qui ne porte que sur des conclusions à fin de condamnation à verser à M. C... des indemnités à titre de réparation de la perte de la valeur vénale de sa villa, de la perte de loyers et de la perte de constructibilité. Par suite, les conclusions incidentes de la métropole Nice Côte d'Azur tendant au prononcé d'un partage égal des responsabilités dans la survenance du sinistre à l'origine des désordres, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la perte de chance de vendre la villa à son prix du fait de la dévalorisation de sa valeur vénale, et la perte de constructibilité :

4. En premier lieu, il est constant que M. C... a conclu, le 25 mai 2012, un mandat de vente de sa villa avec l'agence Endersen Transactions Immobilières pour une somme de

800 000 euros. Le 21 janvier 2013, il a signé un avenant à ce mandat pour un prix de vente de 725 000 euros. Il justifie d'une lettre d'intention d'achat de sa villa pour 650 000 euros, datée du 13 mars 2014, qui précise que le vendeur avait jusqu'au 23 mars 2014 à minuit pour l'accepter. M. C... fait valoir qu'en raison de l'humidité dans la pièce de sa villa, décrite au point 3, il a été obligé de solliciter le 20 juin 2013 l'intervention d'un expert devant le juge administratif et que cette expertise a duré dans le temps en raison de manoeuvres de la métropole Nice Côte d'Azur destinées à retarder la remise par l'expert de son rapport, établissant la responsabilité de celle-ci, qui n'a finalement eu lieu que le 20 janvier 2015. En raison des graves désordres qui ont affecté sa maison et de l'incertitude quant au responsable du sinistre faute d'expertise rendue sur ce point, il soutient qu'il n'a pas pu vendre sa villa en 2014. Il demande une somme de

30 000 euros déterminée en raison d'une baisse du marché immobilier niçois entre 2014 et 2016, au titre de la perte de chance de vendre sa villa à sa valeur de 2014, soit 650 000 euros, alors qu'en 2016 son prix théorique avait baissé à 620 000 euros. Toutefois, l'offre d'achat du

13 mars 2014 précise que le vendeur avait jusqu'au 23 mars 2014 à minuit pour l'accepter. Il ne résulte pas de l'instruction que les acheteurs potentiels ont repris leur offre d'achat avant le

23 mars 2014, date limite de sa validité. Par suite, M. C..., qui avait conclu initialement en 2013 un mandat de vente de sa maison pour un prix de 725 000 euros, et qui manifestement n'a pas accepté l'offre d'achat ferme de sa villa au prix de 650 000 euros dans le délai qui lui était imparti, n'est pas sérieusement fondé à soutenir que c'est en raison de l'humidité présente dans une seule pièce de sa villa, qu'il n'a pas cédé en 2014 son bien immobilier au prix de

650 000 euros. Par suite, il n'établit pas avoir subi le préjudice invoqué de 30 000 euros.

5. En deuxième lieu, M. C... indique que la constructibilité potentielle autorisée de sa villa était jusqu'en mars 2014 de 177 m², et qu'en 2016, cette possibilité a été perdue en raison de la loi dite " ALUR " du 24 mars 2014 qui a supprimé la notion de coefficient d'occupation de sols (COS). Il soutient que, faute d'avoir pu vendre sa villa en 2014, il doit être indemnisé de cette perte de constructibilité pour un montant de 185 000 euros calculé comme la différence entre le mandat de 2012 qui prévoyait un prix de 800 000 euros et une valeur estimée en 2016 de 615 000 euros, valeur qui a été rehaussée par la suite à 620 000 euros pour évaluer le préjudice de 30 000 euros mentionné au point 4. Cependant, d'une part, M. C... ne prouve pas qu'il ait eu l'intention d'agrandir sa villa. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le bénéfice d'une valeur résiduelle de construction ait été un élément significatif de l'offre d'achat du

13 mars 2014, qui présente seulement le bien à acquérir comme une maison individuelle sur

2 niveaux composée de 2 appartements de 3 pièces, sur terrain d'environ 754 m², sans faire mention d'un COS résiduel. Ainsi, M. C... qui ne justifie pas de la réalité de ce poste de préjudice n'est pas fondé à demander une réparation à ce titre à la métropole Nice Côte d'Azur.

En ce qui concerne la perte des loyers :

6. Il résulte de l'instruction que l'appartement du bas de la villa était occupé à titre gratuit avant le sinistre et qu'il a continué à l'être ainsi que cela est relevé dans le rapport d'expertise. Dans ces circonstances, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'une perte de revenus fonciers évaluée à 27 500 euros en raison de l'impossibilité de louer l'appartement du rez-de-chaussée qui serait due à l'humidité de la pièce servant de chambre.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, le tribunal administratif de Nice, par le jugement attaqué, a rejeté sa requête.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais liés à l'instance et exposés par elle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le paiement à la métropole Nice Côte d'Azur de la somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la métropole Nice Côte d'Azur une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de la métropole Nice Côte d'Azur est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la métropole Nice Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.

2

N° 19MA01106


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité de tiers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 15/12/2020
Date de l'import : 09/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19MA01106
Numéro NOR : CETATEXT000042729351 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-15;19ma01106 ?
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